Le futur ministre de l’Agriculture se retrouve avec l’un des dossiers les plus chauds et urgentissimes du gouvernement après le remaniement, la crise agricole, laissée de côté par son prédécesseur. Ah zut, c’est la même personne, Stéphane Le Foll n’a pas réussi à passer le bébé…
S’il avait dû arrêter son mandat de ministre de l’Agriculture ce 11 février, Stéphane Le Foll n’aurait pas laissé un souvenir inoubliable au Panthéon des ministres de l’agriculture. Jusqu’à présent son action, quasi unique, a porté sur l’environnement, mais d’une manière telle qu’elle ne pouvait qu’être rejetée par une grande partie des acteurs… Avec le nouveau gouvernement, il est temps de dresser son bilan des précédents, et de tracer ses objectifs.
Le gouvernement a été annoncé par Twitter, sur le compte de l’Elysée.
En appelant cette action « agro-écologie », il avait d’emblée lancé un message clair et entendu comme tel : l’agriculture devait perdre sa « culture » pour être réduite à l’ « agro » et faire place à l’ « écologie », en toutes lettres, pas celle de la protection de la nature, celle de ses amis les Verts (la nuance est de taille…). En politisant ainsi à outrance ses vues sur l’agriculture, il leur a donné un caractère stigmatisant, et a donc créé une réaction de rejet. Alors que s’il avait accompagné les décisions européennes, qui vont en direction des demandes sociétales des citoyens européens donc d’un respect de l’environnement, il aurait reçu une oreille largement plus attentive, et obtenu des résultats plus probants dans la direction souhaitée… Pour prendre un exemple précis, la volonté de réduction des pesticides des programmes Ecophyto aurait pu être citée en exemple, si elle avait été calculée pour être progressive, avec un accompagnement, la recherche de solutions alternatives… Là, ce fut un peu comme si on supprimait un pont au-dessus d’une autoroute, sans chercher à créer le moindre autre passage par ailleurs. Evidemment, ça a coincé, et ça continuera (donc) de coincer sur ces bases là…
Soulignons une action positive, qui malheureusement surtout symbolique, toujours dans le domaine environnemental, celle de la contribution à la COP 21, avec le 4 pour 1000 (c’est-à-dire l’augmentation de 4 pour 1000, ou 0,4 % par an, du carbone organique dans les sols). Cet objectif fixé à l’ensemble de la planète (même s’il n’est pas accompagné de contraintes officielles ni de contrôles) vise à protéger les sols agricoles, et nous en avons besoin. Il est donc d’initiative française, sous la forme d’une incitation et d’un éveil à la prise de conscience : sur ce point, on peut estimer que les choses ont été bien faites.
Mais malheureusement pour Stéphane Le Foll, l’agriculture ne se résume pas à son seul volet environnemental. Sa « loi d’avenir » (il avait déjà commencé la réforme de la langue française avec ce pléonasme, connaissez-vous une loi du passé ?) ne comportait aucun volet concernant la compétitivité, rien sur les filières, rien sur la concurrence, la commercialisation, l’export, d’éventuelles protections pour l’import, etc. Que de l’environnemental, que du mot « agro-écologie » à tous les paragraphes. Or, aujourd’hui, qu’observe-t-on ? Nous sommes en pleine crise agricole. La question n’est pas de savoir comment entretenir l’espace agricole et comment produire, mais combien d’agriculteurs resteront dans un ou deux ans pour obéir à d’éventuelles nouvelles règles.
A ce niveau, aucune réponse n’a été apportée, à aucun moment. L’été dernier, après de multiples manifestations dans tout le pays jusqu’à un défilé de tracteurs dans Paris, une enveloppe a été annoncée. Des mesures énoncées, mais juste avec des mots, sans action réelle, concrète derrière. L’enveloppe en question (là encore, nous étions dans une action très politique) a évité la poursuite des manifestations pendant les élections régionales, ce qui a contribué à offrir au parti au pouvoir un score inespéré. Mais dès janvier, c’est-à-dire dès l’enveloppe consommée dans certains cas, ou le constat qu’elle n’arrivait décidément pas dans d’autres, les manifestations ont repris… Car rien, dans le fond n’a été réglé… Aucune solution n’a été proposée, et pire même, les solutions proposées par autrui ont systématiquement été rejetées sans que la moindre attention leur soit portée. Ce fut le cas notamment de la proposition de loi pour améliorer la compétitivité en agriculture venue du Sénat (et donc de l’opposition par rapport à la majorité gouvernementale, lire la tribune que nous avions publiée alors), que l’Assemblée aurait pu, pourtant, amender à sa guise, pour peu qu’elle eut été examinée en séance.
