Champ de pois et de colza (@Happyculteur)

Pas de solution miracle pour être autonome en protéines végétales

Le programme de deux ans Cap Protéines ne vise pas à ce que la France s’affranchisse des importations de soja mais à ce qu’elle en soit moins dépendante. Lors d’un colloque organisé par Terres Inovia et l’Institut de l’élevage, des experts présentent les voies pour y parvenir.

En Vendée, Bertrand Mitard, céréalier, a introduit dans l’assolement de son exploitation la culture de pois d’hiver pour diversifier ses productions et pour atténuer la pression des maladies fongiques. Implantée mi-novembre, cette culture non-irriguée arrive à maturité sans avoir à craindre l’échaudage au mois de juin car les pois sont déjà bien formés.

Betrand a collaboré avec le centre de recherche de Terres Inovia pour choisir quelle variété de pois d’hiver et pour définir l’itinéraire cultural les plus appropriés.

En Alsace, la Chambre d’agriculture a lancé une série d’expérimentations dans plusieurs exploitations agricoles pour définir l’itinéraire cultural le plus approprié pour rendre la culture de soja irriguée rentable. François Lannuzel, conseiller agricole a répondu à une demande d’agriculteurs soucieux de développer la production de cette légumineuse au détriment du maïs, onéreux à cultiver et exigeant en intrants.

François Lannuzel et Bertrand Mitard ont présenté les résultats de leurs essais en parcelles lors du colloque Cap Protéines, organisé par Terres Inovia et l’Institut de l’élevage le 31 mai 2023 à Paris.

Toujours durant ce colloque, une pléiade d’intervenants ont exposé la myriade de résultats qu’ils ont aussi obtenus durant le programme de recherche Cap Protéines.

Ce programme prémonitoire, a été lancé en janvier 2021, par le gouvernement dans le cadre du plan de France Relance, un an avant la flambée des cours et de la guerre en Ukraine.

Piloté par Terres- Inovia et l’Institut de l’élevage, le programme de recherche a été doté d’une enveloppe de 20 millions d’euros.

Cap Protéines ne vise pas à ce que la France s’affranchisse des importations de soja mais à ce qu’elle en soit moins dépendante.

Ces douze derniers mois les échanges commerciaux d’oléoprotéagineux, d’huiles et de tourteaux (7,4 Mds d’€ importés, sont déficitaires de 2,9 Mds d’€ (+21 % sur un an).

Pour réaliser le programme de relance CAP protéines, 200 partenaires techniques, 100 000 producteurs d’oléo-protéagineux et plus de 100 000 éleveurs de ruminants ont été mobilisés. 330 fermes expérimentales, dont une partie est membre du réseau des lycées agricoles, ont aussi été approchées.

Dans établissements scolaires, les étudiants ont acquis les compétences nécessaires pour conduire des systèmes d’exploitation autonomes en protéines.

Les recherches menées visaient d’abord à préserver dans les assolements des exploitations, les productions d’oléoprotéagineux, malgré les aléas climatiques et les restrictions phytosanitaires. L’extension de l’aire de culture du tournesol au Nord de la Loire ou diversifier les assolements (introduction de légumineuses dans les systèmes de cultures). faisait partie des thèmes du programme de recherche.

Le deuxième levier sur lequel s’appuie Cap protéines est l’évolution des pratiques culturales en formant des conseillers et des agriculteurs pour penser autrement les productions en systèmes de cultures, pour rechercher de nouveaux modèles de production en recourant à la génétique et en optimisant l’usage des intrants. Cultiver des légumineuses réduit la quantité d’azote à épandre sur les cultures.

Selon la majorité des intervenants, il faut donner une suite à CAP protéines. Les recherches doivent se poursuivre (substituer la culture du maïs par la luzerne, réorganisation de la chaine de valeurs, sélections de variété de colza plus riches en protéines etc…) 

« Rendre l’agriculture circulaire demande du temps », a déclaré Jean Louis Peyraud , Directeur Scientifique Adjoint en charge de l’Agriculture à l’INRAE.

En fait Cap protéines vise à resserrer les liens entre les grandes cultures et l’élevage et à remettre au gout du jour des pratiques culturales abandonnées pour des raisons économiques (absence de soutiens, prix, rendements).

En attendant, CAP protéines s’est donné les moyens pour faire connaître les résultats obtenus auprès d’un maximum d’agriculteurs, d’éleveurs et de conseillers techniques pour aller vers l’autonomie protéique des élevages.

Sur le site cap-protéines-élevage.fr, plus de 300 témoignages d’éleveurs en protéines dans toute la France sont en ligne. Des fiches techniques sont aussi publiées et des outils d’aide à la décision sont disponibles. Des conseillers agricoles organisent aussi des réunions de terrain.

Compte tenu de la diversité des situations, les agriculteurs ont besoin de conseils personnalisés afin de définir la voie la plus appropriée pour tendre vers l’autonomie protéique de leur élevage ou pour introduire dans leur assolement des cultures de légumineuses les plus judicieuses

Il faut par exemple convaincre les éleveurs laitiers que le tourteau de colza est un complément alimentaire aussi efficace que le tourteau de soja. Quant aux éleveurs de porcs qui produisent les aliments de leurs animaux, il faut les inciter à réintroduire le pois dans la ration qu’ils leur distribuent. Pour cela, la culture de pois doit être relancée et être rentable.

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