agriculteur esclave

Paysans, esclaves d’une société que nous avons contribué à créer

Pour un simple paysan, bien qu’ayant beaucoup d’idées, il m’est difficile de trouver les mots, les phrases justes pour écrire. Pourquoi pas commencer par rendre hommage à tous ces hommes et femmes paysans qui créent tant de richesses pour ce pays, richesses diverses et variées, sociales, culturelles, économiques, patrimoniales, touristiques, environnementales… ?

Mais aujourd’hui, force est de constater que nous sommes à un tournant où nous risquons de tout perdre à savoir : cultures, patrimoines, identités, valeurs, et la liste pourrait être encore longue.

Alors il serait peut-être temps de se poser les bonnes questions. Quelle société pour demain ? Quel avenir pour les jeunes ? Quelles vies pour la ruralite et l’agriculture ? Pour ma part, il me semble que le problème agricole (élevage) est bien plus complexe qu’on peut le penser, ou qu’il est présenté, et les solutions tout autant. En France nous n’avons pas une agriculture mais des agricultures, toutes différentes d’une région à l’autre. Pas un système, mais plusieurs systèmes avec des avantages et inconvénients. Toutes ces richesses font rêver le monde entier (patrimoine, gastronomie…).

J’écoute ou lis les médias, pseudo experts, agricoles, économistes, journalistiques, politiques… qui pour la plupart n’ont jamais exercé de véritable travail en entreprise et encore moins dans une ferme… Ils me donnent l’impression d’être très éloignés de toute réalité, et de tout bon sens. Peut-être pour du lobbying ?

Toutes ces questions posées qui restent sans réponse. A qui profite cette crise ? Qui a intérêt à ce que ça change ? Pour ma part, je dirais personne autre que les agriculteurs, commerçants et artisans qui sont souvent confrontés à des problèmes administratifs, fiscaux, sociaux, ou à des normes en tout genre…

Tous les organismes para-agricoles ont suivi l’évolution de la vie et vivent décemment (machinisme, coopératives agricoles, GMS, groupements, fabricants d’aliments, laboratoires, chambres d’agricultures administration…) sauf l’agriculteur, qui a pourtant vu son nombre d’actifs chuter au profit de l’augmentation de la taille des exploitations, voire même de l’industrialisation de celles-ci. Où sont les limites ?

En observant depuis plusieurs années le secteur agricole, on peut s’apercevoir du changement de ce métier où l’agriculteur a essayé de s’adapter à l’évolution pour subsister, en perdant au fil des années sa liberté, son indépendance, la maitrise de son produit, au profit d’un système qu’il a lui-même bien souvent cautionné et créé.

« Bientôt, même en donnant la marchandise
elle sera encore trop chère pour le consommateur
tellement les coûts filières sont importants
« 

Avec l’évolution du mode de vie, du secteur des services, nos organismes (eux aussi confrontés aux normes, code du travail) se sont adaptés et ont rivalisé d’idées pour subsister, et par conséquent ont réduit l’agriculteur à l’état d’esclave, où la valeur de son produit n’a pas suivi l’évolution du coût de  la vie. Esclave par le décalage social par rapport à la société : 70 à 80 heures par semaine, sept jours sur sept, pas ou peu de vacances, des « acquis sociaux » dérisoires (indemnités journalières, maladies, accidents, retraites…), pas de chômage, pratiquement pas de loisir (faute de temps), solitude, taux de suicides…

Bientôt, même en donnant la marchandise elle sera encore trop chère pour le consommateur tellement les coûts filières sont importants. Et cette situation évolue encore plus avec la complexité et la tension des marchés. On en arrive, en plus de la faiblesse des prix, à de la malhonnêteté.

Des exemples criant de dysfonctionnements

On peut citer beaucoup d’exemples comme celui d’un article de presse qui relate 30 % d’anomalies sur le classement des carcasses et 40 % sur les pesées.

Certaines subventions agricoles accordées moyennant des coûts de dossiers à prix d’or (type MAE) et sans  aucune garantie d’obtention ni même de financement.

La différence des taux de cellules de la filière lait en France et ailleurs en Europe rapporte, en pénalités, 180 millions d’euros à la filière française, payés par les éleveurs.

Le coût et la stupidité de certains cahiers des charges de plusieurs labels, par rapport aux engagements demandés aux éleveurs sans aucune réelle obligation pour les acheteurs : des investissements lourds en travail, en temps, en administratif, en engagements financiers, avec derrière aucune certitude de qualification, ni de plus-value, ni même tout simplement d’achat.

Les normes environnementales contre l’environnement lui-même, bien souvent votées et mises en place par des bureaucrates n’ayant jamais mis les pieds dans la nature. Exemple : loi sur l’eau (inondations…), normes des bâtiments, certaines normes de bien-être… Enfin la liste peut être très très longue… Autant pour nous, que pour les artisans et commerçants.

Bien que nous ne représentons que très peu de poids électoral et très peu de personnes actives, il est malgré tout urgent que les politiques et têtes pensantes de ce pays, tous bords confondus se rapprochent, écoutent les bases, mettent de côté leurs ego afin de trouver le courage nécessaire pour procéder aux réformes indispensables de façon à redonner de la compétitivité aux entreprises.

