De nombreux agriculteurs céréaliers sont aujourd’hui confrontés à l'augmentation des volumes de digestats issus de la méthanisation. (Jeannerot)

L’épandage sans tonne déroule ses atouts en céréales

La technique qui implique une logistique adaptée offre des débits inégalés pour valoriser les digestats de méthaniseur en zone céréalière ou les lisiers à proximité des parcelles en zone de polyculture élevage, notamment dans les conditions délicates de la sortie d’hiver. 

Épandre jusqu’à 300 m³ d’effluents liquides par heure. Telle est la promesse de l’épandage sans tonne. Cette technique, qui combine des débits de chantier inégalés, offre également un meilleur respect des sols que les solutions avec citerne embarquée. Un avantage qui pourrait redonner de l’intérêt à la technique alors que les apports organiques étaient souvent délaissés en 2024 dans certains secteurs. En effet, l’humidité excessive et les mauvaises conditions de portance des sols dans les champs au cours de la saison dernière ont pu empêcher l’entrée des matériels les plus lourds embarquant ces produits pondéreux. Par ailleurs, de nombreux agriculteurs céréaliers sont aujourd’hui confrontés à l’augmentation des volumes de digestats issus de la méthanisation. Les céréaliers sont parfois impliqués dans des plans d’épandage avec des agriculteurs voisins ou via leurs propres élevages avec des besoins de dégagement important en sortie d’hiver. La période d’hivernage des troupeaux sous bâtiment provoquant en effet une accumulation des volumes tandis que les épandages ne sont pas autorisés. 

De multiples intérêts

L’épandage se présente comme une solution aux agriculteurs qui cherchent à valoriser ces matières fertilisantes, et qui peuvent ainsi optimiser leur calendrier d’épandage en abaissant la pression logistique grâce à des débits de chantier élevés. Cela réduit également la durée des nuisances pour le voisinage ce qui peut être un avantage dans certains secteurs sensibles à forte densité de population ou à fort intérêt touristique. Cette solution peut, en outre, conforter des modèles de grandes cultures dans l’usage des effluents organiques jugés plus vertueux, tandis que la simplicité va à l’usage d’engrais azotés minéraux. Sachant que d’ici à 2025, les épandages organiques par buse deviendront interdits, l’épandage sans tonne peut s’envisager aussi comme une piste de réflexion dans les investissements visant le renouvellement et la mise aux normes des matériels. Dans ce cadre, les rampes à pendillards deviendront la norme pour répondre aux exigences environnementales. À noter que le choix des « chaussettes » sur la rampe ainsi que leur écartement ont toute leur importance dans l’épandage en système de grandes cultures. Dans ces systèmes, nous chercherons souvent un flux de liquide en sortie qui coule le plus étroitement que possible pour éviter notamment d’éclabousser les plantes. Ceci particulièrement pour les lisiers concentrés en azote qui pourraient brûler les cultures. L’équipement en épandage est aussi une réponse possible à la volatilité des prix des engrais minéraux tout en répondant aux exigences réglementaires et techniques actuelles ainsi qu’à des exigences plus larges de recyclage des minéraux. Bien maîtrisé, l’épandage sans tonne permet en effet d’apporter des nutriments d’origine organique de façon précoce, notamment en sortie d’hiver, période où les cultures comme le blé sont en phase active de croissance et donc plus réceptives aux apports. Cette précocité favorise une meilleure assimilation des éléments nutritifs tout en limitant les pertes par volatilisation ammoniacale. 

En sortie d'hiver, l'épandage sans tonne offre une solution pour limiter la compaction du sol. (Jeannerot).
En sortie d’hiver, l’épandage sans tonne offre une solution pour limiter la compaction du sol. (Jeannerot).

