ffxgwfnpipvqmtqlnw21wsbk9v0p4

Une implantation bien huilée pour le colza

La qualité de la levée et la vigueur au démarrage de la culture implique de réaliser les bons choix en matière de travail du sol, de technique de semis ou de gestion des résidus. L’attention portée au précédent a aussi toute son importance dans la réussite de l’opération. 

La vigueur au démarrage n’est jamais acquise d’une année sur l’autre pour une culture comme le colza. Et même si la plante dispose de possibilités de rattrapage importantes, la qualité d’implantation de la culture est un atout pour limiter la prévalence de cas où des destructions de parcelles doivent être envisagées, pour améliorer la croissance végétative et la valorisation des reliquats azotés. 
Parmi les enjeux d’une bonne implantation du colza, la gestion des résidus n’est pas des moindre. Le colza est en effet une culture d’hiver implantée historiquement très tôt derrière une céréale à paille – le plus souvent une orge, avec une inter-culture très courte. Ce positionnement dans l’assolement n’est pas idéal du fait notamment de la gestion des résidus de paille. Lorsque cela était encore autorisé, les chaumes étaient parfois brûlés dans les régions spécialisées en grandes cultures. Ce brûlage avait pour effet d’éviter les difficultés de démarrage de la culture. Depuis que le brûlage n’est plus possible, les agriculteurs sont de nouveau confrontés à un antagonisme entre décomposition des pailles et levées du colza. Cet antagonisme est souvent attribué à une faim d’azote. Les bactéries qui dégradent la matière organique ont en effet besoin d’azote pour constituer leurs cellules et notamment les précieuses enzymes capables de dégrader les tissus cellulosiques des pailles. Cependant cette théorie de la « faim d’azote » est aujourd’hui remise en cause par certains agronomes. De fait, il apparaît d’une part que les reliquats azotés sont souvent importants à cette période d’implantation des colzas. En outre, les effets des apports d’azote minéral à cette période ne sont pas toujours au rendez-vous pour assurer un meilleur « décollage » des cultures et une meilleure dégradation des chaumes. 
 
 
Deux facteurs antagonistes
Selon l’agronome Francis Bucaille, l’antagonisme observé trouve son origine dans deux autres facteurs (Revitaliser les sols, Dunod, 2020). D’une part, les pailles des céréales à paille contiennent de la coumarine, une substance allélopathique antigerminative, qui est libérée dans les sols lors de la décomposition. D’autre part, les flores de décomposition sont antagonistes des flores de minéralisation et d’assimilation. En bref, les pailles libéreraient des composés antigerminatifs tandis que leur décomposition entraîne également un blocage de la nutrition possible des cultures, faute de minéralisation. 
 
Nouvelles pistes de gestion des résidus
Face à ce double effet « kiss-cool », il peut être conseillé par exemple, d’exporter les pailles avant implantation d’un colza. Pour vérifier le « statut allélopathique du sol », Francis Bucaille préconise le test de germination du cresson alénois. Cette plante à levée très rapide est très sensible aux polluants et autres substances antigerminatives. Un défaut de levée du Cresson met en évidence des problématiques dans le sol de phytotoxicité ou d’inhibition allélopathique qui ne relèvent pas d’une faim d’azote. Dans ces conditions, retarder le semis du colza est une possibilité de gestion de l’allélopathie. En effet, plus la période de l’inter-culture est courte et plus l’allélopathie a des chances de s’exprimer dans la culture de colza. Cependant l’implantation précoce du colza présente des avantages agronomiques qui risquent d’être perdus en cas de semis retardé. Pour lever les effets de l’allélopathie des pailles, l’agronome et agriculteur chilien Carlos Crovetto utilisait une autre voie originale. Il consacrait 1 à 2% de sa SAU à la constitution d’andains de paille mis en maturation sous l’effet des intempéries avant le retour au sol. Une autre piste pour gérer les pailles avant un colza, est de cibler ses pratiques en faveur de la décomposition des pailles par les champignons du sol. En effet, les champignons sont les plus efficaces pour décomposer la matière organique mature comme les pailles et ensuite permettre à la flore d’assimilation de s’exprimer. Dans cette optique, il peut être intéressant d’alléger les programmes phytosanitaires notamment fongicides et de veiller à une bonne porosité et oxygénation du sol en surface. Certains biostimulants pourraient également apporter des solutions techniques pour limiter les effets de l’allélopathie, stimuler les champignons et accélérer la transition du sol vers une dynamique d’assimilation pour la plante. Tout ce qui est de nature à accélérer la décomposition des pailles sera favorable à une meilleure levée du colza. En parallèle, l’usage de plantes compagnes constituées de légumineuses fixatrices de l’azote de l’air représente une solution de plus en plus éprouvée sur le terrain, pour assurer entre autres, une meilleure nutrition de la culture de colza dans ces contextes de précédents de céréales à paille. 
 
