Au-delà de la réédition en livre de poche (chez J’ai Lu) de « Tu m’as laissée en vie », quel impact a pu avoir ce livre, ou les autres initiatives pour le lever le tabou, sur la perception du suicide paysan en France ? Aujourd’hui, tout le monde sait, mais rien ne change…
« Tu m’as laissée en vie », ouvrage dont je suis coauteur avec Camille Beaurain sur sa vie d’une femme devenue veuve à 24 ans après le suicide de son mari éleveur de porcs, a connu un fort engouement depuis sa sortie en septembre 2019. A tel point qu’il est désormais réédité au format ‘livre de poche’, aux éditions J’ai Lu (et toujours disponible en édition originale au Cherche Midi). Evidemment, j’éprouve de la fierté, tous les ouvrages ne sont pas réédités en livre de poche. Je pense bien sûr à Camille, elle qui a crié qu’Augustin, son mari, a été tué plus qu’il n’a commis l’acte lui-même, poussé à l’extrême par tant de « partenaires », familiaux et professionnels, qui se sont montrés inhumains. Elle l’a exprimé par ma plume dans le livre, puis par elle-même dans de nombreux médias, émouvant à chaque fois auditoire, téléspectateurs…
Ce livre a donc contribué (et va donc continuer grâce à cette réédition en format « grand public ») à faire connaître (l’une de) ces situations de désespoir qui s’emparent des paysans, dans une profonde indifférence générale. Bien sûr, il ne s’agit que de l’une des initiatives dans ce sens, après celles de Jacques Jeffredo, Patrick Maurin, ou Dominique Pipet, pour ne citer que quelques exemples. Et évidemment sans oublier le film d’Edouard Bergeon avec Guillaume Canet, « Au nom de la terre », dont le succès cinématographique de l’automne dernier a mis en pleine lumière le suicide paysan.
Aujourd’hui, c’est une évidence, tout le monde sait. Urbains comme ruraux ont identifié qu’il existe une corporation où l’on se suicide plus que dans les autres. Et qui plus est, ils ont un accès grand public, par le film d’Edouard Bergeon (même si l’autobiographie a été romancée, mais si peu finalement…) mais aussi par mon livre avec Camille Beaurain (là, que des faits), à des exemples précis, à visage humain…
Pour autant qu’est-ce qui change ? Que deviennent les missions parlementaires d’information sur ce phénomène de suicide agricole du Sénat, et de l’Assemblée nationale ? Laissées de côté, comme tant d’autres sujets, lors du confinement, vont-elles reprendre et arriver à terme ?
Car pendant ce temps, pendant que l’on trouve encore et toujours matière à avancer sur d’autres sujets que sur celui-ci, la situation dramatique de nombreux paysans se poursuit et s’amplifie. Ce qui était dénoncé, en particulier dans « Tu m’as laissée en vie », reste pratique courante.
Je sais qu’il existe une coopérative agricole au moins qui applique un taux de 9 % aux agriculteurs en retard de paiement après cette année 2020 à la météo dramatique pour les cultures. Qui, en d’autres termes, participe à enfoncer davantage ceux qui viennent de subir un coup dur. Cela, pour assurer son train de vie, qui n’a cessé de croitre pendant que le nombre d’agriculteurs diminuait. Est-ce le rôle d’une coopérative agricole censée être l’un des partenaires privilégiés des travailleurs de la terre ? Evidemment, toutes ne sont pas dans ce cas, et il faut éviter de généraliser. Mais le fait qu’il en existe au moins une, c’est déjà trop.
Je sais également que certains centres de gestion ont augmenté leurs tarifs de près de 30 % d’une année sur l’autre, sans que rien dans la prestation, basique, ne le justifie. Pareil, est-ce leur vocation de s’engraisser jusqu’à mettre dans le rouge ceux qui les nourrissent deux fois, dans l’assiette et économiquement ?
Idem pour les banques, où dans certaines agences au moins les comportements déshumanisés n’ont jamais cessé à l’encontre des « vaches à lait » de la production agricole. Encore récemment, il m’a été fait part d’un cas précis en Bretagne…
Je le répète, tout ce qui est dénoncé dans l’ouvrage demeure d’une brûlante actualité. Enormément de « partenaires » de l’agriculture, censés aider les paysans dans leur effort de production, pensent désormais à leur propre confort matériel. Oubliant qui les a créés, qui les fait vivre, qui parvient encore à vivre (malgré eux) pour les faire vivre…
Le grand chantier d’un rééquilibrage du partage de la valeur économique, et de la réintroduction de valeurs humaines au sein d’échanges qui au fil du temps ne sont devenus que commerciaux, ce grand chantier qui voit souvent des syndicats agricoles s’en prendre à la distribution ou aux transformateurs privés mais en occultant les autres maillons de la chaine alimentaire pourtant tout aussi responsables des déséquilibres (ce que l’on a vu lors des états généraux de l’alimentation par exemple), ce grand chantier de l’ensemble des valeurs qui régissent notre société jusqu’à son agriculture, quand va-t-on se décider à l’ouvrir ?
L’image ci-dessous est issue de Adobe.
Il n'y a pas de commentaires pour le moment. Soyez le premier à participer !
Julien Bayou secrétaire général d’EELV a été au salon de l’agriculture 2020 pour répéter une fois de plus que l’agriculture détruisait la planète …
Non seulement il s’enfonce dans ses mensonges de collapsologue dépressif, mais il participe activement à la désertification de nos campagnes au profit de villes de plus en plus grandes !
L’agriculture est la seule activité économique à pouvoir rétablir rapidement le climat tout en nourrissant l’humanité, à condition de lui donner toute l’eau dont elle a besoin et qui lui revient de droit !