Pourquoi j’ai créé un groupe de parole réservé aux agricultrices sur Facebook

Sur Facebook, j’ai créé le groupe « paroles d’agricultrices face à la crise », exclusivement réservé aux femmes. Je vous explique pourquoi.

J’ai été amenée à former ce groupe de parole parce nous sommes confrontées aujourd’hui à une crise agricole, et que nous ne pouvons pas nous en sortir indemne sans parler. Cette crise nous fragilise, nous déstabilise, un mal-être s’installe chez nous les femmes, confrontées à celui de nos maris. Du stress aux soucis du quotidien, aux soucis de couples (parfois les nerfs à vif). On s’emporte, la peur, l’angoisse font partie de notre vie aujourd’hui.

L’isolement

Les femmes sont en première ligne au front, comme une guerre interminable et qui dure, on se bat à coté d’eux, mais en silence, comme si nous étions invisbles, parfois comme si personne ne nous entendait… La femme est toujours celle qui est prévenue après, celle qu’on ne voit pas… Les commerciaux par commencer : « Où est le patron ? » Mais moi je suis là !

Toujours se taire ne pas broncher. Beaucoup de femmes subissent des maltraitances, encore aujourd’hui, aussi bien physiques que morales, de leur mari, mais aussi une pression familiale. L’isolement. J’ai entendu dire une agricultrice : « Le seul jour où je sors, c’est au repas de la Cuma. » Inimaginable !

J’ai subi l’isolement. Ne venant pas d’un milieu agricole, je ne connaissais personne, pas de famille ici, ni d’amis… Et dans le milieu rural, c’est plutôt dur de s’en faire. Il y a eu des jours où je ne parlais à personne, à part mon mari ou mon beau-père.

Parfois, je me suis surprise à parler toute seule, rien que pour entendre ma voix. Je me suis sentie seule, moi qui étais une bonne vivante. Au fil des années, j’ai perdu mon sourire, ma joie de vivre…

Quelquefois je criais quand j’étais seule, rien que pour entendre ma voix, ou je riais ! J’ai cru devenir folle parfois, alors un jour j’ai entendu parler de formations à la Chambre d’agriculture, et j’ai intégré le groupe « agriculture au feminin » ; ça m’a fait un bien fou, parler, rire, échanger… Je retrouvais petit à petit ma joie de vivre, j’ai repris confiance en moi.

Cette assurance… La parole est revenue au fil du temps. Les soucis de la ferme m’ont fragilisée, j’ai perdu pied un jour, et dans ma tête j’aurais bien voulu en finir, mais je me suis accroché ; le mal-être ne se voit pas, ne s’entend pas : pourquoi se taire tout le temps ? Il y a des femmes qui ont choisi ce metier, mais d’autres non. Par la force des choses, elles sont devenues agricultrices, qui ne sortent jamais, qui n’ont pas autre chose pour s’épanouir en tant que femme (sortir, avoir des amies…).

C’est pour toutes ces femmes que j’ai ouvert ce groupe de paroles, pour ne plus être seule,  de savoir qu’un petit « bonjour », ou un « comment tu vas ? » peut égayer la vie d’une personne même si ce n’est que virtuel : elles ne seront ni jugées, ni critiquées ; seulement écoutées, mais surtout pas humiliées, écartées, condamnées à ne pas parler…

Pour l’amour de notre métier, vive l’amitié !

Nadine Vitel

 

En savoir plus : https://www.facebook.com/groups/217080302011765 (lien direct vers le groupe Facebook « paroles d’agricultrices face à la crise« , réservé aux femmes, qu’elles soient agricultrices ou conjointes d’agriculteurs).

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