À l’image du développement de son activité épandage, la stratégie d’investissement de l’ETA Lefevre s’est toujours reposée sur les besoins du marché. Cinq ans après l’acquisition de la première machine, les deux tonnes à lisier Mauguin de 21 000 l sont aujourd’hui attelées près de 11 mois sur 12. Avec un système de canon pour vider les fosses à lisier sans entrer dans les champs et le développement de la méthanisation, l’entreprise a su trouver son modèle économique et sa clientèle pour cette activité.
Avant 2017, l’activité épandage de la SARL Lefevre se résumait à peau de chagrin. Cette ETA, basée à Brécé dans le nord Mayenne, louait une tonne pour épandre les 3000 m³ d’eaux de lavage d’une exploitation de porc en système naisseur sur ses propres terres, et en prestation pour quelques rares clients. C’est en 2017 que Fabrice Lefevre, le dirigeant, entrevoit une opportunité. « Dans un rayon de 15 km autour du siège de l’entreprise, il n’y avait pas d’ETA équipée avec des tonnes. Dans le même temps, les élevages passaient en tout lisier avec les mises aux normes, et les exploitants ne renouvelaient plus leur tonne avec la réglementation à venir sur la fin des buses. C’était le bon moment pour se lancer. En 2018, il aurait déjà été presque trop tard » se souvient-il. Il s’équipe alors d’une tonne du constructeur local Mauguin et vise un petit objectif de 10 000 à 12 000 t de lisier la première année. « En réalité, nous avons fait 17 000 t. La deuxième année, nous avons atteint 35 000 t et la troisième 50 000 t » sourit-il.
Il explique cette hausse d’activité soudaine par un manque d’offres sur son territoire, mais aussi par le bouche-à-oreille dans les campagnes. D’autant plus qu’il a choisi une stratégie innovante pour attaquer le marché de l’épandage. « J’ai fait équiper la tonne d’un canon. L’objectif était de pouvoir épandre depuis la route lorsqu’il n’était pas possible de rentrer dans les champs. Avec les mises aux normes des bâtiments d’élevage, certains éleveurs avaient encore besoin de se caler sur la capacité de la fosse à lisier, et il y avait des demandes urgentes pour éviter les débordements » retrace-t-il. Fabrice Lefevre se souvient que les premiers clients ne le croyaient pas lorsqu’il proposait cette solution au téléphone. Mais très vite, elle fait ses preuves. « Aujourd’hui, je propose toujours cette prestation. Elle est moins utilisée, car les années où il n’est vraiment pas possible de rentrer dans les champs sont moins nombreuses et le télégonflage change aussi la donne. Mais certains clients la demande toujours » assure-t-il.
Le canon possède également un autre atout pour l’utilisation de la tonne. Lorsqu’elle s’embourbe, il permet de la vider en envoyant le lisier à 30 m, évitant ainsi qu’il ne revienne dans les roues, compliquant encore plus la situation.
Fort de ce succès, il investit dans une deuxième tonne en 2019 pour répondre à la demande. « J’ai pris deux tonnes identiques et deux pendillards de 24 m pour éviter d’avoir des préférences chez les clients. Ça facilite la logistique et le planning des chantiers » avoue-t-il. Pour autant, le développement de l’activité en méthanisation devrait le pousser à investir dans un enfouisseur à disque. « Seulement les clients devront comprendre que ce n’est pas le même débit de chantier » commente le mayennais.
Ce débit de chantier justement, il assure le porter entre 8000 et 10000 m³/jour lors de la grosse période d’épandage entre fin mars et début mai. « J’ai adopté un fonctionnement en 2 x 8 h pour les chauffeurs. Avec des journées moins importantes, ils sont plus réactifs sur les pannes, qui arrivent forcément même sur du matériel neuf, et le temps de la passation du midi permet de réaliser un entretien de l’outil. Avant, sur des très grosses journées, le chauffeur se faisait une montagne de la moindre panne » se souvient-il.
Seul inconvénient du système 2 x 8 h, il faut trouver le nombre de chauffeurs adéquat. « Ce n’est pas un problème pour moi. Il y a une bonne ambiance dans l’entreprise et je propose toujours du matériel neuf à mes salariés » témoigne Fabrice Lefevre. Il mène sa politique d’investissement au plus près de ses besoins afin de s’assurer de pouvoir renouveler constamment son parc matériel. « La plupart des ETA ont 13 ou 14 tracteurs, là où j’en ai 10, pour effectuer les mêmes prestations. Les chauffeurs râlent parfois, car cela implique de dételer et d’atteler régulièrement les matériels. Je leur réponds – ok, plus de tracteurs, mais dans ce cas-là, vous n’aurez plus du matériel aussi récent à conduire. Et ils arrêtent de se plaindre » s’amuse le dirigeant de l’ETA Lefevre.
