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Trois scénarios prospectifs pour nourrir le monde en 2050

Pour nourrir de façon saine et durable 9,7 milliards de personnes en 2050, une double adaptation, des régimes alimentaires et des systèmes de production agricole, est nécessaire. Dans cette perspective, Des scientifiques du Cirad et de l’Inra ont élaboré et simulé différents scénarios d’évolution des systèmes agricoles et alimentaires pour en mesurer les effets sur la sécurité alimentaire mondiale. Les résultats de cette prospective, intitulée Agrimonde-Terra et présentée lors d’un colloque le 24 juin 2016 à Paris, proposent une gouvernance mondiale forte, aussi bien dans les domaines agricoles, nutritionnels et énergétiques.

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La prospective Agrimonde-Terra part de deux scénarios aux conséquences extrêmes, l’un centré sur les effets de la « métropolisation », l’autre sur la « fragmentation », impliquant le repli sur elles-mêmes des communautés rurales. Le premier scénario consisterait à voir les populations s’urbaniser de plus en plus et consommer davantage de produits animaux et/ou transformés. Le second se traduirait par une baisse plus ou moins prononcée de la productivité agricole et conduirait à un accroissement de l’insécurité alimentaire et de la sous-nutrition dans certaines régions du monde, et ce en dépit d’une extension des terres agricoles.



Entre ces deux extrêmes, trois voies alternatives ont été imaginées par le comité d’experts internationaux réuni à cette occasion, impliquant des ruptures fortes, plus ou moins durables selon les grandes régions du monde.

Scénario 1 : une assiette saine et équilibrée pour tous

La première s’appuie sur l’adoption de régimes alimentaires « sains » pour tous les habitants de la planète. Ce scénario impliquerait une consommation accrue de céréales, de légumineuses, de fruits et de légumes, et une limitation des produits animaux et ultra-transformés. Cette voie, potentiellement la plus durable, nécessiterait néanmoins des politiques nutritionnelles fortes et concertées au niveau mondial, ainsi que des politiques agricoles permettant de garantir une certaine intensification (durable) des productions végétales et animales.

Scénario 2 : une régionalisation des productions

La seconde option explorée vise à une plus grande « régionalisation » des systèmes alimentaires, favorisant le développement simultané d’une alimentation suffisante à partir de structures traditionnelles de consommation et d’une agriculture régionale répondant au mieux à cette demande alimentaire locale. Tout en nécessitant la mise en place d’accords commerciaux régionaux, ce scénario requiert aussi une adaptation importante des agricultures du monde. Outre une pression accrue sur les terres agricoles, ce deuxième scénario de rupture ouvre une voie étroite pour des régions comme l’Inde, l’Afrique du Nord, le Moyen-Orient et l’Afrique sub-saharienne qui auront encore besoin d’importer une partie non négligeable de leur alimentation.

Scénario 3 : des ménages pluriactifs

Enfin, l’idée de faire reposer la sécurité alimentaire mondiale sur des ménages pluriactifs et développant des activités de transformation en zone rurale est analysée. Les effets de ce troisième scénario de rupture sont proches de ceux de la « régionalisation » avec une moindre pression sur les ressources en terres dans certaines régions.

Répondre à tous les objectifs appelle à des politiques publiques fortes et coordonnées

Globalement, l’étude montre que, pour fournir une alimentation saine, en quantité suffisante et produite de façon durable aux habitants de la planète, tout en limitant le réchauffement climatique et en s’appuyant sur des usages variés des terres, il faudrait mettre en place dès maintenant des politiques nutritionnelles, foncières, environnementales, agricoles, industrielles et commerciales volontaristes et concertées au niveau mondial.



Quelle que soit la voie choisie, des régions comme l’Afrique du Nord, le Moyen-Orient, l’ensemble de l’Afrique sub-saharienne ou l’Inde auront du mal à s’adapter en raison de leur situation nutritionnelle et agricole actuelle, de leurs perspectives démographiques et/ou de leur forte dépendance aux importations agricoles.

 

 

 

Nicolas Bousquet (Yvoir.fr)

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