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Pac, l’agriculture européenne freinée par les remous au sein du couple franco-allemand

Les discussions sur le budget européen débouchent sur une remise en cause de celui de la Politique agricole commune, et donc de son projet pour la société. Décryptage d’une situation préoccupante.

Les promesses avaient été émises, tout semblait acté. Le budget européen ne devait plus bouger, en tout cas pas celui de la Politique agricole commune (Pac), maintenu jusqu’en 2020. C’était au début de l’année 2012. Depuis, les lignes ont bougé, et les promesses faites aux uns ont eu moins de valeur envers leurs successeurs. Le changement politique en France a entraîné une moins grande connivence entre les pouvoirs politiques de Paris et de Berlin. L’Europe, qui avait pris pour habitude de suivre le leader constitué par le couple franco-allemand, a d’un coup vu plusieurs de ses composantes penser à ses intérêts propres, au-delà de l’unité continentale.

Tout a commencé par la présidence chypriote, qui n’a pas su faire valoir son autorité. La nature a horreur du vide, Herman Van Rompuy, président du Conseil de l’Europe, a senti là l’opportunité d’asseoir la sienne. Il a émis des propositions sur le budget de l’Union européenne. La baisse du budget européen doit ainsi atteindre, selon lui, – 20 % pour le premier pilier de la Pac, – 15 % pour la politique régionale, – 35 % pour la politique des transports. Le premier pilier de la Pac, c’est celui qui consolide la production agricole proprement dite. L’aide à l’hectare étant de l’ordre de 280 €, ces 20 % représentent 56 €… Un terrible trou dans le budget !

Le problème est que l’Europe a changé de fonctionnement en l’espace de quelques mois. Là où, l’année dernière par exemple, le couple franco-allemand aurait de suite éteint l’incendie, Angela Merkel s’est retrouvée isolée dans ses efforts. De fait, des pays tels l’Angleterre, qui ne demande qu’à réduire son engagement européen, ont soutenu Herman Van Rompuy. Pour l’Angleterre, il est même question d’utiliser le droit de veto dans l’hypothèse où le budget ne baisserait pas : son parlement a adopté une résolution dans ce sens. Techniquement aujourd’hui, la seule façon d’éviter une chute drastique du budget européen sans que le droit de veto anglais ne soit actionné, est de reconduire le budget actuel, en l’état, pour trois ans.

Or, toutes ces considérations sur le budget ne tiennent absolument pas compte des tractations qui existent depuis deux ans sur la Pac pour la période 2014-2020. Pour celle-ci, tout l’enjeu consiste à accomplir un verdissement qui réponde aux réalités économiques et aux besoins de productions alimentaires. L’Europe s’est en effet fixé un nouvel objectif, consistant à réduire sa dépendance alimentaire envers les pays tiers. Lors des 30 dernières années, recourir à des importations n’était pas si coûteux, on pouvait se le permettre. Mais avec l’exigence grandissante de qualité des aliments, les prix ont augmenté, l’ardoise est devenue douloureuse : mieux vaut désormais produire sur place, directement aux conditions environnementales et qualitatives requises par la société européenne. C’est ce que l’on appelle la croissance verte, un cercle vertueux qui vise à augmenter les productions tout en tenant compte des nécessaires attentes écologiques du monde moderne.

Que devient cette croissance verte avec un budget compromis ? Comment l’agriculteur peut-il l’appliquer sur son champ avec 20 % de rémunération en moins à l’hectare ? Les agriculteurs ont besoin d’avoir un échéancier et un budget clairs. Le budget européen, pour 2013 déjà, sera-t-il décidé les 22 et 23 novembre, ou encore le 15 décembre, au tout dernier moment ? Ce sont les dates des rendez-vous programmés pour en décider. Mais dès à présent, le lobbying fait rage. Dacian Ciolos, commissaire européen à l’Agriculture, défend « son » projet pour la Pac 2014-2020, et donc le budget initialement prévu. Il craint, a-t-il dit, un « retour de 30 ans en arrière » dans l’hypothèse où la proposition d’Herman Van Rompuy serait suivie d’effets.

Mais c’est maintenant aux politiques d’en décider. Le député européen Michel Dantin a lancé un appel au Président de la République française pour qu’il s’implique dans le dossier (source ici). En coulisses, Angela Merkel formule les mêmes vœux : peu importe que l’alliance ne soit que de circonstance, le couple franco-allemand doit fonctionner de nouveau, au moins le temps de sauver le budget européen, et le projet de société qu’il alimente. Aujourd’hui, François Hollande est le grand absent des tractations. Jusqu’à quand ?

Derrière, ce sont tous les agriculteurs qui sont dans l’attente. Et pendant ce temps, comme le soulignent les syndicats européens des agriculteurs (le Copa) et des coopératives (le Cogeca), les Etats-Unis, le Brésil ou la Chine « investissent massivement dans le secteur agricole pour maintenir la compétitivité et nourrir une population croissante »…

Et vous, qu’en pensez-vous ? Pour en débattre, rendez-vous ci-dessous dans l’espace « Ecrire un commentaire ».

Cet article est paru sur Atlantico sous l’url : http://www.atlantico.fr/decryptage/pac-agriculture-europeenne-freinee-remous-au-sein-couple-franco-allemand-antoine-jeandey-547298.html

En savoir plus (articles déjà parus sur WikiAgri sur le même sujet) : https://wikiagri.fr/articles/le-budget-de-la-pac-2014-2020-fortement-conteste/316 et encore https://wikiagri.fr/articles/budget-de-la-pac-hollande-doit-intervenir-il-y-a-le-feu/317.

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