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Quel avenir pour une société qui confond science et opinion ?

Faut-il sans cesse remettre en cause toutes les avancées scienifiques quelles qu’elles soient au seul prétexte que certaines d’entre elles ont pu, éventuellement, être détournées de leur vocation initiale à des fins commerciales ? L’opinion doit-elle systématiquement l’emporter sur la science ? De vraies questions pour notre société, derrière lesquelles se situe l’avenir de disciplines telles les biotechnologies végétales, réduites aujourd’hui au seul rang de recherche, et encore…

Non, il ne s’agit pas d’une question d’un examen de philosophie. Mais d’une réelle interrogation concernant notre avenir à tous, avec une illustration par l’exemple dans le domaine précis des biotechnologies végétales.

Si tout le monde veut accorder davantage de crédits à la recherche, dans tous les domaines, le progrès scientifique, lui, est désormais sans cesse confronté à l’opinion publique. Précisément en ce qui concerne les biotechnologies végétales, les trois lettres OGM sont synonymes de rejet, sans la moindre distinction de l’intérêt que pourrait recéler un OGM précis, démontré scientifiquement, c’est-à-dire en dehors de tout esprit partisan.

Les OGM en général sont apparentés, dans l’inconscient populaire, à leur première culture et commercialisation de masse, sous l’égide d’une célèbre compagnie américaine. C’est-à-dire à un système montré du doigt par nombre d’associations et reportages comme obligeant à prendre semences mais aussi phytosanitaires de la même source au seul profit, dit-on volontiers, de la firme en question : les rendements ont globalement été améliorés, mais au prix de dommages colatéraux qui ont été dénoncés et que vous connaissez.

Alors que les biotechnologies végétales, ce n’est pas seulement ça. Le progrès scientifique ne se limite pas à des intérêts mercantiles. Il peut certes les servir, les exemples existent (certains ont été amplifiés tout de même), mais lorsque des chercheurs mettent au point des solutions nouvelles, ce n’est à l’origine pas pour le chèque lié au brevet, mais bien dans l’objectif d’innover, de faire profiter la société des avancées générées par le génie humain. Et qui allons-nous devenir si nous remettons en cause sans cesse ce que ce génie humain peut imaginer puis façonner ?

Les biotechnologies peuvent aider, y compris le bio !

Lors d’une conférence de presse récente, Alain Deshayes, président de l’AFBV (association française des biotechnologies végétales), s’est ainsi ému : « On ne parle plus de science. On a réduit une connaissance scientifique à une opinion, que l’on confronte à d’autres… » Il voulait ainsi remettre les biotechnologies végétales à l’intérieur des débats des états généraux de l’alimentation : « Il ne suffit pas que des agriculteurs et des distributeurs se rencontrent pour qu’ils résolvent toutes les problématiques… » Or, c’est principalement du débat sur les marges entre ces deux entités qu’il a été question. Parce que lui, il sait. Il sait combien des progrès effectués sur ce que l’AFBV appelle « l’amélioration des plantes » peuvent avoir comme implications. Sur des rendements et l’aspect économique bien sûr, mais aussi sur l’environnement, quand il s’agit d’avoir des plantes douées d’une résistance telle qu’elles réclament bien moins de soins en phytosanitaires.

Les exemples concrets existent, témoignages d’utilisateurs à l’appui, lorsque les agriculteurs ont eu l’autorisation d’une mise en culture. Le dernier numéro de la publication de l’AFBV évoque ainsi l’identification de gènes du blé tendre susceptible d’aider à la résistance contre les fusarioses (des maladies qui attaquent blés et orges dans le monde entier), l’obtention de variétés de blés pour les personnes allergiques au gluten, celle d’un génome du pommier le rendant plus résistant aux maladies et donc moins consommateurs de phytosanitaires… On y apprend que même les blés bio pourraient profiter du travail de chercheurs chinois qui savent les rendre résistants à l’oïdium…

L’AFBV tente donc de convaincre que le génie humain peut aussi servir à l’ensemble de notre agriculture, notamment pour l’aider à répondre aux demandes sociétales… Alors que c’est cette société qui le rejette. Les biotechnologies végétales sont aujourd’hui saluées tant que l’on reste au stade de la recherche (et même à ce niveau, des contradicteurs parfois violents veulent les empêcher d’avancer). Mais penser que l’on pourrait passer au stade suivant, la mise en production, devient insupportable à l’opinion de beaucoup.

Une technique de mutagénèse particulièrement innovante

L’actualité, en matière de biotechnologies végétales, concerne l’acceptation d’une nouvelle technique, au nom encore codé de Crispr/Cas9, ou, en d’autres termes, de la mutagénèse. André Gallais, professeur honoraire membre du conseil scientifique de l’AFBV, explique ans un article qu’il a signé dans la publicationde l’AFBV : « La technique Crispr/Cas9 est la plus récente, la plus précise et la moins coûteuse des techniques qui permettent de réaliser une coupure de la chaine ADN en un point précis du génome. Elle met à disposition du sélectionneur les moyens de réaliser plusieurs modifications dirigées du génome. (…) Comme il n’y a pas d’introduction d’une séquence étrangère d’ADN, les mutants ainsi obtenus ne devraient pas être considérés comme des OGM obtenus par transgenèse. (…) Si simultanément à la coupure en un point précis du génome on fournit à la cellule un fragment d’ADN, cela permet de diriger la modification de la séquence du gène, et à l’extrême de remplacer un allèle par un autre. (…) L’utilisation de cette technique pour la substitution d’allèles offre des gains de précision et de temps important dans le transfert. (…) [Avec cette technique] il serait possible par exemple d’introduire chez la vigne des allèles connues pour être impliquées dans la résistance au mildiou sans modifier en quoi que ce soit les caractéristiques du cépage. [Pour le pommier] introduire un gène de résistance à la tavelure [nécessite] une trentaine d’années [par rétrocroisements]. Avec la méthode Crispr/Cas9, il peut être réalisé en 5 ans.« 

Or, pour que cette technologie scientifique de très haut niveau soit acceptée, il est majeur que ses produits ne soient surtout pas taxés d’être des OGM. Car au-delà de la démonstration scientifique mentionnant qu’aucun corps étranger n’est utilisé, la technologie est d’ores et déjà montrée du doigt sans discernement. L’opinion des ‘anti’ est opposée, une nouvelle fois, aux données scientifiques avérées. Et derrière l’éventuelle utilisation impropre sémantique du terme OGM, il y a tout ce qui va avec, de peur, d’assimilations oiseuses… Et de refus de progrès scientifique pour notre société.

Alors que le génie humain peut tant apporter…
 

En savoir plus : http://www2.assemblee-nationale.fr/content/download/53086/513477/version/1/file/4+pages+Biotechnologies+FR+Final.pdf (un rapport parlementaire très intéressant sur les biotechnologies végétales) ; http://www.biotechnologies-vegetales.com (site internet de l’AFBV).

Ci-dessous, Alain Deshayes, président de l’AFBV.

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