Les tonnes à lisier n’échappent pas à la règle. La première acquise en 2017 a déjà été renouvelée. « C’est le même modèle avec un nouveau bras et un accélérateur de pompage » détaille-t-il. Depuis 6 ans, il ne déroge pas aux modèles à 2 essieux. « Cela permet de rentrer partout, même dans les accès des fermes à 150 m³ qu’il faut vider tous les 3 mois » souligne Fabrice Lefevre. Il reste également prudent face à une tonne trois essieux qui nécessiterait une puissance de traction supérieure. « Quand j’ai investi dans la première Mauguin, je n’avais qu’un tracteur de 300 ch, et je ne voulais pas qu’il soit coincé avec la tonne » rappelle-t-il.
Autre nouveauté depuis 2017, l’ETA s’est attaquée au marché de la méthanisation et a investi dans un camion citerne sur route. « Elle fonctionne six mois par an avec une méthanisation du secteur. Les six mois restants nous permettent de démarcher d’autres installations » rapporte Fabrice Lefevre. Il explique rester en veille sur cette activité de production de gaz qui permet d’établir des contrats à l’année. « Une seconde méthanisation s’est montée dans mon secteur. Je suis allé frapper à la porte pour me faire connaître. J’ai obtenu un rendez-vous pendant lequel j’ai pu expliquer que j’avais de l’expérience dans cette activité, et nous avons trouvé un accord » se félicite-t-il.
À l’image du développement de l’activité épandage, l’entreprise de Fabrice Lefevre s’est construite au gré des opportunités. « En 2008, je me suis lancé avec une machine sur le débroussaillage, essentiellement chez des agriculteurs. À l’époque, je me suis dit qu’il y avait de moins en moins de produit pour désherber, mais que l’herbe allait continuer de pousser. C’était une vraie opportunité » analyse-t-il. Très vite l’entreprise grossie. En 2010, la première pelle pour développer l’activité TP rejoint le parc matériel. « Il fallait que je développe une activité l’hiver pour garder mes salariés » se souvient l’entrepreneur. Le chantier de la LGV Rennes-Le Mans donne un coup de pouce non négligeable à cette activité pour l’entreprise. « Entre 2014 et 2016, nous sommes montés jusqu’à 8 ensembles tracteur-benne pour la LGV » chiffre Fabrice Lefevre. Il développe également l’activité de pulvérisation avec un automoteur avant de l’abandonner. « Je passais plus de temps à faire des papiers qu’à être sur la machine » regrette-t-il. En parallèle, une activité de transport est aussi développée. Elle est séparée dans une entité autonome à partir de 2021. Aujourd’hui, les entreprises de Fabrice Lefevre compte 33 salariés et totalisent un chiffre d’affaires de 4 millions d’euros, réparti à 2,5 millions d’euros pour le TP et l’agricole et 1,5 million d’euros pour le transport. « Je suis dans une phase de consolidation. L’idée n’est pas forcément de continuer à s’agrandir. Surtout quand je vois que mon revenu n’a pas augmenté de manière proportionnelle au chiffre d’affaires en 15 ans » avoue-t-il. Pour autant, le dirigeant mayennais reste à l’affut des opportunités de marché. Une remorque auto-chargeuse vient par exemple se positionner sur les ensilages d’herbe d’automne lorsque les ensileuses sont toutes occupées en maïs. Il a lui-même investi dans une ensileuse pour compléter les prestations de transport et de tassage qu’il proposait déjà.
La Sarl Lefevre est équipée avec deux tonnes à lisier d’une capacité de 21 000 l. Elles possèdent toutes deux un fonctionnement hybride avec un système classique sous pression dans la tonne, mais qui fonctionne également avec les turbines de vidange ou de chargement de la gamme Typhon chez Mauguin. Elles sont équipées d’un DPA et peuvent être vidangées en pente, que ce soit en montée ou en descente. Les deux tonnes sont équipées de rampes à pendillard de 24 m avec coupure pneumatique de tronçon pour travailler en 21 ou 18 m selon les configurations.