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Stéphane le Foll sacrifie la filière colza mais aussi les abeilles

En décidant d’interdire le Cruiser® OSR à la vente, Stéphane Le Foll prend la responsabilité d’une crise dans une filière jusqu’alors florissante, celle du colza. En l’espèce, il justifie le respect de son accord électoral avec les Verts par un rapport « scientifique », dont les conclusions le sont beaucoup moins.

Passage en force. Ce vendredi 29 juin 2012, Stéphane Le Foll a annoncé l’interdiction à la vente en France du Cruiser® OSR, produit utilisé sur 650 000 hectares de colza en France, soit la moitié des surfaces. Il a surtout invoqué des raisons, je cite, « scientifiques » que lui-même sait parfaitement sans fondement, à moins d’incompétence et qu’il ne se soit pas donné la peine de lire en entier le rapport scientifique en question.

Je doute de son incompétence, ce qui semble signifier qu’il applique en l’espèce un pacte doctrinaire imposé par l’accord avec ses partenaires politiques. Deux faits vont dans le sens de cette interprétation : l’interdiction du Cruiser sur colza, et le changement de mode de vote pour les élections aux chambres d’agriculture. Deux décisions, les deux premières en tant que ministre, éminemment politiques, et très éloignées du terrain.

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Réussir son colza pour la campagne 2024

  • Choisir le bon couvert végétal pour un maximum de bénéfices agronomiques
  • Fertilisation, bien raisonner ses apports pour optimiser sa marge
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Commençons par le colza. Stéphane Le Foll s’appuie sur une étude (qui a déterminé qu’en utilisant le Cruiser au moins 10 fois plus (36 fois fois plus selon d’autres modes de calcul, mais peu importe, « 10 fois plus » ça suffit) qu’il n’est utilisé aujourd’hui, il devient un facteur de mortalité pour les abeilles. Donc, il interdit tout le Cruiser, quelle que soit son utilisation. Un peu comme si on interdisait aux Français de déguster un verre de vin au prétexte qu’en en buvant 10 cul sec cela devient dangereux pour eux. Car il s’agit bien de cela. L’utilisation du Cruiser sur colza est calculée au plus juste, avec des apports que l’on peut qualifier de raisonnés, avec des doses très précises à des moments tout aussi précis… Il est efficace ainsi, avec un mode d’utilisation qui respecte l’environnement.

Une décision qui met les abeilles en plus grand danger

Vouloir identifier le Cruiser comme un produit « balancé n’importe comment » avec des effets néfastes pour l’environnement et notamment les abeilles, cela ne tient que d’un objectif, la manoeuvre politicienne. Et de rien d’autre. Tous les producteurs de colza vous diront qu’ils n’ont ni l’âme de massacreurs d’abeilles qu’ils savent utiles, ni l’envie d’aller dépenser plus qu’il ne faut en mettant plus de produit que leurs champs n’en ont besoin pour être fertiles. Le pire est que l’étude « scientifique » sur laquelle s’appuie Stéphane Le Foll explique très bien (si on prend le temps, ou l’intérêt, de la lire dans le détail) que si l’on n’atteint pas le seuil du danger, le produit n’est pas nocif pour les abeilles.

Stéphane Le Foll n’en a eu cure. Il prend une décision qui va coûter 330 millions d’euros à la filière colza française en deux ans (selon Syngenta, l’enseigne qui fabrique le Cruiser. Même si son chiffre est peut-être exagéré par les circonstances, ce qui reste à prouver, les dégâts financiers, puis humains par effet de domino, seront considérables). Et cela en se reposant soi-disant sur une étude scientifique, écran d’une fumée bien peu épaisse devant les intentions doctrinaires qui dictent sa conduite. Des organisations « écolo » crient victoire comme si un ennemi venait d’être vaincu, alors que désormais les producteurs de colza n’ont plus d’alternative : ou c’est la clé sous la porte, ou c’est le retour à des méthodes d’aide à la croissance des plantes, tel l’épandage aérien, qui auront des conséquences autrement plus sévères sur les abeilles et cette fois bien réelles. Apparenter le Cruiser à d’autres produits dont la nocivité a été avérée c’est aller à l’encontre des efforts agricoles en faveur d’une agriculture durable.

La proportionnelle, on en parle en politique, on le fait en agriculture

L’autre exemple (certes aux conséquences moins économiques et avec une vision à bien plus long terme) qui montre combien Stéphane Le Foll agit en apparatchik politicien dans les premières décisions qu’il prend concerne les prochaines élections aux chambres d’agriculture. Là où la promesse reste sans lendemain pour les élections politiques, elle se réalise comme par enchantement pour les élections professionnelles. L’introduction actée cette semaine de la proportionnelle dans le mode de scrutin consulaire n’a l’a encore qu’un objectif : éviter la toute puissance la FNSEA, de manière à faire émerger des interlocuteurs agricoles autres, sur lesquels il sera de bon ton de s’appuyer ensuite en oubliant tout autre porte-parole professionnel, fut-il majoritaire. En d’autres termes, quand les interlocuteurs représentatifs ne plaisent pas, on fait en sorte de les changer par d’autres que l’on considérera comme représentatifs devant les médias, qu’ils soient légitimes totalement ou partiellement.

