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Interculture, quelle efficacité pour les Cipan ?

Pourvu qu’il soit correctement installé à l’automne, un couvert végétal à l’interculture est le levier le plus efficace pour limiter les transferts de nitrate dans les eaux de drainage. La mise en œuvre optimale de cette technique doit concilier deux objectifs : obtenir un couvert correctement développé en début de période de drainage, ne pas pénaliser les cultures de la rotation en préservant la maîtrise du désherbage et les rendements. Les dates d’implantation et de destruction du couvert d’interculture doivent donc être ajustées dans ce sens, selon le contexte de culture – climat, sol, rotation.

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Le nitrate est entraîné par les eaux qui percolent au-delà de la zone explorée par les racines : c’est le phénomène de lixiviation (plus communément appelé lessivage du nitrate). Le transfert vertical d’eau dans le sol survient une fois que la capacité de stockage en eau de ce dernier est atteinte : on parle de drainage. Sous nos climats, ce phénomène intervient principalement en automne – hiver, sous l’effet conjugué des pluies abondantes et d’une végétation souvent moins développée ou inexistante sur les parcelles à cette saison.

La lixiviation peut entraîner des teneurs élevées en nitrate dans les eaux de surface ou souterraines avec des concentrations en nitrate qui ponctuellement ou chroniquement peuvent dépasser la norme « eau potable » de 50 mg/l. Pour la production d’eau potable, ceci augmente les coûts de traitement de l’eau et peut nécessiter l’arrêt d’exploitation de certains aquifères.

La couverture des sols en période hivernale est le levier le plus efficace pour limiter les transferts diffus de nitrate vers les eaux. En parallèle, il convient également de supprimer les éventuelles sources de transferts ponctuels (stockage des effluents d’élevage…) et d’équilibrer la fertilisation des cultures et des prairies en ajustant au mieux les apports d’engrais azotés minéraux ou organiques aux besoins.

Quelle est l’efficacité attendue des cultures intermédiaires pièges à nitrate (Cipan) ? Quelles sont les conditions culturales et les itinéraires techniques permettant de la maximiser ?

La technique d’une Cipan consiste à implanter un couvert végétal en fin d’été de manière à ce qu’il soit suffisamment développé en début de saison de drainage. Ce couvert vivant puise l’eau et les nutriments nécessaires à sa croissance dans le sol. Il limite ainsi les volumes d’eau percolés et surtout séquestre temporairement l’azote minéral du sol, réduisant ainsi les quantités exposées à la lixiviation. A la destruction de la Cipan pour implanter la culture suivante, les nutriments stockés dans la biomasse du couvert vont être progressivement minéralisés. Une partie de l’azote piégé et stocké sous forme organique sera de nouveau disponible pour la culture suivante.

Ce qu’il faut retenir :
Les mesures d’efficacité réalisées dans différents milieux pédo-climatiques, montrent une réduction de l’ordre de 50 % des pertes de nitrate par lixiviation en présence d’un couvert, comparé à un sol resté nu en période hivernale (figures 1 et 2). Cette technique est plus efficace que l’incorporation de résidus de cultures au sol. Toutefois, il n’est pas toujours possible de la mettre en œuvre en pratique dans certains sols très argileux ou lors de récoltes tardives de la culture précédente.

Figure 1 : lessivage dans une rotation betterave-pois-blé moyenne 6 ans

Figure 2 : interculture blé-tournesol, sol argilo-calcaire – moyenne 4 ans

Dans ces rotations de grandes cultures, les quantités de nitrate lixiviées sont minimisées lorsque l’on maintient les doses d’azote à l’optimum pour les cultures et que l’on couvre le sol lors des intercultures à l’automne. L’effet de l’enfouissement des pailles est inférieur à celui des couverts.

Entre une culture de blé et de maïs, un couvert de repousses de céréales correctement développé permet également de réduire les pertes de moitié en comparaison avec un sol laissé nu (figure 3).

Figure 3 : teneur en nitrate des eaux de drainage en interculture – La Jaillière 1999-2000

En succession colza/blé, les repousses de colza détruites début octobre pour semer un blé ont atteint une biomasse de 4,4 t/ha de matière sèche et absorbé 40 kg N/ha (figure 4). Lorsque le sol reste nu entre la récolte du colza et le semis du blé, les concentrations en nitrates sous la parcelle atteignent des niveaux élevés. En revanche, le maintien de repousses de colza, réduit fortement le lessivage, surtout dans le cas d’un semis précoce.

