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Bien vivre de son métier grâce à un sol vivant avec Stéphane Billote

WikiAgri et AgriFind proposent une série de portraits d’agriculteurs, qui partagent leurs expériences et leurs résultats technico-économiques. Découvrez pour ce quatrième numéro l’interview de Stéphane Billote membre de WikiAgri.

Présentation de l’exploitation de Stéphane :
 
  • Année d’installation : 1996
  • Département : Yonne (89)
  • Agriculture de conservation depuis 2004 et bas volume 2005
  • Sols argilo-calcaire superficiel (90 %) et limon-argileux (10%)
  • Campagne 2017-18, 9 cultures en place : colza, blé, orge, orge de printemps, féverole d’hiver, maïs, millet, sarrasin, sainfoin.
  • Cultures ayant déjà été dans l’assolement : lin, pois de printemps et d’hiver, porte graines trèfle et luzerne, féverole de printemps.
  • Capacité de stockage : 130 % de la production annuelle
  • 2 ETP en régime de croisière
  • Responsable local du réseau BASE

 

 

Bonjour Stéphane, quelle est ta vision du métier d’agriculteur ?

« Mon grand-père m’a dit : « Agriculteur c’est un métier formidable, on apprend chaque jour » et force est de constaté qu’il avait raison. Pour moi, l’agriculture est une affaire de compromis, je ne m’oblige à rien mais ne m’interdit rien non plus. Aujourd’hui mon système est basé sur un sol vivant et je réussis quasiment à me passer d’engrais minéraux et de produits phytopharmaceutiques. Je ne suis pas en bio et je ne m’interdis pas d’avoir recours à ces produits si vraiment cela s’avère nécessaire. »

Quelles sont les principales étapes que tu as vécues concernant l’évolution des pratiques sur ton exploitation ?

« Je me souviens avoir labouré 30 ha l’année de ma reprise d’exploitation, c’est tout. Je ne maîtrise pas cette technique. En 2000, j’ai débuté avec les TCS ; depuis 2003, j’ai diminué grandement la fertilisation minérale ; en 2004, j’ai débuté l’agriculture de conservation des sols ; en 2005 le bas-volume ; en 2010, j’ai initié la fertilisation sur le rang uniquement ; en 2011, j’ai commencé à utiliser les macérations de plantes et depuis 2016, je teste les huiles essentielles.
 
Concrètement, aujourd’hui mes charges opérationnelles s’élèvent à 180 €/ha (hors fioul), cela représente la dépense moyenne annuelle en fertilisation d’une exploitation du secteur. Les charges opérationnelles moyennes calculées du secteur s’élèvent à 480 €/ha en moyenne. Même si le système en place est aujourd’hui performant, il a mis du temps à se mettre en place ; la phase de transition est très importante et c’est l’ensemble du système qui est à faire évoluer, le semis-direct, par exemple, reste un outil pas une fin en soi. »
 

Une économie de 300 €/ha !, la marge est-elle au rendez-vous ?

« Clairement oui, puisqu’en terme de rendement, je suis dans la moyenne du secteur. La qualité est aussi au rendez-vous, par exemple, le fait d’avoir eu l’an dernier sur blé un indice Hagberg élevé de 280 à 330 m’a permis de vendre facilement et à un bon prix ma récolte. Pour information un blé panifiable doit avoir un indice Hagberg minimum de 220.»

Comment t’y prends-tu concrètement ? »

« Tout d’abord, je tiens à dire, que je fais des erreurs et prends « des gamelles » comme tout le monde, une année je n’ai pas récolté de pois par exemple. En fait, je mets systématiquement plusieurs leviers en action. Prenons l’exemple du colza.
  • 1ier levier : une date de semis précoce avant le 5 août et un semi-direct.
  • 2ième levier : une fertilité du sol assurée par de la fiente de volaille ou un précédent de légumineuses.
  • 3ième levier : une application de bore, attention par n’importe lequel…
  • 4ième levier : l’implantation de plantes compagnes tel que le sarrasin, la féverole, la lentille, la luzerne, le trèfle.
De plus, pour perturber les insectes comme l’altise, j’applique du sucre (5 – 10 g/ha, bouillie de 50 L/ha) directement sur la culture : cela interfère avec les différents sucres naturellement présents sur les feuilles et perturbe les insectes qui ne reconnaissent plus la culture comme une cible attractive pour eux. Avec ces actions, je favorise des plantes en bonne santé sur un sol vivant et je limite un maximum mes achats d’intrants classiques. »
 

Parmi l’ensemble des solutions alternatives que tu mets en œuvre sur ton exploitation peux-tu, s’il te plait, développer les macérations de plantes ? Pourquoi les utilises-tu ?

« J’ai constaté que la chimie entretien la chimie, je m’explique. J’ai observé que les cultures ayant bénéficiées ou plutôt subies un désherbage étaient plus touchées, plus attaquées par les insectes, cela m’a conduit à rechercher des solutions qui ne tuent pas les insectes ou les champignons mais qui renforcent la santé du végétal. Les extraits végétaux fermentés en font partie. Pour moi, la stimulation des défenses naturelles des plantes basée sur un sol vivant est primordiale. »

Sur quelles études, sur quelles théories te bases-tu ? 

« Le but étant de ramener les végétaux à la « case bonne santé », je m’appuis principalement sur la BEV (Bio-Electronique de Vincent) issue des travaux de Louis Claude Vincent. Il s’agit de permettre au végétal de croître en étant en homéostasie et non de se développer en milieu alcalin oxydé comme c’est souvent le cas aujourd’hui. L’approche est d’ailleurs similaire pour le sol. De plus, nous sommes un groupe de 15 agriculteurs qui faisons des essais grandeurs natures sur nos exploitation, de plus, nous appuyons sur nos propres travaux pour progresser.

Comment les macérations se fabriquent-elles, comment s’appliquent-elles ?

« Je produis moi-même mes extraits végétaux fermentés d’ortie, de consoude et de luzerne. Je les applique en générale à 5 L/ha dilué dans une bouillie appliquée à 50 L/ha. J’organise d’ailleurs régulièrement des stages d’une journée durant lesquels je reprends en détail toutes les bases théoriques et j’explique également comment je m’y prends concrètement. »
 

Un mot pour conclure notre échange ?

« Ce que j’aime dans mon métier, c’est la recherche de solution. Quand un accident survient sur une parcelle, je cherche à savoir pourquoi cela s’est produit (une carence, un sol bloquant, un déséquilibre…) et ensuite, je mets en place des actions pour que cet accident ne se reproduise pas. J’ai analysé qu’il existe de nombreuses alternatives à la chimie de synthèse. Même si mon mode de production est stabilisé aujourd’hui, je suis loin d’avoir tout exploré et j’envisage de passer au bio en me basant sur mon système d’agriculture de conservation… »

 
Vous voulez aller plus loin avec Stéphane et qu’il témoigne de son expérience de terrain, retrouvez-le sur la plateforme Agrifind Connexion.
 
 

 

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