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Le tournesol quitte sa zone de confort

Des filières se développent aujourd’hui dans les bassins des Hauts-de-France, de l’Est, et de la Normandie. La plante offre notamment la possibilité de diversifier la rotation avec une culture de printemps peu gourmande en intrants. Toutefois, la réussite dans ces zones plus froides, dépend de plusieurs paramètres. 

 
Crise géopolitique avec l’agression russe en Ukraine, changement climatique, hausse des cours des huiles, hausse des cours des intrants, disparition de la production de betteraves sucrières dans le bassin bas-normand, conditions d’implantation difficiles des cultures d’hiver, gestion de l’enherbement et nécessité de trouver de nouvelles têtes de rotation, valorisation de terres superficielles impropres à la culture de maïs, création d’un marché local de tourteaux de tournesol riche en protéines pour l’élevage… Il faut bien un inventaire à la Prévert pour expliquer l’intérêt de la culture de tournesol qui est aujourd’hui ravivé au sein des exploitations de grandes cultures. Terres Inovia a en effet constaté en France une hausse des surfaces de 40 % entre 2018 et 2020, avec une progression de 150 % en régions Nord et Est. Une dynamique qui ne s’est pas essoufflée depuis. « Cependant le tournesol est toujours peu présent dans ces zones qui ne comptent que pour 13 % de la sole nationale, contre 47 % pour la zone Centre-Ouest et 40 % pour la zone Sud, complète l’Institut technique des oléagineux et protéagineux. La reconquête de la performance sur cette espèce passe par un rééquilibrage des surfaces des bassins où le tournesol revient (trop) fréquemment dans la rotation (un an sur deux) vers des bassins où il est encore peu présent ». L’Institut propose d’ailleurs un accompagnement spécifique de la production dans les régions Nord et Est via le programme Téo. 
 
Vérifier le marché
Pour développer la culture dans ces nouveaux bassins, plusieurs précautions sont à prendre en compte par les agriculteurs. En termes de marché tout d’abord, même si la demande est semble-t-il forte, il convient pour les producteurs de bien s’assurer que leurs organismes stockeurs disposent de débouchés suffisants et d’une filière de collecte et de séchage bien dimensionnée. En effet, dans les régions septentrionales, le tournesol qui est récolté idéalement au mois de septembre, présente plus de risques de devoir être séché à la récolte pour atteindre une bonne qualité du stockage, sachant que le taux d’humidité cible de la graine à la récolte est de 11%. En outre, il est nécessaire d’équiper la moissonneuse batteuse de dispositifs spécifiques comme des plateaux à tournesol pour la récolte. Le choix variétal doit également correspondre aux débouchés des coopératives. Dans les régions Nord et Est de la France, les variétés cultivées sont souvent des variétés « oléiques » précoces dont le marché est plus étroit que pour le tournesol linoléique qui représente l’essentiel de la collecte française. Il existe par ailleurs des variétés pour des niches confidentielles comme l’oisellerie, ou pour les filières de décorticage pour l’alimentation humaine. Dans tous les cas, il ne faut pas mélanger les variétés au semis ou à la récolte, au risque d’un déclassement de ses lots. 
 
Combiner les précocités 
Le principal facteur limitant de la culture du tournesol dans les régions septentrionales est la date de récolte dont le risque est qu’elle soit trop tardive. La récolte doit intervenir « avant les périodes souvent fraîches et humides de l’automne, qui rendent ce chantier hasardeux et compromettent la qualité d’implantation de la culture suivante, en particulier de la céréale à paille d’hiver », souligne Terres Inovia. « Il faut viser une date de récolte entre fin septembre et mi-octobre maximum, dans ces régions septentrionales, souligne Benjamin Delhaye, ingénieur développement Terres Inovia, correspondant agriculture biologique pour la zone Nord & Est. Pour cela, nous avons modélisé la capacité des terroirs agricoles de l’Est et du Nord de la France à recevoir une culture de tournesol dans de bonnes conditions jusqu’à la récolte. Il en ressort que dans 80 % des situations la récolte du tournesol est possible à une date souhaitable. Ces résultats nous confortent dans l’idée que nous pouvons développer la culture dans ces régions ». Avec le réchauffement climatique, l’avancement des dates de récolte possible a été très notable sur la période 2015/2019, en comparaison de la période 2000 à 2014, selon le modèle de l’Institut technique  (1). 
Pour avancer au maximum la date de récolte, il convient de choisir des variétés précoces et très précoces. Ces variétés présentent un besoin de cumul de degrés jours en base six (seuls les degrés supérieurs à + 6°C sont comptés) jusqu’à maturité de 1500  jours contre 1700 pour les plus tardives. Pour maximiser ses chances de récolter tôt, ou dans l’optique de cultiver des variétés tardives aux meilleurs rendements, il peut être tentant d’avancer la date de semis. Cette stratégie peut être assez risquée. En effet, il est reconnu que 80 % de la réussite de la culture de tournesol se joue au semis. C’est pourquoi il est très fortement conseillé d’attendre que les conditions d’une levée rapide soient présentes, à savoir un minimum de 8°C de température du sol à la profondeur de semis (5 cm), selon Terres Inovia. « En conventionnel, les semis dans les régions septentrionales seront le plus souvent réalisés entre mi-avril et fin avril sur un sol parfaitement ressuyé et suffisamment réchauffé (8°C à 5 cm de profondeur), explique Benjamin Delhaye. En agriculture biologique, le semis sera souvent retardé de fin avril jusqu’à mi-mai, du fait de la réalisation de faux semis ».
 
