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Suicide agricole, les actions se diversifient face à un fléau qui demeure

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La marche citoyenne de Patrick Maurin a pris fin là où commençait la journée dédiée aux familles d'agriculteurs suicidés, ce dimanche, à Sainte-Anne d'Auray. Les actions se multiplient pour dénoncer ce phénomène catastrophique du suicide agricole qui, malheureusement, se poursuit chaque année avec son lot de témoignages invraisemblables.

Chaque année depuis 2015, les familles qui ont souffert de la disparition d'un être cher par suicide en agriculture cherchent écoute et réconfort le deuxième dimanche d'octobre à Sainte-Anne d'Auray. Chaque année, ceux qui suivent cette manifestation pensent avoir atteint le paroxysme de l'horreur, de ce qui ne doit plus exister, espèrent qu'enfin le tabou se lève sur ce phénomène de façon à ce que des moyens soient donnés pour tenter, sinon d'en venir à bout, au moins de le minimiser. Et chaque année, pourtant, de nouveaux témoignages rapportent des faits récents accablants, catastrophiques...

Lire également :
"Ne vous suicidez pas", l'appel qui sera lancé aux agriculteurs ce 14 octobre 2018

Que dire de la présence de la famille de cet agriculteur qui s'est pendu devant une Safer, comme pour désigner le coupable, à une heure d'ouverture des bureaux et donc devant des témoins, sans que personne n'intervienne ? Pas plus pour l'instant, car une action judiciaire est en cours, et cette famille préfère attendre cette échéance avant de s'exprimer pleinement. Mais clairement, si les faits se sont effectivement déroulés comme elle le signifiait dans les débats de l'après-midi, il y a de quoi s'interroger non seulement sur ce phénomène du suicide agricole, mais également sur notre société entière...

La marche citoyenne très suivie médiatiquement

Pourtant, les actions de sensibilisation se sont multipliées cette année. La journée organisée par Jacques Jeffredo a ainsi trouvé le soutien de la marche citoyenne de Patrick Maurin, ce conseiller municipal de Marmande venu à pied en parcourant 540 kilomètres en 22 jours et autant d'étapes. La dernière étape, le matin avant la messe, arrivait donc devant la basilique Sainte Anne où elle était donnée. Partis à une trentaine pour accompagner Patrick Maurin au départ, les marcheurs n'ont cessé de gonfler leurs rangs arrivant à plus d'une cinquantaine sur place, là où des dizaines d'autres les attendait. En évitant les banderoles trop voyantes car le sujet ne se prête pas à la récupération syndicale, la Coordination rurale a clairement montré son attachement à cette cause, avec plusieurs de ses membres ayant fait le déplacement, parfois de plusieurs centaines de kilomètres. Mais les agriculteurs venaient aussi d'autres horizons.

Selon Patrick Maurin, tirant le bilan de sa marche citoyenne, la cause visant à freiner la fréquence des suicides en agriculture "ne peut pas s'arrêter là. J'ai rencontré tout au long de mon parcours une misère humaine qui a dépassé ce à quoi je m'attendais". Son action a été reprise dans de nombreux médias. Il a conscience de faire partie, désormais, des lanceurs d'alerte sur le sujet.

L'église également, suit ce mouvement. L'évêque de Vannes, Mgr Centène, qui avait déjà prononcé l'homélie de la messe de 2015, est revenu cette année montrant tout l'attachement de l'église à l'accompagnement des familles endeuillées.

"L'argent est un outil,
l'outil est fait pour servir l'homme,
et non l'inverse"

Pour l'anecdote, alors qu'il terminait son intervention en évoquant les dangers de l'argent, je me trouvais à côté d'un homme qui murmurait entre ses dents : "C'est pas vrai, il ne l'a pas dit, il n'a pas été au bout..." En questionnant ce voisin à l'issue de l'office, il me répondit : "Il (Ndlr : l'évêque) aurait dû dire : l'argent est un outil, l'outil est fait pour servir l'homme, et non l'inverse..." Ce monsieur n'était pas agriculteur, mais avait été pompier volontaire quelques années plus tôt, "et des agriculteurs, j'en ai ramassé en baie de Quiberon, il y en a eu des suicides..." Et j'avoue que sa façon de résumer l'un des pires maux de notre société en une seule phrase m'a marqué, et je vous la fais donc partager ici.

Des témoignages poignants

Au niveau des personnalités politiques présentes ce 14 octobre à Sainte-Anne d'Auray, le député local Jimmy Pahun (Rem) s'était fait représenter par sa suppléante, le conseiller municipal de Courbevoie Arash Derambarsh, déjà présent l'année dernière, a à nouveau fait le déplacement. Citons également Marie De Blic (également déjà venue l'année dernière) du PCD (parti chrétien démocrate), une conseillère régionale RN et un représentant local de DLF... Par ailleurs, Jacqueline Deneuve est venue porter un message de solidarité de Jean Lassalle.