Ces normes, ces codes du travail, ces régimes spéciaux, toutes ces inégalités qui ruinent toute valeur ajoutée… Qui plombent tous les résultats et qui par conséquent pénalisent les deux extrémités de la chaine, producteurs et consommateurs.

Pour que l’agriculteur ne soit plus spolié de son travail, de ses richesses, afin qu’il puisse retrouver son  indépendance sa fierté et sa liberté !

J’espère que tout le monde va prendre la mesure des choses, tellement nous risquons de tout perdre.

Signé :
un modeste paysan de base

 

L’illustration ci-dessous est issue du site Fotolia, lien direct : https://fr.fotolia.com/id/66051538.
 

6 Commentaire(s)

  1. 100 % d’accord est-il normal de voir des enfants de 12-14ans travailler le soir jusqu’à 22 h00 ? On vole leur jeunesse. Le monde agricole est digne des romans de Zola. Pensez vous que cela soit normal que de nombreux agriculteurs doivent compter sur le salaires de leurs épouses qui travaillent à l’extérieur pour faire vivre la famille ?

  2. Bravo à vous et aussi ok avec vous. Et non vous n’êtes pas qu’un simple paysan de base mais un Agri qui a tout compris

  3. Je partage bien le point de vue clairvoyant et affligé de cet article. Hors de l’union et d’une véritable structuration des producteurs, je ne vois guère de salut. Comme l’indique aussi l’auteur, il y a plusieurs systèmes d’agriculture et chacun a forcément ses spécificités socio-culturelles et biophysiques déjà au niveau local. Je rechercherais ces spécificités de manière systématique pour créer une identité au niveau de chaque système paysager ou de chaque unité paysagère pour faire émerger des collectivités de production soudées. Ces dernières devraient dépasser une taille critique minimale pour atteindre une envergure et un pouvoir de négociation respectables et respectés avec les filières (clients) et même avec le secteur d’amont (fournisseurs).

  4. Ce qui semble assez curieux est que ces problèmes durent depuis de nombreuses années (1995-200-agriculteurs en difficultés) et que des personnes proches du milieu semblent découvrir…Il y a des années que l’on parle de suicides en agricultures…serait ce pour amuser la galerie…

  5. cet article d’un modeste paysan de base (?)sur un site qui s’inscrit dans un prospective d' »agri-décideurs « (?) pose de manière claire le problème de la « propriété  » des filières agricoles ; mis à part la viticulture où le « modeste paysan » et/ou « l’agri-décideur » peut posséder l’ensemble de sa filière depuis l’amont jusqu’à l’aval (producteur/transformateur/mise en marché), les autres filières sont toutes dirigées par l’aval où les producteurs sont bien les « esclaves d’une société que nous avons contribué à créer » et « où l’agriculteur a essayé de s’adapter à l’évolution pour subsister, en perdant au fil des années sa liberté, son indépendance, la maitrise de son produit, au profit d’un système qu’il a lui-même bien souvent cautionné et créé ». Le constat est clair, et logiquement l’ analyse est pessimiste .
    Le propos d’agrophil est une partie de la réponse : »Hors de l’union et d’une véritable structuration des producteurs, je ne vois guère de salut » ce qui implique que « pour faire émerger des collectivités de production soudées » il faut arriver à  » dépasser une taille critique minimale pour atteindre une envergure et un pouvoir de négociation respectables et respectés » mais repose ensuite le problème du positionnement du producteur dans la « propriété de sa filière » puisqu’il reste ici encore un maillon (faible) entre  » l’aval (clients) et l’amont (fournisseurs) »…le fait qu’un producteur ait un « amont » (fournisseurs) implique qu’il est déjà dans la dépendance de la maîtrise de sa filière .
    Pour maîtriser une filière il faut être « propriétaire » du cahier des charges de « déclinaison du produit »et surtout le rester car c’est lui qui va permettre d' »atteindre une envergure et un pouvoir de négociation respectables et respectés »…les démarches d’appellation ou de label (remises en cause dans les négociations du TAFTA) sont au départ un bon exemple (« union et structuration des producteurs » sur des « spécificités socio-culturelles et biophysiques ») tant que les producteurs sont propriétaires de leur filière puis cette « bonne idée » devient vite un carcan au fur et à mesure de la perte de propriété des producteurs ce qui conduit au constat initial « le coût et la stupidité de certains cahiers des charges de plusieurs labels ».
    La spécificité française (voir article précédent) est (encore) porteuse d’un autre mode de vie différent de celui imposé par la mondialisation du profit (tout pour un) si le modeste paysan de base (ou l’agri-décideur) s’adresse directement (sans « intermédiaire ») au citoyen de base (qui est in fine son seul client) parce qu’il est (encore) capable d’adhérer à un cahier des charges honnête (écrit en « toute propriété » par les producteurs inspirés de leurs « spécificités socio-culturelles et biophysiques ») : au delà de l’assiette c’est bien en effet le principe d’organisation de notre société (de moins en moins »démocratique ») qui est ici posée .

  6. Avec l’automatisation les hommes sont devenus partenaires :
    Transparence
    Confiance
    Entraide, échange, ….
    Maîtrise de son activité
    Négociation
    Contrat
    Que veut dire indépendance, auto nomie …
    Voir , les systèmes d’organisation des entreprises, de la matiére. Premiére à l’export des produits finis
    Prés de 30% des produits agricoles sont exportés

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