Du côté de la FNSEA d’ailleurs, je suppose que l’on doit commencer, au minimum, à se poser des questions. Dans un premier temps, le syndicat majoritaire a décidé de jouer le jeu du nouveau ministre. Il y avait plusieurs raisons à cela. D’abord, en finir avec l’image d’un syndicat qui vote à droite alors qu’il est là avant tout pour défendre sa profession, sans autre orientation ou concession politiques. De ce côté-là, je pense que c’était plutôt bien vu. Ensuite il semble qu’on ait voulu la jouer fine (pardonnez moi l’expression) en apportant quelques gages au nouveau ministre, pour en espérer ensuite des retours. Il y a eu un retour qui ne coûtait pas grand-chose, reconnaître l’agroalimentaire dans l’intitulé du ministère (de toutes façons, c’était utile et cela sert dès aujourd’hui dans le dossier Doux). Suite à quoi la FNSEA a communiqué une grande satisfaction, et très fort, à la veille des élections législatives. Une fois élu député, et donc confirmé ministre, Stéphane Le Foll « remercie » donc la FNSEA à travers le mode de scrutin « chambres », et le démentèlement annoncé de la filière colza. Ce faisant, il se moque même éperdument de Xavier Beulin lui-même (le président de la FNSEA), que l’on sait personnellement impliqué dans la filière biodiesel, où le colza est bien sûr essentiel…

Questions sur le colza, l’environnement…

Derrière cette attitude, on va dire « oppportuniste » du ministre, se posent de nombreuses questions. En premier lieu bien sûr pour toute la filière colza, du producteur jusqu’à l’outil industriel du biosiesel, de l’emploi agricole jusqu’à l’emploi induit. C’est très loin d’être neutre, en terme d’activité, de pouvoir d’achat, d’emploi, d’économie… Et même pour un autre aspect, celui de l’entretien du paysage : s’il faut abandonner les fleurs jaunes devenues non rentables devant la distorsion de concurrence avec les pays voisins (qui eux n’ont aucune raison d’abandonner le Cruiser), par quoi va-t-on les remplacer ?

Ensuite au niveau de l’environnement. Inciter à utiliser des méthodes de production moins précises et millimétrées que celles inhérentes à l’usage du Cruiser tient du piège, là encore, politicien : ceux qui « tomberont dans le panneau » seront taxés de retour au productivisme, ce qui donnera l’opportunité de faire avaler à l’ensemble de la communauté agricole d’autres mesures dictées par l’appareil dans sa globalité tricolore, rose-rouge-vert. A l’arrivée, l’écologie et la biodiversité, de grands concepts dont je suis un fervent défenseur, se retrouvent utilisés comme des outils politiciens et donc vidés de leur substance qualificative.

Enfin, ce machiavélisme orchestré sur le colza n’augure évidemment rien de bon pour l’ensemble de l’agriculture française, d’autant que l’opposition pourrait être faible avec une FNSEA empêtrée, en pleine campagne électorale « chambres », dans une contradiction après avoir chaudement accueilli le nouveau ministre.

La solution tient peut-être dans les agriculteurs eux-mêmes et leur communication. L’un des objectifs de l’opération de communication « La Nuit Verte » qui a eu lieu en avril consistait à se réappropier la couleur verte, à ne plus la laisser dans des mains qui l’utilisent comme intrument politique plus qu’il ne la pratiquent. Je crois que cette voie est la bonne. Mais il faudra plus, beaucoup plus, qu’une seule opération de communication pour concrétiser cet objectif…

Et vous, que pensez-vous de cette décision sur le colza ? Je vous ai donné mon opinion, n’hésitez pas à formuler la vôtre ! Pour en débattre, rendez-vous ci-dessous dans l’espace « Ecrire un commentaire ». (une précision, Syngenta n’est pas à ce jour annonceur de WikiAgri, l’avis donné dans cet article est totalement indépendant).

En savoir plus : wikiagri.fr/articles/le-colza-français-risque-la-distorsion-de-concurrence/155 (rappel de l’épisode n°1 sur le colza) ; wikiagri.fr/articles/cruiser-sur-colza-decision-imminente/175 (feuilleton colza, épisode 2) ; https://wikiagri.fr/uploads/newsletter/newsletter-nb9.html (lisez le billet, ou mes interrogations déjà posées sur les connivences affichées entre la FNSEA et le ministre) ; wikiagri.fr/articles/la-nuit-verte-le-13-avril-2012-a-paris-trocadero/65 (ce qu’était l’opération La Nuit Verte) ; https://wikiagri.fr/articles/les-agriculteurs-veulent-se-reapproprier-la-couleur-verte/99 (la couleur verte, à se réapproprier d’urgence pour et par les agriculteurs).

2 Commentaire(s)

  1. Il y a un document bien fait qui explique les défauts de cette fameuse étude chez Gil-rivière Wekstein dans sa lettre « agriculture environnement » que je vous invite à lire. Pour ma part je trouve qu’on en fait un peu trop dans tous les sens et surtout suite à l’expérience en culture de l’année dernière. J’ai remarqué qui si le cruiser a protégé les colza au début, il y a eu quand même besoin de faire plusieurs insecticides plus tard en saison sur altizes. Je ne vois pas trop l’intérêt sauf a se faire remarquer des médias. Il se trouve qu’en associant colza et plantes compagnes comme le trèfle d’alexandrie, j’ai eu plus de dix fois moins d’altizes que mes voisins avec cruiser! Ca mérite être réexpérimenté mais il semblerait que les plantes compagnes joueraient le rôle de « leurre ». A suivre.

  2. en fait le gouvernement est près a tout sacrifier aux écolos pour quelques bulletins de vote aux élections futures!!!

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