Le chantier qui attend le « nouveau » ministre est monumental. Puisqu’il est encore là, Stéphane Le Foll peut encore faire quelque chose de positif, l’expérience du poste aidant. A condition de s’y mettre bien sûr. Car les dangers qui menacent notre agriculture sont à la fois multiples, et terribles. Déjà, aujourd’hui, et WikiAgri vous l’a suffisamment décrit, nous avons des chefs d’entreprises agricoles qui vivent un engrenage de folie, jusque dans la misère pour certains, alors qu’ils se lèvent aux aurores sept jours sur sept, doivent réduire leur vie familiale au minimum tant ils bossent, et tout ça pour ne pas récupérer derrière le revenu nécessaire à leur survie. Rappelez-vous, chers lecteurs, les témoignages récoltés ces dernières semaines dans le Morbihan, ou encore dans le Maine-et-Loire…
Le « nouveau » ministre, s’il veut se mettre à la hauteur de son poste, va devoir recenser les dysfonctionnements (un large échantillon est paru dans cet écrit d’un paysan pour WikiAgri), et apporter des réponses. Il va devoir ainsi examiner chaque filière, mais aussi chaque région. En à peu près un an (avant la campagne active pour les prochaines présidentielles), il a tout de même le temps de commencer ce travail immense… Même s’il aurait dû être identifié plus tôt.
Il faudra aussi, cette fois, qu’il anticipe sur les crises à venir. La filière fruits et légumes est ainsi sous la menace directe de larges importations de productions turques (lire cette excellente tribune)…
Sa première mission sera de soulever le tapis et de prendre en compte l’abondante poussière qui a été poussée dessous, initialement en espérant la laisser pour le suivant. L’inertie face à la crise ne peut pas se poursuivre sans qu’une catastrophe n’éclate. L’éternelle politique des sacs de sable face aux crues doit maintenant faire place à une politique volontaire de réduction des causes des maux dont souffre l’agriculture.
Mais pour cela, il faudra écouter. Finies les colères sur son ego, place à l’écoute véritable, attentionnée et réellement intéressée (dans le bon sens du terme…), de ceux qui font des propositions.
Car il en existe, des propositions, pour prendre la crise agricole à bras le corps. Politiquement, de la part de l’opposition (récemment, des courriers ou communiqués ont été adressés par le sénateur Daniel Gremillet, par les députés Antoine Herth ou Pierre Morel à L’Huissier, ou encore par les députés européens Angélique Delahaye et Michel Dantin, liste non exhaustive, mais tous ces documents comportent davantage qu’une opposition de camps). Oui, bien sûr, politiquement c’est difficile de choisir des solutions de l’opposition… Mais est-ce si facile de laisser le monde paysan mourir à petits feux ? Des propositions existent également de la part des syndicats. Eux non plus, ne sont pas écoutés. Pas plus le majoritaire (Xavier Beulin avait demandé un ministre de l’Agriculture à plein temps, Le Foll a conservé le porte-parolat du gouvernement…), que les autres. Et puis Stéphane Le Foll serait aussi bien avisé d’écouter les représentants des nouveaux mouvements qui se forment et qui sont très intéressants, qui se veulent sans étiquette « ni politique ni syndicale », tels les Bonnets roses en Bretagne, les Canards en colère dans le Sud-ouest, ou les différents mouvements d’éleveurs qui se constituent à la vitesse V en ce moment devant l’urgence de la situation. Sans oublier l’Apli, qui existe depuis la précédente crise, de 2009, et qui conserve une certaine aura depuis. Ou encore les Bonnets rouges, dont certains membres sont marqués politiquement ou syndicalement, mais qui conservent un discours spécifique toujours intéressant.
Consultations, écoute, visites… Ne pas prêter attention aux caméras, elles ne sont pas là pour combler un handicap d’images et de résultats, mais aux hommes, aux êtres humains… Un changement monumental. Est-ce possible ?
la crise agricole repose sur des réalités tangibles…il serait stupide voir enfantin d’attribuer les difficultés de notre agriculture à son ministre…L’a agriculture connait et va connaitre une crise profonde parce que les modes de-production, de transformation et de commercialisation sont totalement remis en cause… L’ouverture au grand large des techniques et du commerce ne dépendent pas du seul ministre.. Quel société voulons nous ??? On ne peut reprocher au Ministre de souhaiter des normes de production plus propres et plus saines…Ou alors nous sommes entrain de rétrograder… Protéger et assainir nos sols sont des priorités….
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Peut étre faudrait il songer à sortir du politicomédiatique mettre à plat informer clairement les populations sur des faits concrets et chiffrés pour commencer à faire quelques chose sans dilapider l’argent public, comment font les autres pays européens ???