jean francois remy

Verdict, le bruit d’un arroseur n’est pas du tapage nocturne

La justice a tranché ! Dans l’affaire de l’agriculteur de l’Aude trainé devant la justice pour tapage nocturne en raison du bruit du cliquetis de son arroseur, le tribunal de Carcassonne a estimé que le bruit était « justifié en raison des contraintes locales de sécheresse ». Jean-François Remy a donc été relaxé. Ouf !

A en juger par les très nombreuses reprises de notre article présentant l’affaire, vous êtes très nombreux à vous sentir concernés par elle. Hé bien, vous pouvez souffler ! Non, finalement, Jean-François Remy n’a pas été condamné pour tapage nocturne. Le juge de proximité du tribunal de Carcassonne a finalement décidé de le relaxer, au motif que le travail nocturne « était justifié en raison des contraintes locales de sécheresse« .

Cette histoire invraisemblable montre tout de même combien les agriculteurs sont à la merci de voisins procéduriers. En l’occurrence, Jean-François Remy, céréalier et viticulteur à Conques-sur-Orbiel (au nord-est de Carcassonne), a vu son voisin le trainer directement devant les tribunaux pour tapage nocturne, sans rechercher le moindre dialogue, en raison du bruit du cliquetis de l’arroseur… Un bruit pourtant « pas vraiment monstrueux », surtout qu’il n’était pas répété toutes les nuits, loin de là, l’arroseur bougeant son matériel (évidemment) sur toute la parcelle…

Une histoire invraisemblable

Au-delà, ce jugement de Carcassonne est intervenu pile au moment où le ministre de l’Agriculture a annoncé son intention de légiférer en direction d’une obligation de travail de nuit pour les agriculteurs, en l’occurrence pour les passages d’insecticides.

Mis bout à bout, la mini affaire micro locale qui aurait presque prêté à sourire (à condition de ne pas être directement concerné quand même) et la décision ministérielle, cela donnait une obligation de travailler la nuit… En s’exposant à une jurisprudence autorisant tout citoyen à attaquer les agriculteurs. La double peine, celle de la pénibilité du travail nocturne, avec des conséquences abracadabrantesques et judiciaires derrière, donc avec risque de sanctions financières sous forme d’amendes ou autres dommages et intérêts.

Une jurisprudence qui fera date

De fait, la jurisprudence en question devient favorable aux agriculteurs. Ils ont le droit de faire (un peu) de bruit la nuit dans le cadre de leur activité, dans certaines conditions exceptionnelles. Ce n’est peut-être pas génial, mais c’est déjà ça. Un rayon de lune dans un ciel noir et chargé.

Au-delà, des questions se posent. Si l’intention ministérielle d’obliger à travailler la nuit se vérifie, ne faudrait-il pas l’assortir d’un minimum de précautions pour protéger les agriculteurs ? Et quelles formes peuvent prendre ces précautions ? Puisqu’il est question de légiférer en faveur du travail de nuit, ne faudrait-il pas que le même texte inclut dans son libellé un paragraphe protégeant l’agriculteur d’un éventuel coup de sang d’un voisin mécontent ?

Les réactions de Jean-François Remy et Christiane Lambert

Jean-François Remy, le principal intéressé, commente ainsi à la fois l’histoire dont il a été victime et le verdict prononcé par le tribunal de Carcassonne, sans oublier de remercier ceux qui l’ont soutenu : « Le verdict a été annoncé en précisant au passage qu’arroser la nuit fait partie des bonnes pratiques culturales. A la sortie, il y avait une manifestation (Ndlr : avec près de 150 agriculteurs). Moi-même, j’étais venu avec mon tracteur. J’ai donc annoncé ma relaxe, et remercier tous ceux qui m’ont soutenu et sont venus manifester. Je leur ai dit aussi que ce qui m’était arrivé pouvait arriver à d’autres. Qu’il est donc très important d’entretenir les meilleures relations que ce soit avec ses voisins, de dialoguer avec eux. Personne n’est à l’abri. Au-delà, concernant le travail la nuit pour les insecticides, il s’agirait pour moi d’une contrainte supplémentaire, sachant par exemple qu’on ne doit déjà pas faire de passage lorsque le vent est supérieur à 20 km/h. Mais si ça devait être acté, alors, au moins, que l’on prenne des dispositions pour éviter que les agriculteurs ne soient accusés de tapage nocturne en répondant aux attentes ministérielles. Enfin, j’aimerais adresser un immense merci à tous ceux qui m’ont soutenu. Ceux que j’ai vus physiquement qui m’ont encouragé. Et aussi tous ceux que je ne connais pas, qui ont participé à leur manière par un partage sur les réseaux sociaux ; ça m’a fait chaud au coeur.« 

