Depuis quarante ans, le gaec Maris de Ladignac-le-Long en Haute-Vienne produit du lait et une gamme de produits laitiers biologiques. Des porcs sont aussi élevés pour valoriser le petit lait de l’exploitation. L’ensemble des produits commercialisés est réputé jusqu’en Dordogne pour leur qualité. Ils sont entre autres vendus sur les marchés et sur l’exploitation dans une boutique.
Le gaec Maris, géré par Pascal (36 ans) et AnJa Maris (64 ans), s’étend sur 240 ha et élève 150 vaches laitières et leur suite. Quinze salariés sont employés à temps plein.
Mais depuis un an, « nous n’avons plus de trésorerie, 100 000 € de factures sont impayées et le compte bancaire du gaec est à découvert », ragent les gérants du gaec interrogés par Wikiagri.
La raison : « le droit de vie ou de mort sur les élevages de la Direction départementale de l’emploi, du travail, des solidarités et de la protection des populations (DDETSPP) de Haute Vienne ! », affirme Pascal.
Le 19 décembre 2023, elle a mis sous surveillance le gaec et contraint ses membres de cesser la commercialisation du lait produit. La société perdait alors plusieurs milliers d’euros par jour. Plus un seul fromage n’a pu être produit.
Selon la DDETSPP, sept vaches et génisses étaient alors douteuses ou positives aux tests de détection de la tuberculose bovine effectués sur les 300 bovins de l’exploitation.
Trois semaines plus tard, le Service de protection des populations a même décidé l’abattage des animaux de l’exploitation car elle a affirmé qu’une des six vaches testées « douteuses » était réellement porteuse de la tuberculose.
La solution alors trouvée pour maintenir l’activité fromagère du gaec a été l’achat de lait bio à des fermes tierces et l’acquisition de citernes de refroidissement pour le stocker.
Mais le 17 janvier «Mr Pesneau, le préfet de Haute-Vienne, nous a annoncé la levée sous surveillance de notre troupeau car une erreur avait été commise par le laboratoire de la DDETSPP. La vache positive aux tests dépistage de la tuberculose était finalement négative, explique Pascal Maris. Lors de l’analyse, l’échantillon prélevé sur notre vache a été contaminé par d’autres prélèvements infectés».
Le gaec a alors pu reprendre son activité d’élevage et transformer le lait trait mais il était proche de la banqueroute.
« La société a perdu plus de 230 000 € a estimé la Chambre d’agriculture de Haute Vienne », affirme Pascal Maris. Selon lui, ce montant découle d’une étude réalisée par la Chambre départementale d’agriculture.
« Pendant le mois qui s’était écoulé, 60 000 € de produits laitiers n’ont pu être vendus alors que nous avions dû régler les salaires des fromagers (11 000 €) », rapporte Maëlle Desblés, salariée du gaec depuis quatre ans.
A ces pertes s’ajoute, le lait que les 6 vaches abattues pour dépister la tuberculose n’ont plus produit (19 000 €). En revanche, leurs carcasses ont été vendues et la laiterie a indemnisé au prix de base le lait que le gaec n’a pas pu livrer durant le mois de surveillance.
Par ailleurs, l’acquisition contrainte des citernes de refroidissement du lait, nécessaires pour poursuivre la production fromagère, était devenu un investissement inutile de 21 000 €.
« Mais la perte économique la plus importante a été, en termes d’image auprès de nos clients, l’impact causé par la mise en surveillance et l’erreur de dépistage, explique la salariée. Elle équivalait à 15 % du chiffre d’affaires annuel selon la chambre d’agriculture, soit plus de 140 000 € ».
Depuis un an Pascal et Anja bataillent pour en savoir plus sur l’erreur commise par la DDETSPP et surtout pour être indemnisés.
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« Non seulement le laboratoire a commis une erreur lors des manipulations des échantillons mais la DDETSPP a affirmé que notre troupeau était contaminé alors qu’il n’avait pas en possession des résultats finaux, expliquent les gérants du gaec. D’ailleurs, les rapports d’analyses présentés le 16 janvier dernier n’étaient ni validés, ni signés et ceux de l’ANSES étaient en limite de détection ».
Quant à l’indemnisation des 230 000 € de pertes, les éleveurs se sont retrouvés de nouveau livrés à eux-mêmes pour faire valoir leurs droits. Ils n’ont pu compter sur le soutien des services de l’Etat pour obtenir une compensation alors que la DDETSPP est responsable de leurs pertes.
Dès que nous avons pu reprendre notre activité, « le préfet du département a affirmé qu’il porte nos intérêts au mieux devant le ministère de l’agriculture ». Mais avec quatre gouvernements en un an et deux ministres de l’agriculture, le dossier d’indemnisation du Gaec Maris est la dernière des priorités des services de l’Etat alors que la société ne parvient toujours pas à honorer ses factures. Elle est même au bord de la banqueroute !
« Le 7 janvier dernier, soit presque un an plus tard, Mr Pesneau nous informe que le ministère de l’Agriculture a refusé notre demande d’indemnisation à l’amiable», rage Pascal. Aussi l’affaire des dépistages erronés de la DDETSPP de Haute-Vienne sera portée en justice avec des mois de procédure en vue.
« Nous sommes sidérés par le manque de responsabilité des services de l’Etat qui mettent à mal des exploitations, qui balayent le travail d’une vie, tout cela sans aucun fondement et sans aucunes répercussions », soutiennent encore Anja et Pascal.
Une lueur d’espérance cependant en cette fin du mois de janvier, la promesse d’un prochain rendez-vous des éleveurs au ministère de l’Agriculture dans les prochaines semaines !