Il y a huit jours, un agriculteur a été tabassé par son voisin au motif qu’il épandait un herbicide sur son champ. Depuis, il s’est vu prescrire 8 jours d’interruption de travail (ITT), tandis que la Fdsea et la Chambre d’agriculture de l’Ain envisagent fortement de se porter parties civiles après la plainte déposée par la victime.
Dans l’Ain, un agriculteur a passé un bien sale quart d’heure le dimanche 3 mars. Son voisin l’a (selon les témoignages recueillis non seulement par WikiAgri mais par plusieurs médias) tabassé parce qu’il épandait un herbicide. La victime a porté plainte avant de se voir prescrire huit jours d’ITT.
« J’étais en train de diffuser un désherbant anti graminées sélectif sur mon orge. J’ai vu assez vite que le propriétaire du terrain d’à côté me filmait. En arrivant à sa hauteur, il m’a fait signe de m’arrêter pour me demander des renseignements. Il a voulu savoir ce que je faisais et où j’habitais. Mais je crois qu’il n’a pas aimé ma façon de répondre. Il est vite monté sur le marchepied du tracteur et il m’a frappé avec ses poings. Je n’ai rien pu faire. » Jérôme A (il ne souhaite pas être nommé) n’en est toujours pas revenu. Le dimanche 3 mars, peu après 14 heures, il a donc été victime d’un passage à tabac en règle, sur ses terres de Loyettes, petite localité située aux confins de l’Ain et de l’Isère, non loin de l’aéroport de Lyon Saint-Exupéry.
Résultat, son oreille gauche a été fortement touchée et il s’est vu prescrire huit jours d’ITT. Installé depuis 2005 sur cette propriété agricole de 180 hectares, le céréalier de 47 ans a porté plainte. Quant au voisin irascible, propriétaire d’un chenil sur le terrain contigu et connu pour être un boxeur amateur, il a été entendu par les gendarmes. En octobre dernier déjà, les deux hommes avaient échangé des propos vifs au sujet de l’épandage d’un insecticide. Mais cela en était resté au stade de la simple joute verbale. Voilà pourquoi cette fois, Jérôme A ne comprend toujours pas qu’il ait été la cible d’un tel déchainement de violence.
« Alors que je profitais d’une météo clémente pour que mon travail soit optimum. Pour moi cette histoire, c’est tout le problème de la cohabitation entre urbains et ruraux », estime t-il.
Depuis cette altercation, il reçoit de nombreux soutiens sur les réseaux sociaux, en particulier d’autres agriculteurs. L’association de défense de l’environnement Générations futures dit aussi « condamner cette agression inexcusable », tout en réaffirmant son combat, mais dans les règles, contre l’usage des pesticides.
La chambre d’agriculture de l’Ain envisage de soutenir la plainte en se portant partie civile. Michel Joux, son président, juge « inadmissible ce qui s’est passé. On peut être opposé aux agriculteurs, mais on ne se fait pas justice soi-même. Je suis très inquiet parce que les politiques disent que nous ne sommes pas bons et finalement on a devant nous des petits soldats qui veulent nous dire comment on doit travailler. Ce dénigrement doit s’arrêter, parce que, on ne le sait pas, mais nous avons, nous en France, la meilleure agriculture du monde ! »
De son côté Adrien Bourlez assure lui aussi que la Fdsea de l’Ain qu’il dirige va se porter partie civile également. Et il insiste pour dire que son organisation va redoubler d’efforts, à travers la tenue de conférences en direction du grand public, pour expliquer les pratiques quotidiennes du monde agricole et ainsi tenter de porter un coup d’arrêt à « cet agribashing insupportable que nous subissons. On ne se lève quand même pas le matin pour tuer nos propres animaux et empoisonner les gens ! » s’emporte le syndicaliste.
Car il faut dire que ce nouvel exemple d’incompréhension intervient en pleine polémique sur les pesticides. Une polémique qui génère des actes violents et qui gagne toutes les formes de cultures. Ainsi le 4 juin dernier WikiAgri s’était déjà fait l’écho de l’agression d’un viticulteur avec un fusil de chasse dans les Bouches-du-Rhône, puis de menaces de mort proférées sur un couple d’agriculteurs en Loire-Atlantique qui semait du blé en novembre 2018.
En attendant Jérôme A, lui, se remet de ses émotions. Ce lundi 11 mars, il doit revoir son médecin. D’autant qu’il souffre de séquelles aux cervicales.
Ci-dessous, photo d’archives sans lien avec l’affaire d’un épandage de phytosanitaires.