img1145

Quelle stratégie pour lutter efficacement contre la Septoriose?

 

Entre la montée des résistances et la pression sociétale, il faut trouver une stratégie, efficace et durable, pour préserver ses cultures de blé des maladies fongiques.

La campagne 2018-2019 a vu une bonne récolte, estimée à 37 millions de tonnes en blé tendre, soit 8,5 % de mieux que l’an dernier. Le climat chaud et sec a eu l’avantage de réduire la pression en maladies fongiques sur les céréales. « Ces deux dernières années sèches ont perturbé le cycle des maladies, notamment des rouilles jaunes et brunes. Avec des printemps assez secs, les spores de septoriose restent en bas des plantes et diffusent moins », apprécie Jean-Yves Maufras, spécialiste des fongicides chez Arvalis. Cela ne doit pas faire baisser la garde face à la septoriose, qui reste la première maladie du blé, ou en tout cas la plus régulière, même si la rouille jaune demeure la plus nuisible.

Dans leur note annuelle, l’Inra, l’Anses et Arvalis soulignent l’augmentation des résistances en septoriose. La famille des IDM (triazoles) est la plus concernée, avec de fortes dérives d’efficacité. Or, le T2, traitement pivot à « dernière feuille étalée » (DFE), repose souvent sur des produits contenant une triazole. Les scientifiques soulignent aussi l’apparition de résistances aux SDHI, même si elles sont moins présentes en France que dans d’autres pays européens. « Pour enrayer le développement des souches résistantes, l’Anses recommande de ne faire qu’une seule application de SDHI par an, la France est le seul pays à avoir cette exigence », complète Jean-Yves Maufras.

Stratégie à long terme

Face à la septoriose, construire un programme se fait au regard du contexte de l’année mais aussi en pensant au maintien de l’efficacité à long terme, notamment en alternant modes d’actions et familles chimiques.

Le premier levier de lutte reste l’agronomie: allonger les rotations, éviter les semis trop précoces. « Retarder d’une dizaine de jours baisse la pression en septoriose comme en rouille », rappelle JeanYves Maufras. Le choix variétal constitue un autre levier. Les variétés tolérantes peuvent permettre l’économie de certains traitements. Sur des variétés, comme LG Absalon, Chevignon, Fructidor, un produit de biocontrôle peut suffire à contrôler la septoriose en T1.

Préserver l’efficacité des traitements demande d’adapter sa stratégie aux risques de l’année et de la parcelle. « Bien sûr qu’il faut éviter de traiter quand il y a peu de pression, mais il faut savoir investir quand il faut pour préserver rendement et qualité », rappelle Anne-Sophie Becue, chef de marché céréales chez Adama. Selon les années, 1 euro investi en fongicides « rapporte » entre 3 et 4 euros de chiffre d’affaires en rendement préservé.

On note une tendance à décaler le 1er traitement, de 2 vers 3 nœuds, voire de s’en passer. « Le T1 devient une exception, sauf en cas de forte attaque, de semis précoce ou dans les régions maritimes à plus forte humidité », remarque Jean-Yves Maufras. Le T2, au stade DFE, reste le traitement pivot. « Bien protéger les deux dernières feuilles et l’épi protège 70 % du rendement », évalue Jérôme Tournier, responsable pôle céréales BASF. Pour compléter la protection, notamment celle des grains face à la fusariose, un troisième traitement sera à envisager.

Des nouveautés

De nouvelles molécules arrivent sur le marché et vont aider à contenir la montée des résistances. Revysol, de BASF, le premier isopropanol-azole, a été homologué en France. Il sera commercialisé dès la campagne 2019-2020. « Le Revysol est très efficace sur toutes les souches de septoriose, y compris celles résistantes aux triazoles, et sur les rouilles », explique Jérôme Tournier. De plus il s’adapte à une large fenêtre d’application. « Avec Revysol, il est possible de traiter même si la température est basse ou si des pluies sont annoncées, explique Jérôme Tournier, ce qui sécurise l’application et facilite le travail. » BASF lance Révystar XL, une association de Revysol et de Xemium (SDHI) pour une action complète en T2 sur blé et orge. « La garantie de cette efficacité permet de revoir sa stratégie sur le T1, encourage Jérôme Tournier, en s’en passant ou en optant pour du biocontrôle selon la pression. » « C’est une association intéressante pour casser les résistances », confirme Jean-Yves Maufras.

