Lettre ouverte à Jean-Michel Aulas à propos de Philippe Layat

M. Jean-Michel Aulas,

Vous êtes président de l’Olympique Lyonnais depuis 1987. Vous aimez ce club, vous avez forgé tout ce qu’il représente dans l’ère moderne : un club reconnu au niveau européen, à la hauteur des ambitions de la cité des Gaules. Vos préoccupations sont multiples, faire en sorte que votre équipe première (la vitrine) soit au plus haut niveau sportif, mais aussi structurer le club, à tous les niveaux, toujours mieux.

C’est dans cet esprit que vous obtenu l’édification d’un grand stade. Personne ne va vous le reprocher, vous êtes dans votre rôle, et vous l’avez assumé. Au contraire, ce nouveau stade magnifique promet pour de nombreuses années de grands spectacles, sportifs, mais pas seulement, on ne peut donc que s’en réjouir.

Mais vous n’êtes pas sans connaître des effets collatéraux qui, eux, pourraient finir par durablement entacher l’image de l’OL à laquelle vous tenez tant. Vous connaissez l’histoire de cet agriculteur, Philippe Layat, dont les terres se trouvaient pile sur le passage prévu pour accéder au fameux grand stade. Bon, le gars est têtu, il a fait sa mauvaise tête, il n’a pas accepté les subsides de dédommagement prévus pour son expropriation. Résistant pour les uns, il a aussi été considéré comme un anti OL pour les autres, puisque, quelque part, s’opposant à un projet faisant grandir le club. C’est sans doute cette seconde interprétation du personnage qui est à l’origine de son tabassage en règle tout récent, et que vous pouvez constater sur cette vidéo qui a déjà fait le tour des réseaux sociaux :

Oui, Philippe Layat s’est opposé à vos projets. Oui, il a pris comme avocat un conseiller régional marqué politiquement, lui aussi opposé. Mais nous étions là dans le débat d’idées. Et d’ailleurs, ce bras de fer là, vous l’avez gagné, puisque le grand stade existe désormais.

Mais aujourd’hui, les choses sont allées trop loin. Vous êtes en train de poursuivre la construction de votre si beau grand stade sur un cadavre. Tout club de football, vous le savez, peut vivre une crise : un problème de gestion, des hooligans qui apparaissent, un accident dans une tribune, une équipe première qui n’est plus sportivement à la hauteur… Mais qu’est-ce que tout cela face à un crime organisé ? Les problèmes de gestion, vous savez les régler, un problème dans l’équipe aussi… En revanche, que pourrez-vous faire quand l’OL, et peut-être vous-mêmes, serez directement accusé de tentative de meurtre ?

Le fait que l’expropriation de Philippe Layat se soit mal passée n’est pas de votre fait, ce sont les services de l’Etat qui l’ont gérée (plutôt que « négociée » apparemment d’ailleurs, mais ce n’est pas le sujet du jour). Le fait que trois voyous de seconde zone tabasse presque à mort cet agriculteur ne peut pas non plus vous être attribué.

En revanche, ce qui vous sera attribué, c’est votre réaction aujourd’hui. Vous avez plusieurs options. Le mutisme, qui ne saurait être interprété autrement que comme de l’obscurantisme, voire de la complicité. Ou alors la réaction positive : vous êtes chef d’entreprise, comportez-vous comme tel. Allez voir, personnellement, Philippe Layat, voyez quels sont ses besoins réels pour un déménagement vers une zone plus rurale où il sera tranquille et pourra poursuivre son activité paysanne, et signez le chèque, tout en accompagnant le déménagement en question (vérifiez que la nouvelle ferme correspond bien à quelque chose de correct à tous points de vue, sans en rajouter, mais en étant « clean »). Vous verrez, finalement, il vous en coûtera quoi ? Un mois de salaire du remplaçant de l’arrière droit ? C’est une image bien sûr, je ne connais pas le nom du joueur en question, j’aurais pu dire le gardien ou l’avant-centre, mais c’est juste pour vous signaler que vous avez déjà réglé des problèmes autrement plus importants. En agissant de la sorte, vous condamneriez les agissements de ceux qui ont tabassé celui qui est avant tout un être humain, et vous redoreriez le blason de votre OL.

Vous pourriez même trouver un intérêt ultérieur, puisque les terres ainsi achetées, cette fois par vous (je veux dire : par l’OL), pourraient vous servir ultérieurement, pour un centre d’entraînement près du grand stade, ou un accueil des VIP les veilles de grand match… La somme ainsi allouée doit être économiquement considérée comme un investissement pour l’avenir, médiatiquement comme une promotion extraordinaire pour l’humanité dont vous feriez preuve alors.

Car le plus important reste de prendre en compte l’esprit qui a animé notre pays après les attaques terroristes. La grande manifestation à Paris après les attentats de Charlie Hebdo, toutes les marques de solidarité nationales venues de tous les milieux sociaux, culturels, politiques, et aussi sportifs qui ont animé la nation française après le 13 novembre… Philippe Layat s’est opposé à vos projets. Mais ni vous, ni lui, n’êtes des terroristes. Ses agresseurs, eux, peuvent être considérés comme tels. Donc vous pouvez faire cause commune, face à eux.

Merci de votre lecture.