 
 
Semis précoce
L’institut technique Terres Inovia préconise de réaliser des semis précoces en situations de sols à faible potentiel, de climat hivernal froid, de semis de plantes compagnes et de risque d’altises adultes. La date de semis visée préconisée est d’une dizaine de jours plus précoce dans les situations de sols superficiels à faible teneur en azote. Dans les sols à fort potentiel, riches en azote et à hiver doux, les semis pourront être retardés pour éviter les risques d’élongation. Sur l’ensemble du territoire national, les dates préconisées pour les semis, s’étagent ainsi sur une vaste plage allant du 1er août au 10 septembre en moyenne selon les conditions spécifiques. Les doses de semis seront plus faibles dans les sols légers et plus fortes en situation à risque, dans les mulchs ou dans les sols avec cailloux.
Une levée rapide et vigoureuse est recherchée pour lutter contre les altises d’hiver et le charançon du bourgeon terminal qui « ont développé plusieurs mécanismes de résistance aux pyréthrinoïdes, constate Terres Inovia. Une levée précoce permettra d’atteindre le stade 4 feuilles avant l’arrivée des grosses altises adultes (souvent le 20-25 septembre) ; à ce stade le colza n’est plus sensible aux morsures d’altises et ne nécessite pas de traitement ». Pour assurer cette vigueur, la gestion des résidus est primordiale (voir plus haut). Par ailleurs des fertilisants en localisé sont souvent préconisés pour leur effet « starter ». En outre, un semis régulier à 1-2 cm voire jusqu’à 4 cm en terre sèche pour viser une zone fraîche, doit permettre une levée rapide et homogène. « Dans tous les cas, ne pas assécher inutilement le sol par des passages répétées (herse, vibroculteur), insiste l’Institut technique des oléoprotéagineux. Rappuyer le sol limite l’évaporation et favorise les remontées capillaires (…). Éviter tout travail du sol dans les 15 jours avant semis pour favoriser la réhumectation en cas de pluie ». 
 
Une levée précoce permettra d’atteindre le stade 4 feuilles avant l’arrivée des grosses altises adultes (souvent le 20-25 septembre) ; à ce stade, le colza n’est plus sensible aux morsures d’altises et ne nécessite pas de traitement ».
 
Anticiper la structure du sol
Différents itinéraires de travail de sol peuvent être envisagés avant le semis d’un colza, du plus intensif au semis direct, en passant par le strip-till ou les techniques culturales simplifiées. « La structure du sol, la gestion des résidus du précédent et du risque bioagresseur (adventice et ravageurs du sol), sont les 3 principaux critères à prendre en compte pour adapter le travail du sol, indique Terres Inovia qui insiste aussi sur le fait que lorsque les pivots sont fourchus ou insuffisamment développés, l’alimentation des colzas en eau et éléments fertilisants est perturbée et la culture est plus sensible aux stress climatiques (printemps secs par exemple) et à la pression des bioagresseurs (adventices, insectes, maladies) ». Concernant le critère de la structure du sol, l’idéal est d’anticiper l’implantation du colza afin de pouvoir profiter de la porosité laissée par la précédente culture. Une évaluation de la structure peut être réalisée de façon anticipée « avant la récolte du précédent quand le sol est encore humide (mars à mai). Le diagnostic peut se faire plus tard mais le diagnostic est plus compliqué en sol sec ». Le travail du sol plus ou moins intensif est vivement conseillé lorsque des tassements sont observés notamment en surface avec absence de porosité et de fissures. 
 
 
Plantes compagnes
Pour un semis d’encore meilleure qualité, il est possible et même conseillé de semer le colza au semoir monograine, plutôt qu’au semoir en ligne, avec des écartements ne dépassant pas les 50 cm. Terres Inovia souligne qu’en conditions difficiles, « le semoir de précision est un plus pour la maîtrise de la densité, de la régularité du positionnement de la graine dans le lit de semences et donc pour l’implantation du peuplement ». Pour sécuriser l’implantation du colza, de plus en plus d’agriculteurs expérimentent des semis avec des plantes compagnes gélives à base de légumineuses comme la féverole, la vesce, la lentille ou le fenugrec. Ces semis amélioreraient le statut azoté de la culture et sa résistance face aux ravageurs. Des essais de biostimulants sont également menés semble-t-il avec succès dans certaines régions notamment à l’Est de la France, pour sécuriser une implantation devenue aléatoire, dans des assolements où la culture revient très régulièrement. 
 
Les plantes compagnes ont un effet protecteur qui a fait ses preuves vis-à-vis de plusieurs ravageurs du colza.
A savoir :  
Le bon choix variétal
Le choix des variétés de colza dépend de différents facteurs dont le potentiel de rendement et la teneur en huile sur laquelle repose la rémunération de la graine. L’institut technique Terres Inovia a développé en ce sens un outil d’aide à la décision sous forme d’application mobile (MyVar) pour bien choisir ses variétés en fonction des différents facteurs. Parmi ces critères, les agriculteurs peuvent avoir intérêt à cibler une résistance au (Phoma) en situations à risque.  Certaines variétés sont également moins sensibles à l’élongation et à la verse. Dans les sols profonds à fort potentiel, des variétés tardives ou semi-tardives seront souvent préférées. Elles permettront de valoriser les réserves utiles en eau avec un potentiel de rendement supérieur. Dans les terres plus superficielles, les variétés précoces ou semi-précoces, sont plus sécurisantes face au risque de manque de disponibilité en eau aux stades les plus critiques de la floraison et du remplissage des siliques. Une stratégie permettant de lisser les risques climatiques à la floraison, est de choisir pour son assolement, des variétés de précocité de floraison différentes. D’autres critères de choix variétal entrent en considération comme la résistance à la hernie des crucifères, au virus de la jaunisse du navet (TuYV) et la teneur en glucosinolates (GLS).
 
Loïc Dufour
 

Article Précédent
Article Suivant