Figure 4 : concentration en azote sous blé – Le Magneraud 1998-1999

Préconisations

Semer le couvert au plus tard fin août – début septembre :
Pour que le couvert joue pleinement son rôle de Cipan, celui-ci doit être correctement installé en début d’automne, de manière à limiter significativement le stock d’azote minéral du sol au démarrage de la saison de drainage. Pour une interculture longue – par exemple entre une céréale à paille et un maïs – nous recommandons donc de semer le couvert entre la fin août – début septembre. A cette période, le risque de sécheresse est fréquentiellement moins élevé et il est ainsi possible de réaliser des déchaumages et faux semis au préalable pour maintenir la propreté des parcelles. Les semis plus tardifs permettent rarement au couvert de se développer suffisamment en entrée d’hiver pour piéger le nitrate avant sa lixiviation. Des semis plus précoces (de fin juillet à mi-août) peuvent donner de bons résultats. Ils sont même indispensables avec certaines espèces exigeantes en température ou lumière (légumineuses, niger, sarrasin…) ou dans le cas d’implantation avant une céréale d’hiver. Ces semis précoces permettent parfois les meilleurs développements du couvert en conditions optimales mais peuvent être plus exposés au risque de manque d’eau à l’implantation et de montée à graine rapide de certaines espèces de couvert (sarrasin, moutarde, caméline…).

Détruire 2 mois avant le semis de la culture suivante :
 Il n’est pas nécessaire d’avoir une biomasse très importante pour piéger efficacement le nitrate : plus que la biomasse finale, c’est l’installation homogène et suffisamment précoce du couvert sur la parcelle en début d’automne qui joue. Pour éviter les effets dépressifs du couvert sur la culture suivante (assèchement du sol, blocage des éléments nutritifs, gène mécanique à l’implantation), il est important de détruire le couvert environ 2 mois avant le semis de la culture suivante.

Tableau 1 : date de destruction des Cipan en fonction du type de sol et de la culture suivante

Cas particulier des sols argileux :
Ces sols nécessitent d’être travaillés en automne – hiver pour pouvoir se restructurer sous l’effet du gel. Selon les sols et la technique de travail du sol pratiquée (labour / non labour), la technique de Cipan peut être mise en œuvre de différentes manières : 
• Semis du couvert en fin d’été, destruction à partir de la mi-novembre, préparation du sol en hiver. Nos essais montrent que l’effet Cipan fonctionne même si la destruction est précoce : l’azote piégé par le couvert est certes minéralisé précocement mais sa localisation dans l’horizon de surface réduit son lessivage par rapport au sol nu (Magneraud 1990 – 1996).
• Travail du sol en fin d’été puis implantation du couvert – destruction du couvert en sortie hiver sans travail du sol profond, implantation de la culture suivante avec un travail du sol réduit.

Quelle espèce choisir ?
 Plus que l’espèce, c’est la qualité de l’installation du couvert en début de saison d’écoulement qui est déterminante pour l’effet Cipan. Le choix de l’espèce à implanter doit se faire en fonction de l’itinéraire technique envisagé pour l’implantation et la destruction du couvert. Le tableau ci-dessous résume le comportement de différentes espèces vis-à-vis des techniques de semis et de destruction envisagées.

Tableau 2 : caractéristiques de différents couverts d’interculture

Les légumineuses ont aussi un effet Cipan
Du fait de leur installation plus lente et de leur système racinaire moins performant, leur capacité à réduire le stock d’azote minéral du sol en entrée d’hiver, bien que non nulle, est plus faible que celle d’une crucifère ou une graminée. En revanche, les légumineuses, par leur capacité à fixer l’azote de l’air, présentent un atout lorsqu’il s’agit de fournir de l’azote minéral à la culture qui suit. Aussi, ces espèces peuvent s’envisager en mélange avec une non-légumineuse de manière à obtenir un double effet : Cipan en automne hiver et « engrais vert » au printemps suivant. Les légumineuses pures sont quant à elles à réserver aux situations à faible risque de lessivage.

Les repousses ont aussi un bon effet Cipan (figure 4)
… A condition d’avoir une installation homogène et précoce des repousses sur la parcelle. Dans le cas de céréales à paille, la moissonneuse doit être équipée d’un répartiteur de menues pailles (1 q de grain bien réparti suffit à assurer un couvert homogène). Un déchaumage le plus superficiel possible combiné à un roulage à la fin août permettra d’assurer la levée du couvert de repousses ainsi « semé ».

Arvalis – Institut du végétal

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