Lors de votre prochain tour de plaine ou prochaine balade en campagne, écoutez, les plantes ont beaucoup à vous raconter sur leur état. Ce qu’elles vous disent ce sont des « plop ».
Cela ne vous parle peut-être pas mais pour des chercheurs israéliens, c’est tout l’inverse. Ils ont étudié ces sons produits par les plantes et ont publié en mars 20231 leurs résultats qui ont fait un peu… de bruit. Car en effet, leurs découvertes sont assez spectaculaires.
La communauté scientifique avait déjà montré que des plantes stressées pouvaient émettre des substances volatiles qui peuvent être détectées par les plantes voisines.
Nous savons aussi que les plantes peuvent réagir à des sons ou vibrations venant de leur environnement ou de pollinisateurs. Elles se mettent alors à développer une résistance à la sécheresse, à produire plus de nectar ou à exprimer certains gènes par exemple.
Très peu d’études se sont intéressées aux sons que peuvent émettre les plantes. C’est pourquoi nos chercheurs israéliens ont placé des micros pour enregistrer les bruits provenant des plantes. Et leurs découvertes furent conséquentes !
D’abord ils s’aperçoivent sur des plants de tomates que ces bruits sont des sortes de « plop ». Une bande audio représentant une heure d’enregistrement (les intervalles silencieux ont été supprimés) est disponible ci-dessous.
Ils enregistrent alors plusieurs espèces de plantes saines (tomate, tabac, maïs, blé tendre, lamier (adventices), cactus et vigne) ou en mauvaise santé (stressée par la sécheresse, stressée par une blessure, infectée d’un virus). Ils remarquent que chaque espèce et chaque stress a son propre son. Ce sont toujours des « plop » mais quand on y regarde, ou qu’on écoute, de près il y a une différence. Chaque son a été caractérisé et peut désormais être reconnu.
Autre constat, lors d’une période de sécheresse, le nombre de sons émis augmentent les premiers jours (4 dans l’étude) pour ensuite diminuer. Et plus étonnant encore, les sons ne sont de nouveau pas les mêmes entre ces premiers jours et les suivants.
Enfin, au regard des fréquences de ces sons et de leur volume, les chercheurs notent que bon nombre de mammifère ou insectes pourraient les détecter à une distance pouvant aller jusqu’à 5 mètres !
L’étude a montré que le nombre de sons émis est corrélé à la transpiration de la plante. Lorsqu’elle transpire en journée, elle produit plus de sons. En s’appuyant sur d’autres travaux de recherches, l’hypothèse la plus probable à ce jour est que le son viendrait de la formation de fines bulles d’air dans les canaux de la sève montante (le xylème) qui se dilateraient et exploseraient.
Ces découvertes modifient notre perception du règne végétal, considéré jusqu’à présent comme presque silencieux. Nous savons désormais que les plantes ont la capacité d’émettre et de réagir aux sons et d’en modifier leur comportement en conséquence. Cela pourrait révéler une voie de signalisation entre les plantes d’une part et entre les plantes et les animaux d’autre part.
Ces résultats pourraient aussi aider les agriculteurs à détecter plus précocement et plus finement un manque d’eau, un ravageur, une maladie sur les cultures. Par exemple, en plaçant un micro dans une parcelle, il sera bientôt possible de détecter, au jour près, le moment à partir duquel le manque d’eau devient préjudiciable pour la plante et ainsi apporter la bonne quantité d’eau au bon moment.
C’est sûr, on ne verra plus les plantes comme avant…
Aurélien MILLE
https://www.linkedin.com/in/aurelienmille/
1 Références de l’étude :Khait, I., Lewin-Epstein, O., Sharon, R., Saban, K., Goldstein, R., Anikster, Y., et al. (2023). Sounds emitted by plants under stress are airborne and informative. Cell, 186, 1328-1336.e10.