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Fongicides céréales, les critères à intégrer dans sa stratégie

Même si la campagne 2019/2020 a connu une faible pression des maladies fongiques, les résistances continuent de monter en puissance. Dans sa stratégie de traitement, il faut veiller à alterner les modes d’actions et privilégier les multisites.

La moisson 2020 a été, dans certaines régions, la plus mauvaise récolte depuis 2004. Entre des semis difficiles à cause d’un automne humide, puis un printemps très sec, les céréales ont été à la peine. En blé, la récolte a été d’à peine 30 millions de tonnes pour rendement moyen de 69,5 quintaux et en orge, 7,3 millions de tonnes ont été engrangées avec un rendement de 58 quintaux. Seul point positif, la pression maladies n’a pas été trop forte. « D’après nos essais, la nuisibilité a été évaluée à 8 quintaux, chiffre Jean-Yves Maufras, spécialiste fongicides chez Arvalis. Ce qui est la moitié de la moyenne de ces 15 dernières années ».

Cette dernière campagne a bien démontré que le T1 n’est pas toujours nécessaire. Leur nombre a d’ailleurs diminué de 30 %. « Si le printemps est sec, avec une variété tolérante, il n’y a pas systématiquement besoin d’un traitement précoce, rappelle le spécialiste. En faisant une impasse, on peut y perdre un peu en rendement mais le coût d’une intervention n’aurait pas été rentabilisé. »

« L’impasse du T1 a été recommandé par Xarvio Field Manager sur plus de 80 % des parcelles suivies en blé et 55 % de celles en orge » confirme Jérôme Clair, responsable xarvio Digital Farming France.

Comme pour toute intervention, il faut trouver le bon arbitrage entre le montant investi dans le traitement et le gain de rendement espéré. Des essais d’Arvalis de 2013 à 2019 montrent que la rentabilité d’un traitement entre 1 et 3 nœuds n’a été avérée que dans 27 % des cas. L’intérêt est plus marqué en semis précoce ou avec des variétés sensibles. Les outils d’aide à la décision (Septo-Lis, Xarvio Field Manager…) permettent d’affiner son choix en fonction de la pression maladie.

Pour un T2 performant

D’autant plus quand on a fait l’impasse sur le T1, le T2 reste stratégique pour optimiser la protection. Il s’agit de protéger la dernière feuille, majeure pour la constitution du rendement. Mais la hausse des résistances complique les choses. Dans leur note commune, l’Inrae, l’Anses et Arvalis notent que « les résistances de l’helminthosporiose de l’orge aux SDHI et de la septoriose aux triazoles gagnent du terrain ».

60 % des souches d’helminthosporiose sont résistantes aux SDHI, 70 % aux strobilurines. En 2020, près de 6 souches sur 10 sont de type TriHR, résistantes aux triazoles et près d’une sur cinq de type CarR, donc résistantes aux SDHI. Une souche de septoriose sur 4 est multirésistante. Elles n’étaient que 14 % l’an dernier. De plus, 13 % des souches sont résistantes aux SDHI.

Ces phénomènes de résistances sont présents dans toutes les régions, même si leur intensité est plus forte dans les bassins céréaliers. Il y a donc un enjeu majeur à garder l’efficacité des fongicides pour contenir les maladies. « Si on se base sur le modèle anglais, où les phénomènes de résistance sont beaucoup plus problématiques, en cas de printemps pluvieux, on pourrait être confronté à une baisse d’efficacité problématique », avertit Anne-Sophie Bécue, chef de marché céréales chez Adama.

Le premier levier reste l’agronomie en allongeant les rotations, en décalant les semis pour trouver le bon équilibre pour limiter la pression maladie sans pour autant pénaliser le potentiel de rendement. Même si elles ne sont jamais 100 % résistances à 100 %, les variétés tolérantes permettent de limiter la pression des maladies les plus fréquentes sur ses parcelles et peuvent être contrôler avec un seul traitement voir aucun comme en 2020.