Décomposer ou pas

L’épandage sans tonne, aussi appelé épandage à ravitaillement ombilical, repose sur un principe simple : remplacer la traditionnelle tonne à lisier attelée par un système de rampe alimentée directement à la réserve par un tuyau souple. Le système se branche directement dans la fosse à lisier ou la lagune, et peut aussi être branché à des remorques tampon positionnées à proximité du chantier. Cette dernière option permet de travailler de manière délocalisée de la source de digestat ou de lisier, mais représente des astreintes supplémentaires de transport. Une solution alternative est aussi de créer un réseau de tuyaux à demeure pour ravitailler les parcelles. Dans tous les cas, une pompe fixe, installée à proximité de la ressource en effluent, envoie le lisier ou le digestat à travers un tuyau souple sous pression (13 à 17 bars) jusqu’à la rampe déployée dans la parcelle. La longueur totale du tuyau est un facteur limitant : au-delà de 1 200 m, la perte de pression peut affecter le débit d’épandage. Dans ces situations, il est préférable de prévoir des pompes relais ou de décomposer le chantier avec des remorques tampon. Un enrouleur embarqué, situé à l’avant ou à l’arrière du tracteur ou de l’automoteur, permet de dérouler et de récupérer le tuyau en fonction de l’avancement du chantier. Le débit dépend de la pression dans la rampe qui peut varier selon l’éloignement à la pompe. Un boîtier de débit proportionnel à l’avancement peut permettre de moduler la dose et une console en cabine est parfois prévue pour commander le régime de la pompe à distance. Certains systèmes intègrent des capteurs de concentration, comme le Harvest-Lab. Ils permettent de moduler le débit en fonction de la teneur en azote, phosphore et potasse du digestat ou du lisier, optimisant ainsi la fertilisation.

Une pompe envoie le lisier ou le digestat à travers un tuyau souple sous pression (13 à 17 bars) jusqu'à la rampe. (Vredo)
Une pompe envoie le lisier ou le digestat à travers un tuyau souple sous pression (13 à 17 bars) jusqu’à la rampe. (Vredo)

Traction réduite

Avec des poids réduits aux champs : de 9 à 15 t pour un attelage à tuyaux contre 40 à 50 t pour une tonne classique, ces chantiers sont réputés pour mieux respecter les sols. L’épandage sans tonne se réalise par ailleurs fréquemment avec un tracteur équipé de pneumatiques larges, de télégonflage et, dans certains cas, de roues jumelées pour maximiser encore la répartition de la charge. L’impact sur la structure du sol est donc réduit, avec une souplesse accrue pour travailler en conditions humides. Il faut prévoir la consommation de carburant par la pompe, cependant la force de traction nécessaire est assez faible, ce qui rend ces chantiers plutôt économes en carburant. 

Le tracé du chantier doit être bien anticipé pour limiter les manipulations du tuyau, tout en prévoyant une zone spécifique pour la vidange finale, car le volume dormant peut être conséquent. Bien géré et sur un parcellaire facile d’accès, un seul point de pompage peut assurer la fertilisation de 250 ha. Mais la présence de dénivelé positif entre le point de pompage et l’épandage peut considérablement réduire l’efficacité du chantier. Il faut également prendre en compte le temps éventuel dédié au brassage de la fosse. L’usure de la gaine représente également l’un des gros points de vigilance. Selon les situations, les besoins en main d’œuvre peuvent considérablement varier de même que le retour sur investissement et l’intérêt pour l’agriculteur. Le recours à la prestation de service peut aussi être envisagé. L’essentiel est une bonne préparation en amont de chaque chantier pour tirer pleinement profit des avantages économiques de la technique.

Le choix des « chaussettes » sur la rampe ainsi que leur écartement ont toute leur importance dans l’épandage en système de grandes cultures. (Slurrykat)
Le choix des « chaussettes » sur la rampe ainsi que leur écartement ont toute leur importance dans l’épandage en système de grandes cultures. (Slurrykat)

Alexis Dufumier

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Article Précédent
Article Suivant