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Souveraineté alimentaire et guerre en Ukraine : l’Union européenne doit produire plus pour exporter plus selon l’APCA

Sébastien Windsor, président de l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture (APCA), dresse un bilan amer de la politique agricole européenne de la Commission européenne, dépourvue de toute stratégie de reconquête de souveraineté alimentaire, un an après le début du conflit en Ukraine. Selon le président de l’APCA, elle n’a tiré aucune leçon du conflit russo-ukrainien.

L’Union européenne n’est pas à l’abri d’une nouvelle poussée inflationniste tirée par des prix de l’énergie et des grains si l’accord sur le corridor entre la Russie, l’Ukraine, la Turquie et les Nations Unies n’est pas renouvelé. Et pourtant, « la Commission européenne est droite dans ses bottes, déplore Sébastien Windsor, président de l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture (APCA). Elle porte toujours des politiques de contraintes – de bien-être animal, de système alimentaire, d’interdictions pesticides – et non pas d’encouragements à la production ».

Selon le président de l’APCA, la léthargie de la Commission accentue l’insécurité alimentaire dans le reste du monde et entretient l’embellie des prix des matières premières.

Lors d’une conférence portant sur le bilan économique de l’agriculture française, un an après le début du conflit en Ukraine, le président de l’APCA a présenté la politique agricole et de souveraineté alimentaire européenne qu’il serait judicieux de lancer selon lui.

Elle viserait à produire plus pour renforcer la souveraineté alimentaire des Vingt-sept et par ricochet, la sécurité alimentaire des pays importateurs de grains européens de la rive sud de la Méditerranée.

L’année 2023 sera une année de guerre totale en Ukraine, mais aussi pour ses alliés. Le pays n’a emblavé que quatre millions d’hectares de blé l’automne dernier et elle ne pourrait pas produire plus de 20 Mt de maïs faute de moyens d’intrants, de matériels en état de fonctionnement et d’ouvriers agricole. Une partie de ses terres sera en jachère, inaccessibles ou occupée par la Russie.

Si les conditions émises par la Russie pour reconduire le corridor maritime le 19 mars prochain sont irrecevables (par exemple, suspension des mesures financières), l’Ukraine et l’Afrique vont être privés d’un canal d’approvisionnement qui a prouvé son efficacité. Les récoltes, qui ne pourront pas être exportées, sont condamnées à être stockées et à être perdues si elles ne sont pas consommées, faute de débouchés.

Avant la guerre, l’Ukraine expédiait chaque mois 5-6 Mt de grains de toutes sortes par navires. Par trains ou par poids lourds, seule 1Mt à 1,5 Mt peut être transportée !  

Pour sa part, l’Union européenne ne pourra plus compter sur l’Ukraine pour s’approvisionner en maïs. Or elle est le premier acheteur au monde de la céréale et rien n’a été entrepris pour réduire sa dépendance de l’import.

En fait, l’Union européenne doit de plus en plus ne compter que sur elle-même et de moins en moins sur les autres puissances agricoles pour s’approvisionner.

Hormis la Russie dont le monde occidental se méfie et l’Ukraine, aujourd’hui transformée en champ de bataille, les autres grands pays exportateurs de céréales et d’oléo-protéagineux ne pourront pas toujours produire plus et accroître indéfiniment leurs capacités d’exportations alors que la demande mondiale ne faiblira pas, tant il y a d’Hommes à nourrir!

Le dérèglement du climat n’est pas la seule explication.

A l’horizon de 2031, les Etats-Unis pourraient accuser un déficit commercial agro-alimentaire de 75 Mds de dollars. Le pays va manquer d’agriculteurs.

Insondable, la Chine a les moyens de faire exploser les marchés de l’énergie et des produits agricoles. Elle a aussi les moyens de payer très chères ses importations pour acheter la paix sociale en veillant à bien nourrir sa population.

Dans le même temps, ses stocks colossaux de céréales (315 millions de tonnes, équivalents à deux tiers de ses besoins annuels) constituent une arme redoutable si elle s’appuie dessus pour ne plus importer ou pire, pour engorger les marchés et faire effondrer les cours mondiaux.

Aujourd’hui, on observe déjà un effet ciseau dans de nombreux grands bassins de production de céréales : aux prix actuels des intrants, les coûts de production des prochaines récoltes seront supérieurs aux prix sortie ferme !

Dans ce contexte de crise climatique et de guerre, « la Commission européenne ne crée pas les conditions requises pour protéger le marché européen de la concurrence déloyale et pour inciter les agriculteurs à produire plus », déplore le président de l’APCA.

Pour commencer, la Commission européenne n’est pas cohérente avec elle-même. Elle ne fait pas respecter les clauses miroirs en autorisant l’importation de produits traités qui ne pourraient pas être produits dans l’Union européenne ou en étant laxiste sur la réglementation à appliquer sur les produits importés.

La Commission européenne  n’encadre pas non plus suffisamment les accords commerciaux de libres et échanges, sources de distorsions.

Elle n’autorise pas non plus la restauration hors foyer et la commande publique d’imposer l’origine des produits servis.

Et surtout, la Commission européenne ne conduit aucune politique de relance de la production agricole ! En France, l’excédent commercial de 11 Mds d’€ pourrait être deux fois plus important si notre pays n’accusait pas un déficit en viande, en fruits et en légumes.

L’an passé, la hausse des revenus agricoles est d’abord liée à une production agricole mieux valorisée car en recul.

Toutes les filières sont affectées par ce phénomène. En productions animales, il pourrait même s’accentuer car la décapitalisation observée ses derniers mois réduit le potentiel de production à venir. Les éleveurs sont en plus moins nombreux et ceux qui cessent leurs activités, sans remplaçants pour la majorité d’entre eux!

Or la conjoncture favorable des prix agricoles pourrait enrayer le déclin démographique et favoriser l’installation. Mais les crises agricoles, qui ont ruiné des générations d’agriculteurs, dissuadent leurs enfants de reprendre leur ferme, mais aussi toute une jeune génération de repreneurs potentiels hors cadre familial !

Depuis trois ans en production ovine, les effectifs de brebis ne cessent de baisser alors que les cours de la viande ovine sont très élevés.

Mais si l’inflation se poursuit, il n’est pas exclu que la baisse de la consommation alimentaire des Européens ne génère des excédents et fasse effondrer alors les prix agricoles

Sur un an, la consommation alimentaire a baissé de 8 % dans l’Union européenne en euros constants.

Photo: Sébastien Windsor, président de l’APCA (@APCA).

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