sikkim agriculteur

Toute une région indienne 100 pour 100 bio

En Inde, l’Etat du Sikkim (Himalaya) est devenu la première région où l’agriculture est exclusivement biologique. Au-delà du symbole, le pays est en passe de devenir un producteur incontournable de produits bios. Serait-ce la seconde « révolution verte » indienne ?

En 2003, le gouvernement du Sikkim (dirigé par Pawan Chamling) a décidé de convertir l’intégralité du territoire à l’agriculture biologique. Il applique ainsi le « programme national pour l’agriculture biologique », chargé d’intégrer les standards internationaux CODEX ou IFOAM (International Foundation for Organic Agriculture). Aujourd’hui, les standards indiens sont notamment reconnus par l’Union européenne, la Suisse et les Etats-Unis.

75 000 hectares totalement bio

Etat de l’Himalaya, le Sikkim possède une biodiversité remarquable : 30 % de ce territoire forestier sont classés en réserve. Cependant, les équilibres sont fortement menacés par le changement climatique et une volonté collective d’exemplarité a émergé, aboutissant à des mesures écologiques radicales (le centre-ville de Gangtok – la capitale – est interdit aux voitures et les sacs en plastique ont été éradiqués !). Pour passer au 100 % bio, l’importation de produits chimiques agricoles a été restreinte, puis leur utilisation tout bonnement interdite. En outre, leur usage était déjà faible dans ces exploitations familiales et traditionnelles. En janvier, Le Premier ministre Narendra Modi a donc annoncé que la totalité des 75 000 hectares de terres agricoles sont certifiés bio.

L’enjeu est également touristique, puisque des tours opérateurs proposent aux touristes de cueillir et cuisiner les légumes bios des fermes du Sikkim. C’est donc une démarche globale qui se poursuit : depuis 1997, le gouvernement du Sikkim s’est aussi fortement engagé dans l’éco-tourisme, la reforestation et les énergies renouvelables.

Des infrastructures en développement

Grâce à la diversité des terres et du climat (à la fois tempéré, montagnard et tropical), la région du Sikkim produirait environ 80 000 tonnes de produits agricoles : cardamone, gingembre, curcuma, légumes de saison, fleurs, mandarines, kiwis, sarrasin, maïs et millet.

La région compte 62 000 familles productrices qui possèdent moins de deux hectares de terres. Des certifications groupées ont été réalisées pour permettre l’accès au label pour tous. De plus, les agriculteurs ont eu accès à des formations continues et un nouveau diplôme d’agriculture biologique (dispensé par l’Indira Gandhi National Open University). Pour les encourager sur la voie du bio, l’Etat a développé des infrastructures. Le transport et la commercialisation des produits ont été ainsi grandement améliorés. Une usine de fertilisants bios a même été installée dans le village de Majitar pour remplacer les amendements traditionnels.

L’Inde devient un poids lourds du bio

Cette dynamique régionale traduit une orientation nationale plutôt offensive. En 2014, l’Inde a produit 1,24 millions de tonnes de produits bios : riz basmati, épices, fruits secs, miel, thé, céréales, coton (le pays fournirait 74% du coton bio mondial)… Le marché intérieur progresse petit à petit, de même que les exportations : les Indiens ont exporté 135 produits bio différents dans le monde pour un montant de 403 millions d’US $. L’Europe représente la moitié des volumes, puis viennent le Canada, les Etats-Unis et l’Asie. Les exportations sont gérées par l’Autorité de Développement de l’Exportation de Denrées Alimentaires (APEDA, organisme d’Etat) qui a également pour mission de développer le marketing de ces produits bio, de réguler les productions et de mettre en place un réseau de fermes pilotes.

En 2014, l’Inde comptabilisait 4,72 millions d’hectares certifiés (dont « seulement » 0,72 millions cultivables), ce qui le plaçait à la dixième place mondiale selon l’IFOAM. La progression ne va pas ralentir, puisque de nombreux autres Etats (Mizoram, Arunachal Pradesh et le Kerala) se sont engagés à devenir entièrement bio à leur tour dans les prochaines années. Déjà en 2012, le salon international Biofach avait mis à l’honneur les producteurs indiens.

 

En savoir plus : http://actuinde.com/2013/08/21/en-inde-letat-du-sikkim-a-fait-le-pari-de-lagriculture-bio (reportage sur le site ActuInde) ; www.sikkim.gov.in/portal/portal/StatePortal/Government/SikkimOrganicMission (présentation du projet sur le site du gouvernement de l’Etat de Sikkim) ; http://actuinde.com/2013/02/10/agriculture-biologique-en-inde-une-croissance-saine-2 (dossier sur l’agriculture bio en Inde) ; http://base.d-p-h.info/fr/fiches/dph/fiche-dph-8401.html (portrait de Kavita Mukhi, pionnière du commerce alimentaire bio en Inde).

L’illustration de cet article est issue de cette vidéo, où vous découvrirez de nombreuses images de l’agriculture du Sikkim :

3 Commentaire(s)

  1. en 2014 l’Inde comptait 1.24 milliard d’habitants et produisait 1.24 million de tonnes de produits bio ( dont une part non négligeable de coton) soit exactement 1 kg par habitant pour toute une année …. : le « marché intérieur » est donc loin d’être couvert et il est fort à parier que ce n’est pas l’objectif principal visé par les investisseurs et le gouvernement .

    Exemple :
    pourquoi créer une usine de fertilisants bios pour remplacer les amendements traditionnels ? cela sous entend que ces amendements « traditionnels » ne sont pas « bio » (ce qui paraît étonnant) : dès que l’on commence à mettre les producteurs en dépendance d’une usine en amont , la propriété de la filière est « appropriée » par l’extérieur (même si c’est au départ une coopérative, on connait la dérive de ce type d’outil ….) et le produit (et le label) échappe au producteur … type « Reflet de France » et/ou filière bio « Carrefour »…

  2. Merci pour votre commentaire. Le marché bio intérieur indien est plutôt destiné à une certaine élite urbaine et à l’export. Difficile de savoir quel est l’objectif réel de la démarche, mais au final, la région du Sikkim retrouve de la richesse (un peu au profit des agriculteurs sans doute, probablement bien plus au profit de l’aval…). Concernant les engrais, c’est une coquille : je voulais dire « conventionnels » au lieu de « traditionnels »…

  3. J’ai un peu l’impression que cet état montagneux, fortement boisé et peu peuplé de l’Himalaya, mal desservi par les transports, a longtemps vécu en auto-subsistance agricole et que son agriculture traditionnelle familiale est de type biologique par essence. Labelliser son agriculture en « bio » et miser sur l’écotourisme me paraît donc une stratégie allant de soi et quasi sans risque.

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