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Google va-t-il remettre en cause l’élevage pour la viande ?

Un article du magazine économique Capital paru cette semaine reprend les grands thèmes de société sur lesquels le géant américain Google souhaite intervenir. Parmi ceux-ci, une incitation à manger de la viande artificielle… Ce qui sous-entendrait un nouveau coup dur pour l’élevage à vocation viande… Qu’il reste néanmoins possible d’anticiper.

Google se positionne comme acteur de la société. Pour lire cet article, vous êtes déjà nombreux à avoir utilisé le célèbre moteur de recherche. Mais l’entreprise grandit, grandit, et ses ambitions dépasse l’attention que vous lui portez à quelques reprises dans la journée en pianotant quelques mots-clefs. Ainsi, Capital a récemment dévoilé au public français les intentions sociétales de Google (lien vers l’article source à la fin de celui-ci). Il est question de drones, de robots, de futurisme qui va jusqu’aux lentilles de contact connectées… Ou l’alimentation avec de la viande artificielle.

Des attentes sociétales nouvelles

Chaque thème choisi correspond à une forme d’attente sociétale. Il s’agit d’apporter une réponse pour aller vers une forme de « mieux vivre », concept très « tendance » à notre époque. Et c’est là que se situe le danger pour l’élevage à viande, bovin notamment pour commencer, et sans doute les autres élevages ensuite. Aujourd’hui, il est donc devenu « tendance » de se passer de viande. L’alimentation, la consommation évoluent. Et Google se propose donc de donner un grand d’accélérateur à cette tendance, avec ses moyens, que l’on sait énormes.

On pourra toujours contester du bien-fondé de cette viande artificielle, reconstituée en laboratoires à partir de cellules souches (vous avez en fin d’article la vidéo d’une société qui va dans ce sens, en anglais, mais déjà explicite par l’image pour les non bilingues), elle aura toujours pour partisans ceux qui estiment qu’élever des bêtes pour les tuer n’est pas digne de notre société.

Comment éviter une catastrophe ?

Attention, car en partant d’un effet de mode, on peut arriver derrière à une réelle catastrophe. Il est grand temps aujourd’hui de se soucier de l’aval, c’est-à-dire du consommateur. Les arguments, pourtant réels, consistant à dire que les éleveurs contribuent à façonner le paysage, entretiennent les prairies, sont amoureux de leurs bêtes, etc. trouvent aujourd’hui des contre-arguments sur lesquels il est grand temps de se pencher, y compris lorsqu’on n’y adhère pas.

Pour que l’élevage à viande puisse survivre à ces multiples attaques, il doit à tout prix être irréprochable, à tous les niveaux de la filière. La récente vidéo qui a fait le tour des médias puis des médias sociaux montrant une réelle cruauté envers les animaux abattus, dans l’abattoir d’Alès, constitue une alerte dont il faut tenir compte.

Rendre les abattoirs « propres »

La souffrance animale constitue un frein évident à la consommation. Et c’est d’ailleurs normal : qui peut avoir envie de manger ainsi de la viande ou un produit dérivé en sachant qu’il provient d’une bête qui a souffert le martyr jusqu’à son dernier souffle ? Alors, oui, je sais, vous, éleveurs, qui lisez cet article, vous vous dites : « moi, j’élève bien mes bêtes, j’en prends soin, je les fais naître, je les suis, je les soigne… » Oui, mais ce n’est pas vous qui êtes en cause ici (en tout cas la majorité d’entre vous, on trouve toujours des exceptions, quel que soit le secteur ; mais majoritairement ceux qui prennent le temps de vous connaitre savent que vous faites des élevages « clean »). En revanche, c’est bien vous qui allez payer l’addition. Très cher.

Aujourd’hui, la demande pour des abattoirs qui respectent les règles en vigueur (étourdissement des animaux avant l’abattage, notamment) n’émane pas, ou pour ainsi dire pas, de la profession. Vous craignez un coup du sort supplémentaire, vous tendez déjà le dos sur les prix, ou sur cet accord transatlantique qui promet d’être catastrophique pour votre secteur, sans que vous sachiez ni jusqu’à quel point, ni quand… Oui mais, omettre de répondre aux demandes des consommateurs, en particulier lorsqu’elles sont légitimes, ce ne sera jamais la solution.

