Laurent Guillaume représente la troisième génération d’agriculteurs de sa famille installée en Corse en 1965 à La Testa à Sainte Lucie de Porto-Vecchio. Ses grands parents étaient auparavant céréaliers au Maroc.
Depuis 2022, il spécialise progressivement sa ferme convertie à l’agriculture biologique par son père quatorze ans plus tôt, dans la production d’agrumes. Il a décidé d’abandonner progressivement l’activité maraîchère, la fraisiculture et les fruits à coques. Trop de productions arrivaient à termes en même temps alors que le recrutement de saisonniers pour les récolter et les commercialiser est de plus en plus difficile.
Les fruits sont vendus en circuits courts (Amap, boutique) ou à des grossistes.
Guillaume Laurent a adhéré aux idées de Place Publique en 2019 lorsque Raphael Glucksmann menait campagne lors des précédentes élections européennes.
« La principale inégalité de la Pac est la répartition des aides à l’hectare et non pas à l’actif, affirme Guillaume. Lorsque la nouvelle réforme post 2027 sera négociée, il faudra absolument remédier à cette injustice ». Hormis ses 21 DPU, Guillaume ne perçoit que 5 000 € d’ICHN et de Feder. Or son exploitation de 21 hectares emploie 10 actifs équivalents temps plein : Guillaume, sa famille et des travailleurs occasionnels.
« Aujourd’hui, je ne pense pas que je me serai installé si mes parents n’avaient pas été agriculteurs », affirme le jeune producteur d’agrumes.
Selon lui, une politique d’installation doit avant tout être une politique de reprise d’exploitations agricoles ciblée sur des porteurs de projets qui ne sont pas issus du monde agricole en facilitant leur acquisition et leur financement.
« Cela fera partie des priorités de la prochaine réforme de la Pac », soutient Guillaume.
La simplification administrative est le chantier auquel l’Union européenne, le gouvernement français et le Territoire corse doivent dès à présent s’atteler. « Le délai d’instruction des dossiers d’aides à l’investissement est bien trop long. Plus de deux ans parfois, sans être certain de toucher les soutiens auxquels on peut prétendre », déplore le producteur d’agrumes.
Lorsque le nouveau Parlement européen sera élu, il reviendra aux députés de reprendre la main sur le programme Ecophyto 2030 en veillant à ce qu’il y ait des produits alternatifs à ceux qui seront supprimés. Mais le glyphosate devra être interdit. Quant aux NBT (éditions génomique, transgénèse), « je n’y suis pas opposé par principe si les nouvelles variétés sélectionnées sont obtenues dans le respect de la protection de l’environnement », défend Guillaume.
Quels qu’ils soient, les accords de libre échange doivent préserver les intérêts de l’agriculture européenne et de ses agriculteurs, selon l’agriculteur. Ils doivent être loyaux et comporter des clauses miroirs afin de lutter contre toute concurrence distorsive. En Corse, produire un kilo d’orange revient à 1€. Or les oranges marocaines arrivent sur le marché à 0,70€ !
L’Ukraine, Guillaume Laurent est partisan de son adhésion à l’Union européenne. « Ce sera l’aboutissement d’un long processus, explique-t-il. Le pays devra avoir entrepris les réformes nécessaires pour que son adhésion ne génère aucune hostilité ». De son côté, l’Union européenne devra engager la politique agricole appropriée pour que l’entrée de l’Ukraine se déroule dans les meilleures conditions avec un budget ambitieux. La Pac des Vingt-sept pays membres ne devra pas être sacrifiée.
« Dans l’immédiat, l’Union européenne doit aider l’Ukraine à se défendre mais les agriculteurs européens n’ont pas à en payer le prix », explique le producteur d’agrumes. Les marchés européens agricoles doivent être protégés en taxant les importations de produits ukrainiens ou en les soumettant à des quotas. Tout doit être entrepris pour que l’Ukraine ait accès aux marchés mondiaux sans engorger le marché européen.