Autre nouveauté, Sesto, d’Adama, est à base de folpel, bien connu contre le mildiou sur les vignes. Homologué sur blé et triticale, ce fongicide multisite est un atout pour contourner les résistances. « Sesto allie son efficacité à cet intérêt face aux résistances, notamment sur les souches multirésistantes, résistantes aux triazoles et aux SDHI, en progression », présente Anne-Sophie Becue.

En biocontrôle aussi, des nouveautés devraient arriver pour compléter les solutions à base de soufre. Sont attendues pour 2020 les phosphonates de potassium, à combiner avec du soufre pour faire un T1 contre la septoriose entièrement biocontrôle.

Se développent de plus en plus des solutions combinant traitement conventionnel et biocontrôle, comme Perf’Win, de Philagro, qui associe un produit conventionnel composé de 2 triazoles (bromuconazole et tébuconale) à du soufre. « En début de culture, Perf’Win permet de lutter contre les principales maladies du feuillage, septorioses, rouilles et oïdium, souligne Karine Poivet, chef marché céréales à paille chez Philagro France. Cette nouvelle solution apporte un gain financier, un IFT limité et une gestion durable des modes d’action. » Corteva annonce pour 2021, Inatreq, un produit issu de fermentations. Ce nouveau mode d’action présente une bonne efficacité contre la septoriose et les rouilles en association avec un SDHI.

S’appuyer sur des outils d’aide à la décision

Pour optimiser les traitements à la parcelle, les OAD (outils d’aide à la décision) s’avèrent de précieux appuis. En fonction des variétés et des conditions pédoclimatiques, ces outils évaluent les risques et la nécessité ou non d’intervenir, ainsi que les doses à apporter.

On peut citer Septo-LIS d’Arvalis ou Xarvio Field Manager de BASF. Cette liste sera complétée, pour la prochaine campagne, par Avizio de Syngenta.

« Cet outil modélise les maladies des feuilles du blé pour les T1 et T2, pour un accompagnement à la parcelle afin d’ajuster le besoin ou non de traitement, en fonction de la météo et des choix agronomiques, comme la sensibilité variétale ou la date de semis, présente AnneSophie Laurent, chef produits fongicides. L’idée est d’aller vers des traitements sur mesure. » Autre intérêt à souligner, « les OAD permettent aussi une traçabilité de la justification du traitement ».

Réglementation: arrêt de l’époxiconazole, laissez-passer pour les SDHI

La France a acté l’arrêt de l’époxiconazole pour la prochaine campagne, suite à son classement par l’Anses comme perturbateur endocrinien. L’Anses s’était autosaisie en décembre 2017 pour réévaluer cette molécule sur la base des critères de la nouvelle réglementation européenne. BASF rappelle que la molécule reste sans risque pour la santé humaine dans la pratique. Au niveau européen, l’avis des autorités sanitaires est attendu en avril 2020. En France, 76 produits seront retirés du marché après les dernières utilisations possibles jusqu’au 30 juillet 2020. Leur utilisation avait beaucoup diminué depuis 2015. BASF, fabricant de la molécule, estime que les volumes d’époxiconazole utilisés pour protéger les céréales ont diminué de 90 %. « Les agriculteurs qui l’utilisaient vont devoir adapter leurs itinéraires, reconnaît Jérôme Tournier, responsable du pôle céréales de BASF. Heureusement avec des molécules déjà connues et des nouvelles, comme le Revysol, il n’y a pas d’impasse de traitement contre les maladies fongiques. »

Suite à la non-réapprobation du chlorothalonil au niveau européen, les spécialités contenant cette molécule seront retirées du marché fin 2019. Les produits pourront être utilisés jusqu’en mai 2020.

En revanche, l’Anses n’a pas remis en cause l’autorisation des SDHI, malgré des accusations médiatisées. « L’examen exhaustif des données scientifiques disponibles mené par un groupe d’experts n’a pas apporté d’éléments confirmant un quelconque risque des SDHI », a expliqué l’agence sanitaire, qui a, néanmoins, lancé une étude quant à la question des expositions cumulées à ces molécules au travers de l’alimentation. « Il n’y a jamais eu d’alerte de santé publique alors que les SDHI sont utilisées depuis 1969 », rassure Sébastien Evain, responsable de la communication chez Syngenta.

Article Précédent
Article Suivant