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Premier apport d’azote, deux stratégies possibles selon la situation

Trop d’azote trop tôt sur les blés, c’est se priver d’en réserver un peu plus, pour une application plus tardive dans le cycle à une époque où l’engrais sera plus efficient pour contribuer à la fertilité des épis, donc au rendement, ainsi qu’à la teneur en protéines. L’opération « Blé Objectif Protéines » menée en 2014 en Côte d’Or l’a bien démontré, sur la base d’une étude plurifactorielle réalisée sur près de 3 000 parcelles récoltées au cours des trois dernières années.

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Aujourd’hui, les blés sont fortement tallés et absorbent l’azote minéralisé naturellement au cours de ces derniers mois.

Dans les parcelles saines semées précocement, le tallage est souvent abondant compte tenu de la douceur des températures enregistrées au cours de l’automne et du début de l’hiver. Dans le même temps, les cumuls de pluies sont un peu supérieurs à la normale, à l’image du bilan climatique réalisé l’an dernier à la même époque.


Figure 1 : position de l’année 2015 en cumul de pluies et températures moyen
Station de Châtillon sur Seine (Côte-d’Or)


Figure 2 : position de l’année 2015 en cumul de pluies et températures moyen
Station de Dijon (Côte-d’Or)


Dans ces conditions, l’azote minéralisé par le sol en quantité importante par rapport à l’habitude a été absorbé par les blés plus que perdu dans le milieu. A ce jour, il est probable que les blés les plus avancés, avec au moins 4 à 5 talles, aient déjà consommé de l’ordre de 30 à 50 kg N/ha, soit au niveau de leurs besoins en cours de tallage. Un apport d’engrais précoce favoriserait alors le maintien et la montée de talles secondaires et tertiaires, inutiles et peu productives. Cet excès de croissance aurait pour conséquences :
– de réduire fortement l’efficacité des engrais apportés au tallage en favorisant l’absorption d’azote par des organes non productifs,
– d’augmenter fortement les risques de verse en augmentant inutilement le nombre de tiges et en favorisant l’allongement des entre-nœuds,
– de favoriser les maladies aussi bien foliaires (rouilles, oïdium) que du pied (piétin échaudage, piétin verse),
– de sensibiliser les cultures aux accidents climatiques : froid (comme en 2012) en accélérant l’apparition du stade épi 1 cm, sécheresse en augmentant la consommation en eau de la culture.

Une conduite adaptée pour assurer rendement et protéines

• En cours de tallage, lorsqu’un apport est nécessaire, 40 kg N/ha suffisent. L’azote apporté tôt est peu efficace (de l’ordre de 40 %), donc cher eu égard aux enjeux de rendement et teneur en protéines et dépend directement des besoins quotidiens de la plante qui sont très faibles à cette période.

• Déclencher l’intervention sous un régime de conditions climatiques favorables : pluie d’au moins 5 à 10 mm prévue dans les 10 jours après l’apport et températures poussantes. Attendre si possible que les sols soient correctement ressuyés et non gelés car les plantes auront plus de difficulté à valoriser l’engrais sur des sols saturés d’eau.

• La forme d’engrais (ammonitrate, urée, solution) n’entraîne pas de retard significatif dans la valorisation de l’engrais et ne nécessite pas d’anticipation de la date d’apport.

• Il est préférable de finaliser les désherbages antigraminées avant tout apport d’azote et d’attendre un délai de 8 jours entre les deux interventions.

Dans les blés les plus avancées, ayant absorbé beaucoup d’azote et en présence d’un reliquat d’azote sortie hiver supérieur à 35-40 kg, il est possible d’envisager la stratégie des apports décalés : report de la dose tallage dans l’apport prévu en cours de montaison et avancement de l’apport prévu initialement à épi 1 cm, environ 10 à 15 jours avant ce stade.

A l’inverse, sur des cultures peu développées (semis tardifs) ou ayant de fortes croissances (parcelles hydromorphes), en cas de très faibles reliquats (rendement du précédent très élevé, faible minéralisation, sols superficiels et caillouteux, lessivage automnal important) un apport d’azote minéral peut être nécessaire dès que possible, c’est-à-dire dès que la culture sera capable de le valoriser.

En résumé, sur la dose totale d’azote nécessaire à un blé au cours de la campagne, la part apportée au tallage est la moins efficiente et celle qui contribuera le moins à la teneur en protéines finale. Avec un objectif « protéines », et à dose totale équivalente, mieux vaut garder de quoi renforcer l’apport de fin montaison ! Cette stratégie est d’autant plus payante si un outil de pilotage est utilisé pour ajuster la dose finale à apporter.

Article rédigé avec les partenaires de « Blé Objectif Protéines 21 » : C. BOULLY (Bourgogne du Sud), M. MIMEAU (Dijon Céréales), M. PAGEOT (Ets Bresson), A. PETIT (Seine Yonne), A. PILLIER et D. RONGET (CA 21).

Luc PELCE (ARVALIS – Institut du végétal)

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