Lors des débats de l'après-midi, avec plus de 80 agriculteurs dans la salle, les témoignages poignants se sont succédés, à l'invitation de Jacques Jeffredo. Outre celui cité en introduction à cet article, nous pouvons évoquer ce jeune homme de 24 ans venu des Vosges racontant comment plusieurs de ses voisins ont disparu, et lisant au passage une lettre rédigée par son père pour l'occasion particulièrement émouvante (voir la vidéo en fin d'article). Également cette dame très digne racontant les départs, toujours sur suicides, de plusieurs membres de sa famille, dont un de ses fils... Elle disait aussi qu'il lui avait manqué un lieu où parler, un groupe de paroles, pour pouvoir partager sa peine.

Une multiplication des actions pour lever le tabou sur ce phénomène

La particularité de la quatrième édition de cette journée d'hommage aux familles endeuillées réside dans le fait que les modes d'action pour lever le tabou se diversifient. Egalement dans le regroupement des lanceurs d'alerte. Dominique Pipet, auteur de plusieurs actions chez lui à Charroux dans l'Allier, ou même à Paris sous l'Arc de Triomphe, a accompagné Patrick Maurin sur plusieurs étapes, et est donc venu à Sainte-Anne d'Auray brandir sa fourche avec la mention "non au génocide paysan". Il est également intervenu dans une vidéo réalisée par Ouest-France que nous partageons ci-dessous.

La réussite médiatique de sa marche citoyenne fait penser à Patrick Maurin qu'il doit mener une nouvelle action du même type, sans doute en d'autres lieux, à laquelle il réfléchit déjà.

Sur les réseaux sociaux, les initiatives se multiplient. WikiAgri avait évoqué en son temps un groupe de parole au féminin sur Facebook intitulé Paroles d'agricultrices face à la crise, il approche le millier de membres désormais. Au lendemain de la journée du 14 octobre, désolée de n'avoir pu s'y rendre, la viticultrice provençale Milie Marin a créé la page Facebook SOS agricole. Entre autres exemples, il existe d'autres lieux du même type sur Facebook.

Ci-dessous, vidéo montrant un jeune agriculteur des Vosges lisant un courrier adressé par son père à l'assemblée pour dénoncer le suicide des agriculteurs de son secteur géographique.

Ci-dessous, vidéo réalisée par Ouest-France ce 14 octobre.

Patrick Maurin, Jacques Jeffredo et Dominique Pipet, trois lanceurs d'alerte pour dénoncer un même fléau, le suicide agricole.

Ci-dessous, lors de la dernière étape de sa marche citoyenne, à quelques kilomètres de Sainte-Anne d'Auray, Patrick Maurin répond à différentes sollicitations l'encourageant dans son entreprise.

Ci-dessous, quand la marche passe devant un cimetière...

Ci-dessous, la pluie n'a pas arrêté ceux qui veulent dénoncer le phénomène du suicide agricole.

Ci-dessous, avant l'office, l'évêque de vannes, Mgr Centène, accueille Patrick Maurin.

Ci-dessous, également à l'office, Arash Derambarsh, Marie De Blic, Jacques Jeffredo.

Ci-dessous, plus de 80 agriculteurs ont assisté aux débats de l'après-midi.

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Auteur : Jeandey Antoine
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Journaliste professionnel depuis 1987. Rédacteur en chef de WikiAgri depuis sa création, en janvier 2012. Par ailleurs élu, adjoint au maire de Chaudon (comm...

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  • 1Commentaire
  • #1

    Le métier d'agriculteur évolue. Il est temps de sortir des traditions; des exploitations ne sont plus rentables et elles sont très nombreuses. Il faut le dire, il faut le dénoncer car la conjoncture est ainsi et il est inenvisageable de la changer. Nous ne sommes plus au marché local mais au marché mondial. Nombreuses de nos structures ne tiennent plus la route. La franc a 50 ans de retard, on marmonne sur des concepts dépassés. Lorsqu'un marchand de chaussure ferme boutique c'est parce qu'elle n'est plus rentable; idem pour nos exploitations. pas de quoi se suicider, çà ne sert strictement à rien et la preuve, au delà des blablas inutiles, rien ne change. Arrêtons de jouer les autistes. L'installation n'est pas rien et si il faut chercher des repreneurs pour les envoyer dans la mouise, STOP aux installations.

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