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Fertilisation azotée : objectif colza robuste

Au-delà du rendement, le pilotage de l’azote sur la période notamment automnale doit permettre de viser un développement adapté de la culture en vue de mieux résister notamment aux agressions des altises et de valoriser au mieux les ressources du sol pour viser l’optimum sur le plan économique.  

La culture de colza est capable de capter plus de 100 kg d’azote à l’hectare à l’automne. Les repousses de colza forment d’ailleurs une culture piège à nitrate à l’efficacité reconnue, notamment par l’institut technique spécialisé Terres-Inovia. Cette capacité impressionnante du colza à capter l’azote à l’automne et ensuite au cours de l’hiver est un atout sur lequel il peut être judicieux de s’appuyer pour assurer une croissance vigoureuse et une résistance accrue aux stress hivernaux, tout en évitant un excès végétatif qui pourrait être préjudiciable avec entre autres le phénomène d’élongation à éviter. La culture est capable de bien valoriser les reliquats du sol ainsi que des effluents d’élevage éventuels ou digestats, qui sont parfois encore disponibles en cette période de fin d’été et de début d’automne, où il est souvent nécessaire de faire le vide dans les fosses avant les périodes hivernales d’interdiction d’épandage. Des expérimentations de Terres Inovia ont ainsi montré que ces apports organiques, effectués dans le respect des calendriers réglementaires, permettent une absorption supplémentaire moyenne de 40 unités d’azote par hectare. Concernant les reliquats, Terres Inovia démontre également qu’un précédent « légumineuses à graines » permet d’améliorer la quantité d’azote absorbé par le colza d’une quinzaine d’unités en moyenne par rapport à un précédent « blé » (résultats de 8 expérimentations conduites de 2008 à 2010 par Terres Inovia et les Chambres d’Agriculture de la Mayenne, de la Moselle, de la Nièvre et de l’Yonne dans le cas d’un précédent pois). Des apports directement dans la ligne de semis avant le 31 août ont aussi fait leur preuve avec un coefficient d’absorption maximum (coefficient apparent d’utilisation de l’azote CAU). C’est-à-dire que le risque de perte d’azote par lixiviation ou de volatilisation est alors quasi nul, selon Terres Inovia. L’enjeu d’un colza à végétation robuste est également de pouvoir atteindre assez rapidement les stades de 3 ou 4 feuilles pour éviter les effets négatifs des vols de grosses altises. 

La robustesse du colza est une prévention vis-à-vis des attaques de grosses altises.
La robustesse du colza est une prévention vis-à-vis des attaques de grosses altises.

« Une levée précoce permet ainsi à la plante d’atteindre le stade de 3-4 feuilles avant l’arrivée des altises, rendant les prélèvements foliaires par ces insectes moins impactants », souligne Terres Inovia. 

Effet protecteur

Cet effet « protecteur » de la nutrition azotée en début de cycle de culture est aujourd’hui reconnu sur le plan réglementaire. Ainsi, il est possible (sous conditions) depuis 2024, dans le cadre du septième programme d’actions « nitrates » (PAN 7), de réaliser un apport de 30 unités d’azote sous forme minérale en végétation à l’automne. Cette mesure vise à soutenir la croissance du colza dans des situations où la disponibilité en azote du sol est limitée, notamment pour renforcer la plante face aux infestations larvaires d’insectes d’automne. Des études menées par Terres Inovia ont démontré que cette pratique améliore significativement la biomasse aérienne à l’entrée de l’hiver, avec des gains moyens de 780 g/m² en 2021 sur 21 essais, et de 550 g/m² en 2022 sur 15 essais. La pratique est conditionnée au respect d’une date de semis avant le 25 août et à un apport à partir du stade quatre feuilles et à l’absence d’apports avant le 1ᵉʳ septembre d’engrais organiques supérieurs à l’équivalent de 30 unités d’azote efficace (engrais organiques de types définis précisés dans l’article 2 – paragraphe I de l’arrêté relatif au PAN 7.). Cependant ces mesures nationales peuvent être adaptées sur le plan régional. Il est donc important de se tenir informé des arrêtés spécifiques des programmes d’actions régionaux (PAR) de la directive nitrates. Le recours à des biostimulants formulés à base de bactéries libres fixatrice d’azote peut également être envisagé afin d’apporter le « coup de pouce » attendu à cette période automnale clé lorsque les conditions sont délicates et que les possibilités d’apport en minéral ou en organique ne sont pas remplies. Dans tous les cas, les excès d’apports doivent cependant être évités pour prévenir le phénomène d’élongation qui présente le risque notable de vulnérabilité au gel.