La commission d’enquête sénatoriale sur les abattoirs, une étape indispensable

Or, une solution existe pour rendre l’ensemble de la filière propre, y compris à l’intérieur des abattoirs : la commission d’enquête parlementaire, en l’occurrence sénatoriale puisque la demande est en cours. Une telle enquête donne tous les moyens aux sénateurs : ils auditionnent, ils vont sur place, autant de fois qu’ils le jugent nécessaire. Refuser de répondre est répréhensible par la loi, ils obtiennent donc des réponses, les vraies réponses. A la fin, la commission d’enquête en question propose des solutions pour résoudre les problèmes.

Une telle enquête constitue le meilleur moyen de mettre à jour tous les dysfonctionnements majeurs qui existent aujourd’hui au niveau des abattoirs : la souffrance animale, mais aussi les conditions de travail des salariés, ou encore les « erreurs » constatées si souvent, comme l’oubli répété du comptage d’une bête pour un éleveur ou un autre, ou des poids d’animaux qui ne correspondent à ceux de sortie de la ferme. Il est grand temps que ce carrefour des anomalies qui met toute la filière à mal soit clarifié, et que les multiples pratiques contestables qui y ont cours soient corrigées.

Des réticences, mais aussi des soutiens de poids

Pourtant, la sénatrice Sylvie Goy-Chavent, à l’origine de la demande de cette commission d’enquête, rencontre moult réticences. Elle est proche du but, mais ne l’a pas encore atteint, alors que ça va faire bientôt un mois qu’elle démarche chacun de ses collègues pour qu’ils signent sa demande (elle sera acceptée avec un nombre jugé « suffisant » de signatures, soit une centaine). Elle-même fille d’éleveur, elle ne pense qu’à rendre propre toute la filière, dans l’intérêt des éleveurs comme des consommateurs. Sa démarche est comprise, mais par la société plus que par la profession agricole ou ses collègues.

Elle a obtenu récemment le soutien d’artistes divers, allant de Jean-Paul Belmondo à Robert Hossein en passant par Jean Rochefort, de politiques de tous les camps (rappel, Sylvie Goy-Chavent est UDI) comme ceux de Yves Jego (radical), Lionnel Luca (Les Républicains), Eva Joly (Verts), José Bové, de présentateurs télé (Stéphane Bern, Patrice Laffont, Laurent Boyer, Cyril Hanouna…)… Des chercheurs aux noms moins connus mais bien présents, des auteurs comme Luc Ferry ou Eve Ruggieri… On trouve même, pour la première fois réunis sur la même liste depuis une dispute célèbre, Jean-Pierre Foucaud et Geneviève de Fontenay. Tous ces noms figurent sur un document intitulé « appel aux parlementaires et au président du Sénat« . Ils représentent, qu’on apprécie les uns ou les autres avec plus ou moins de ferveur, notre société. La demande, aujourd’hui, vient de la société, des consommateurs. Il serait temps qu’elle vienne aussi des professionnels de l’élevage, puisque ce sont eux qui vont pâtir en premier d’une absence de réponse.

Rappelez-vous de l’écotrophologie

Un dernier mot, un rappel en fait, vers une tribune que nous avons diffusée en juin dernier, signée Jean-Charles Catteau. Il prône ainsi de réfléchir désormais toutes les filières agricoles en incluant tous les acteurs, y compris les consommateurs. Il a appelé ça l’écotrophologie, le nom est peut-être trop savant pour être retenu de manière populaire, mais le concept est vraiment intéressant, et nous sommes en plein dans le sujet aujourd’hui. Je vous redonne le lien vers sa tribune ci-dessous, comme une contribution au débat, et en guise de conclusion…

 

Cette vidéo a un an. Depuis, Google s’attache à racheter des sociétés de ce type pour produire à grande échelle des viandes reconstituées à partir de cellules souches.

 

En savoir plus : http://www.capital.fr/bourse/actualites/drones-lentilles-connectees-viande-artificielle-google-prepare-notre-futur-1083390 (article de Capital reprenant les grands thèmes de société sur lesquels Google souhaite intervenir) ; https://wikiagri.fr/articles/la-senatrice-sylvie-goy-chavent-demande-une-commission-denquete-sur-les-abattoirs/6291 (notre précédent article sur la demande d’une commission d’enquête sur les abattoirs effectuée par Sylvie Goy-Chavent) ; https://wikiagri.fr/articles/quand-lecotrophologie-met-tout-le-monde-daccord/4747 (développement du concept défendu par Jean-Charles Catteau qui consiste à tenir compte de tous les acteurs d’une filière, du producteur au consommateur).

Notre illustration ci-dessous est une copie d’écran de la vidéo diffusée plus haut, et montre un hamburger réalisé à partir de viande reconstituée. 

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