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Ukraine: des jachères au printemps et des petites récoltes de céréales cet été?

Depuis l’automne dernier, les agriculteurs ukrainiens se demandent s’ils auront les moyens économiques et techniques pour cultiver leurs terres durant la campagne 2023-2024. Ukrainagroconsult dresse un panorama de la situation à laquelle ils sont confrontés.

Que produira l’Ukraine l’été prochain ? Quel agriculteur ukrainien ne s’est pas déjà posé la question depuis l’été dernier?

Malgré la guerre, les agriculteurs n’ont pas cessé de produire. Mais une partie du territoire est minée ou est située dans des zones de conflits. De plus, l’équivalent en superficie de l’Irlande est occupé par la Russie.

Là où il est possible de produire, les chefs d’entreprises agricoles sont à la tête de grandes exploitations de plusieurs milliers d’hectares. Ils emploient chacun des centaines de salariés pour les faire fonctionner.

Cesser de produire est inimaginable. Cela ruinerait les agriculteurs et leurs salariés. Mais produire sans pouvoir vendre conduira aussi les chefs d’entreprises à leur perte.

Or les cours des grains se sont effondrés sur le marché intérieur. La flambée des prix des intrants n’a pas épargné l’Ukraine. Et de nombreux salariés sont partis défendre leur pays.

Une note d’UkrainAagroConsult dresse un état des lieux de la situation inédite dans laquelle se trouve l’Ukraine cet hiver.

Seuls 5,2 millions d’hectares de blé ont été semés l’automne dernier selon le Conseil international des céréales (CIC), soit 2,2 millions d’hectares en moins qu’en 2020.

A l’automne, une partie des surfaces qui aurait dû être implantée de céréales d’hiver était encore couverte de maïs.

Cultiver du blé de printemps pourrait compenser une partie de la baisse de la superficie emblavée l’automne dernier mais les rendements en grains sont toujours plus faibles que ceux obtenus en cultivant du blé d’hiver. Par ailleurs, la céréale est très sensible à l’échaudage.

Quant à l’orge d’hiver, « la superficie implantée a diminué de 35 %, avance UAC. Les plus grandes plantations se trouvent dans la région d’Odessa grâce à sa proximité avec les ports maritimes ».

Mais les agriculteurs redoutent de ne pas pouvoir épandre suffisamment d’engrais pour obtenir un rendement correct.

L’UAC sait déjà que l’Ukraine sera encore moins présente sur les marchés mondiaux de céréales que cette campagne-ci et bien sûr qu’en 2021.

L’été passé, le pays avait récolté 25,2 millions de tonnes (Mt) de blé, soit 8 Mt en moins qu’en 2021, selon le CIC. Ce dernier a du reste revu à la hausse la production de l’an passé (+ 3 Mt).

« Mais bien qu’il y ait des champs non moissonnés à proximité des principales zones de conflits, l’analyse montre qu’une proportion de la récolte de 2022/23 est supérieure aux attentes a été moissonnée dans les oblasts orientaux, moyennant toutefois des rendements légèrement inférieurs à ceux enregistrés ailleurs », analyse le CIC.

L’été passé, l’Ukraine avait récolté 6,6 Mt de grains, soit 2 Mt de moins que les années passées.  Et pour exporter l’orge, le pays pâtit de la fermeture des ports de la Mer Noire accessibles par les Panamax, les navires qui assurent l’expédition de la céréale vers la Chine. Le corridor n’est pas prévu pour ce genre de bateaux.  Par ailleurs, le transport par voie maritime est coûteux et risqué.

Quant aux cultures de printemps, les agriculteurs ne savent pas encore ce qu’ils pourront planter.

L’automne passé, ils ont essuyé de lourdes pertes au moment de récolter le maïs.

La saison etait humide, les prix des grains se sont effondrés et le cours du gaz rendait le séchage du grain très onéreux. Aussi, une partie des surfaces en maïs n’a pas pu être récoltée.

Selon le CIC, l’Ukraine a récolté 25,5 Mt de maïs, soit 17 Mt de moins qu’en 2021. Une partie de la récolte n’a pas pu être exportée à partir du mois de mars dernier quand le conflit en Ukraine a éclaté.

Dans le contexte actuel, la culture de maïs est donc très risquée. Elle est onéreuse et la baisse des cours mondiaux des grains pourrait compromettre la rentabilité des plantations. Davantage de maïs sera probablement produit dans le monde l’été prochain!
 
Au printemps prochain, les agriculteurs pourraient préférer semer du canola ou surtout du tournesol, deux cultures qui permettent de dégager des marges importantes.

Toutefois, les exploitants agricoles pourront-ils tout simplement de cultiver l’intégralité de leurs terres? La question est légitime surtout si les banques n’accordent plus des prêts de campagne.

L’automne dernier, des exploitants agricoles redoutaient déjà le pire: devoir mettre en jachère une partie de leurs terres au printemps prochain! 

Le sujet reste tabou mais il est dans toutes les têtes!

Jusque là, les banques ont soutenu financièrement les exploitations agricoles mais  combien de temps encore le feront-elles?

Toutes céréales confondues, l’Ukraine a engrangé 58 Mt de grains, soit 26 Mt de moins qu’en 2021, année exceptionnelle et seulement 7 Mt de moins qu’en 2020. 

Toutefois, les capacités d’exportations (35 Mt) étaient importantes au le début de la campagne car le pays compte expédier cette année les stocks de la récolte 2021 qu’elle n’a pas pu écouler lorsque le conflit armé avec l’Ukraine a débuté.

Mais selon FranceAgriMer, l’Ukraine est parvenue à expédier près de 23 Mt de céréales depuis le mois de juillet dernier grâce notamment au corridor maritime sur la Mer Noire. Les trois quarts des grains ont été transportés par chargés dans des navires.

Comme le pays parvient à surmonter les difficultés logistiques auxquelles il était confronté jusque-là, le problème majeur est dorénavant PRODUIRE.

Légende de la photo: plaine céréalière en Ukraine (@Sergii Mostovyi)

 

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