Benjamin Delhaye, ingénieur développement Terres Inovia, correspondant agriculture biologique pour la zone Nord & Est (Terres Inovia)
 
Quinze jours pour lever
Pour réaliser le semis, les semoirs de précision monograine avec écartement réduits à 45-60 cm, seront très bien valorisés dans le cadre d’une culture de tournesol. Toutefois un semis au semoir à céréales classique est également envisageable en escamotant un rang sur deux pour viser un inter-rang de 30 cm minimum. L’intervalle optimal conseillé est de 45 cm. Un écartement de 60 cm est moins optimal pour la couverture foliaire, mais il est réputé réduire la pression en maladies. Un écartement « typé maïs » à 80 cm est en revanche déconseillé du fait d’un trop fort rapprochement des semences sur le rang pour une même consigne de peuplement à l’hectare. Une fois semée, le principal risque pour la culture est la déprédation des semences avec des dégâts de pigeons (ramiers principalement), de corvidés, et de lièvres selon les secteurs. « Face à cela, il n’y a pas de solution miracle. Le levier agronomique, pour agir sur la rapidité de levée, est encore la solution la plus efficace, avec si possible un semis en même temps que vos voisins, à quoi s’ajoute la présence humaine », souligne Benjamin Delhaye. Dans les régions Nord et Est étudiées par l’Institut technique, « il s’est écoulé en moyenne 15 jours entre le semis et la levée. Et, entre le semis et la récolte, il s’est écoulé 135 jours pour le semis « normal » mais seulement 123 jours pour le semis « tardif », soit 30 jours de moins ».
 
Peu de solutions starter
Contrairement au maïs, l’application d’un engrais starter, ou d’outils de biocontrôle en situation froide sur les semis de tournesol présenterait peu d’effet positif. Certains biostimulants sont homologués pour favoriser une nutrition précoce de la plantule et sont réputés pour favoriser des levées rapides et homogènes. Ces solutions sont encore peu documentées par les instituts techniques. Cependant, de plus en plus de distributeurs coopératives ou négoce développent des expertises techniques sur des produits qui pourraient apporter des éléments de solutions dans ces régions septentrionales, où l’enjeu de la réussite du semis est encore plus élevé, afin de profiter au maximum des degrés-jours efficaces et ainsi ne pas retarder les dates de récoltes.
Pour gérer les adventices, une stratégie de désherbage en deux temps, post-semis et prélevée contre les graminées, les dicotylédones et l’orobanche donne de bons résultats. Le tournesol est aussi une culture qui se désherbe très bien mécaniquement, à condition de ne pas avancer trop vite avec certains matériels, pour éviter de détruire les tiges qui sont cassantes. 
La culture est peu gourmande en engrais. Selon les situations, les apports d’azote préconisés varient de 0 à 80 unités. Ces apports doivent être raisonnés pour éviter le risque d’exubérance végétative et de verse, sachant que le tournesol dispose d’un puissant pivot racinaire capable d’explorer les minéraux en profondeur. La culture – dont les besoins en azote sont maximums au stade 5 feuilles, semble par ailleurs bien tirer parti de l’épandage de bactéries libres fixatrices d’azote de l’air en remplacement, ou en réduction des apports azotés. Certains distributeurs, comme le négoce Hermouet, accompagnent les producteurs de tournesol dans cette direction. Le tournesol est cependant sensible à la carence en bore. Il peut donc être nécessaire de réaliser un apport en terre, ou en foliaire au stade 10 feuilles par une application de 300 à 500 g par hectare si le sol est sensible à une carence en bore. Travailler sur une bonne structure de sol et des enracinements profonds est un autre levier pour prévenir les carences en bore. 
 
Il est très fortement conseillé d’attendre que les conditions d’une levée rapide soit présente, à savoir un minimum de 8° C de température du sol à la profondeur de semis (5 cm).
 
+ D’infos : 

« Une culture dans l’ère du temps » 
« La culture du tournesol réclame très peu d’engrais azotés et très peu de protection phytosanitaire. Elle est très bien adaptée à une gestion mécanique du désherbage. Le tournesol répond par ailleurs à des enjeux de changement climatique notamment dans des terres superficielles où la plupart des cultures d’été sont inenvisageables. Dans ces situations, la culture du tournesol rompt le cycle des bioagresseurs et des adventices associés aux cultures d’hiver. Pour toutes ces raisons, le tournesol est très intéressant comme culture dans les zones à enjeu environnemental telles que les zones de captage. Il s’adapte très bien aux conduites en agriculture biologique. La plante est par ailleurs une ressource clé pour les insectes pollinisateurs en période estivale. De plus le tournesol entre dans les filières de production d’huile et donc de tourteaux riches en protéines. Il peut participer ainsi activement à la consolidation de filières locales d’élevage ». 
 
Loïc Dufour
 
 
Le tournesol a une action positive sur les pollinisateurs.    
 
 
L’intervalle optimal conseillé est de 45 cm. Un écartement de 60 cm est moins optimal pour la couverture foliaire, mais il est réputé réduire la pression en maladies.

 

 

                

 

 

 

 

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