Pour assurer la durabilité des solutions fongicides, il est toujours recommandé de n’utiliser qu’une seule SDHI par an, sur orge comme blé, en association avec un autre mode d’action. Il faut également varier les modes d’actions et utiliser des multisites, comme le folpel, le mancozèbe ou encore le soufre, qui permettent de maintenir un niveau de protection acceptable tout en ralentissant le développement des résistances. « Les traitements unisites augmentent la pression de sélection sur les souches résistantes. Les multisites permettent de régulariser l’efficacité et de limiter l’impact de la résistance », prévient Anne-Sophie Bécue.

L’alternance des molécules se complique avec plusieurs retraits de matières actives (epoxiconazole, propiconazole) ces dernières années. Le chlorothalonil est désormais interdit, suite au non-renouvellement de son autorisation par les instances européennes. Il était très utilisé face à la septoriose pour son efficacité et son bon rapport qualité/prix. On assiste à la disparition d’un mode d’action qui avait montré sa durabilité face aux résistances. La famille des triazoles est, à son tour, regardée attentivement par les instances européennes.

Des nouveautés

« Trouver des molécules avec de nouveaux modes d’actions est long et coûteux, explique Anne-Sophie Bécue. S’y ajoutent les difficultés d’homologation. Certaines molécules sont autorisées ailleurs dans le monde mais pas en France où les exigences réglementaires sont particulièrement fortes. » L’autorisation d’un nouveau produit de biocontrôle, le phosphate de potassium, se fait attendre. « Hélas, son arrivée sur le marché risque d’être trop tardive pour qu’il soit utilisé en T1 », anticipe Jean-Yves Maufras.

Heureusement, quelques nouveautés sont venues renforcer le panel des solutions pour contrôler les maladies fongiques.

Inatreq, nom générique pour la molécule fenpicoxamid, apporte un nouveau mode d’action, les Qil, face à la septoriose. « Cela faisait une dizaine d’années qu’il n’y avait pas eu de nouveau mode d’actions en céréales, souligne Maxime Champion, directeur marketing de Corteva. Ce mode d’action a été utilisé en vigne et en pomme de terre mais pas en céréales. Inatreq est efficace sur 100 % des souches de septoriose ». Issue d’une fermentation bactérienne, Inatreq bénéficie également d’une formulation qui améliore la rétention et la pénétration. Il s’utilise du stade Dernière feuille pointante à celui de Dernière feuille étalée, sur blé, triticale, épeautre et seigle. Mais, comme son mode d’action est unisite, il faut bien choisir son partenaire, par exemple un SDHI. « Nos essais ont montré un gain de rendement jusqu’à 7 quintaux » chiffre Maxime Champion.

Sesto d’Adama, va connaitre sa première campagne entière cette année. Composé de 500g/l de folpel, il confirme l’intérêt du multisite. Lancé sous la marque MSI Protech, une marque qui sera déployée dans toute l’Europe. « Sesto remplace le chlorothalonil avec plus de souplesse d’utilisation, avance Anne-Sophie Bécue. Il peut être utilisé soit en T1 soit en T2 en cas de déclenchement tardif du risque maladie. »

Autre nouveauté de 2020, Revysol, de BASF, est une nouvelle triazole, le premier isopropanol-azole, efficace sur toutes les souches de septoriose. « Il est associé avec Xemium, qui est une SDHI, dans Revystar XL, explique Jérôme Tournier, responsable du pôle céréales de BASF France division Agro. De plus, cette association est un plus pour la durabilité face aux résistances. Les deux molécules qui se protègent l’une l’autre face aux résistances. On a d’autant plus besoin d’un T2 costaud, quand on a fait une impasse sur le T1. A la dose recommandée de 0,75l/ha, nos essais ont montré un gain de 10 à 15 points d’efficacité, soit 1,5 à 3 quintaux par rapport à la référence SDHI. Revystar XL permet un gain net de 30€ à l’hectare ». Sur orge, Revystar XL sera associé avec Comet 200, une strobilurine.

© D.R.
Bidon de 5 litres de Inatreq, de Corteva

© D.R.
Bidon de 5 litres de Revystar, de BASF

Cécile Julien

 

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