Nous avons tenu également à joindre Christiane Lambert, première vice-présidente de la FNSEA, car elle avait, avant le verdict, interpelé le ministre Stéphane Le Foll sur le sujet sur Twitter, de la façon suivante :

Voici donc le commentaire de Christiane Lambert, d’abord par rapport au verdict et à l’affaire : « Ouf, le bon sens a prévalu. Quand on a un agriculteur qui arrose la nuit parce que cela correspond à des bonnes pratiques, de gestion en eau, de préservation de la ressource, il faut le défendre. Faut-il rappeler que l’arrosage est indispensable à nos cultures ? Et le fait d’arroser de nuit, c’est économique, pour la ressource. J’habite personnellement dans un département où il est souvent question de faire attention à l’eau, la première mesure préfectorale qui tombe dans ces cas là, c’est justement d’arroser la nuit. Au-delà, je m’inquiète de la tolérance zéro qui s’installe dans les campagnes. Quand quelqu’un va habiter près d’un aéroport, il ne va pas ensuite se plaindre du bruit. Pareil quand on passe une nuit à l’hôtel à Paris. Mais à la campagne, il faudrait que tout le monde arrête tout. Les nouveaux arrivants n’ont, pour certains en tout cas, strictement aucune tolérance. Et c’est un phénomène inquiétant. Faut-il demander aux maires des communes rurales d’informer les nouveaux arrivants sur les activités de leurs nouveaux voisinages ? Est-ce aux agriculteurs de le faire ? J’ai vu un cas, dans la Drôme, où les agriculteurs le faisaient…« 

Concernant plus directement son apostrophe au ministre, et donc le travail de nuit, Christiane Lambert précise : « Je crains l’arrêté ministériel national. Car la situation n’est pas la même pour tous, les bonnes heures pour utiliser les insecticides en évitant les abeilles ne sont pas forcément identiques chaque jour, et partout. Selon la pluie et le beau temps, le froid et le chaud, les abeilles ne sortent pas forcément au même moment. Or un arrêté national donne les mêmes règles à tous. Alors qu’un rappel à l’ordre au respect des bonnes pratiques peut suffire. Sans parler d’autres problèmes induits : va-t-on demander aux employés communaux ou municipaux de traiter la nuit ? Autre sujet proche, le fait de traiter près des écoles. C’est pourtant simple avec les écoles. Pour éviter les enfants, il faut traiter avant 9 heures le matin ou après 16 h 30 le soir. Pas besoin d’aller au delà. Mais il faut en appeler au bon sens. Les agriculteurs en ont, ils comprennent. Il suffit de leur dire. Doit-on réellement légiférer sur le bon sens ?« 

L’affaire de Jean-François Remy est donc close, mais les débats sur le travail de nuit en agriculture, eux, ne font que commencer !

 

En savoir plus : https://wikiagri.fr/articles/un-agriculteur-proche-de-la-condamnation-pour-avoir-travaille-de-nuit/1127 (notre article qui présentait l’affaire) ; https://wikiagri.fr/articles/les-abeilles-vivent-le-jour-donc-les-agriculteurs-doivent-bosser-la-nuit/1089 (notre précédent article sur le travail de nuit).

 

Les photos qui illustrent cet article ont été prises par les JA de l’Aude (dont Jean-François Remy est président) et montrent la manifestation organisée ce jour devant le tribunal de Carcassonne. Jean-François Remy est l’agriculteur interviewé sur la première photo.

 

1 Commentaire(s)

  1. Le juge a respecté un principe de proportionnalité il a regardé si les inconvénients dues au bruit de l arroseur étaient justifiés dans le cas présent. Il a considéré que la situation de sécheresse pouvait justifier de la part du voisin l acceptation du bruit. Ce qui signifie qu à l inverse dans une autre situation que celle de la sécheresse ce bruit pourrait être disproportionné et donc inacceptable.

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