C'est la mesure de la biomasse en sortie d'hiver qui évalue le capital d'azote stocké dans la plante à défalquer de la dose à apporter au printemps.
C’est la mesure de la biomasse en sortie d’hiver qui évalue le capital d’azote stocké dans la plante à défalquer de la dose à apporter au printemps.

Les légumineuses associées

Associer le colza avec une légumineuse gélive peut améliorer son état nutritionnel en azote, évitant ainsi les symptômes de carence en azote, tels que le rougissement des feuilles. « Il a été montré que cet effet n’était pas lié à un transfert d’azote entre les légumineuses et le colza pendant l’été et l’automne, mais que c’était plutôt la conséquence d’une meilleure exploration du sol par les racines durant l’automne (Jamont et al., 2013) », rapporte l’Institut des oléagineux Terres Inovia. Selon Terres Inovia, cette pratique permet aussi de réduire le nombre de larves d’insectes d’automne, notamment lorsque c’est la féverole qui accompagne le colza, et de maintenir une dynamique de croissance favorable du colza. Ces couverts contribuent également à une meilleure absorption de l’azote et du phosphore, rendant le colza plus robuste face aux stress, y compris les attaques de ravageurs tels que l’altise d’hiver et le charançon du bourgeon terminal. L’Inrae pointe également des effets bénéfiques pour améliorer la régulation des adventices qui peut atteindre jusqu’à 80 %. En termes de rendement, les essais et observations en parcelles d’agriculteurs indiquent que le rendement des colzas associés est équivalent, en moyenne, à celui des colzas seuls, malgré une réduction de la fertilisation azotée moyenne de 30 unités par rapport à la dose bilan. Cette compensation est liée en partie aux restitutions d’azote par le couvert associé lors de sa dégradation et à l’amélioration du fonctionnement du colza lorsqu’il est associé. Pour un colza robuste, toute l’attention portée aux différentes composantes physiques du sol (porosité) et biologique aura son importance en plus du soin apporté à la fertilité en éléments minéraux. Par ailleurs, les apports en phosphore, soufre et oligoéléments peuvent être des facteurs limitants qu’il peut mériter de bien corriger dès la période d’automne pour améliorer la robustesse de ses cultures.

Les plantes compagnes de légumineuses offrent des services additionnels en plus de celui d'améliorer le statut nutritionnel de la culture.
Les plantes compagnes de légumineuses offrent des services additionnels en plus de celui d’améliorer le statut nutritionnel de la culture.

Évaluer le besoin

En sortie d’hiver, un colza avec une biomasse importante a déjà accumulé une quantité significative d’azote, réduisant d’autant les apports nécessaires au printemps. En effet qu’elle soit mesurée par pesée ou évaluée à l’aide d’imagerie satellite ou embarquée, c’est la biomasse en sortie d’hiver qui sert à déterminer les doses d’azote ultérieures à apporter sachant qu’avec un niveau de biomasse de 2,5 à 3 kg/m², Terres Inovia préconise de faire l’impasse en apports azotés. Sur le terrain, les besoins en sortie d’hiver peuvent être effectués à l’aide de la Réglette Azote Colza® qui facilite le calcul de dose en intégrant des paramètres comme la biomasse, le type de sol et l’objectif de rendement. Il est conseillé de ne jamais dépasser la dose de 300 unités d’azote apportées au colza et de ne jamais dépasser les 100 unités apportées en une seule application. Ainsi, si la dose totale nécessaire excède 100 unités, un fractionnement en deux passages est préconisé avec deux à trois semaines d’intervalle entre chacun. Il est conseillé de réaliser le premier apport dès la reprise de végétation mi-février en début de montaison pour soutenir la croissance initiale, surtout pour les colzas à faible biomasse. Le second apport intervient généralement 15 à 20 jours plus tard au stade boutons accolés, en fonction des conditions climatiques et du développement de la culture. Un troisième apport peut même être envisagé au stade boutons séparés. Les instituts techniques ont mis en évidence des effets négatifs d’un excès d’azote, notamment sur la qualité. Terres-Inovia constate d’ailleurs que des doses suboptimales d’azote apportent une meilleure rémunération nette, que celle de l’optimum de rendement. 

En sortie d’hiver, un colza avec une biomasse importante a déjà accumulé une quantité significative d'azote, réduisant d'autant les apports nécessaires au printemps.
En sortie d’hiver, un colza avec une biomasse importante a déjà accumulé une quantité significative d’azote, réduisant d’autant les apports nécessaires au printemps.

Alexis Dufumier

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