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Se lancer dans la HVE en grandes cultures: pionnier de la certification HVE, Jean Lefèvre reste sur sa faim

Jean Lefèvre dans un champ de colza, semé avec des féveroles, du sarrasin, du trèfle d’Alexandrie, du trèfle Incarnat et de la luzerne.

Adepte de l’agroécologie et des pratiques régénératrices du sol, certifier Haute Valeur Environnementale (HVE) l’exploitation de Jean Lefèvre, céréalier en Haut de France, couronne des années de travail. Mais l’absence de filières céréalières HVE ne lui permet pas de valoriser la qualité de sa production certifiée HVE et les services rendus à l’environnement.

Bio VS HVE

A Ognes, Jean Lefèvre a été un partisan d’agriculture raisonnée de la première heure. Jusqu’à la suppression du label en 2014, il parvenait à commercialiser ses productions sous cette dénomination. Ensuite, deux alternatives ont été envisagées : la conversion des 350 hectares de son exploitation à l’agriculture biologique ou sa certification HVE.

Un temps, tenté par l’agriculture biologique, Jean a converti il y a quelques  années 32 hectares de terre, sur un des sites de son exploitation, avec l’idée de passer ensuite intégralement en bio. Mais la réglementation s’est avérée trop contraignante pour convertir l’ensemble  de   son   exploitation. Le projet était aussi trop risqué. Jean en a pris conscience lorsqu’il n’est pas parvenu à valoriser sa production d’avoine bio. Les tonnes de graines livrées ont été payées un prix proche de celui du conventionnel. « L’estampille bio a profité à toute la filière de transformation et de commercialisation mais pas à moi » déplore Jean.

Aussi, il a choisi d’opter pour la certification HVE des deux sites de son exploitation. « C’est une question de bon sens, défend Jean. Il faut garder la possibilité de pouvoir recourir à des produits phytosanitaires pour traiter les cultures quand elles sont attaquées par des parasites ou des maladies ». L’agriculteur veut aussi avoir la possibilité  d’utiliser du glyphosate (5 g par  ha/an) pour désherber ses parcelles.

Le désherbage mécanique est couteux et conduit à consommer beaucoup de carburant. Une fois obtenue, la conversion haute valeur environnementale d’une exploitation agricole certifie l’ensemble des  pratiques culturales et du travail entrepris depuis des années par l’agriculteur qui est à sa tête.

A Ognes, la certification de l’exploitation de Jean a été une formalité. Depuis des années, l’agriculteur adopte un ensemble de pratiques visant à régénérer les sols. Ses parcelles sont en permanence couvertes de cultures de vente ou de Cipan (cultures intermédiaires pièges à nitrates), en privilégiant tant que possible l’association de plantes.

Sur son exploitation, la rotation des cultures est la suivante : colza- blé – betteraves sucrières – blé ou Orge de printemps. Ces cultures sont systématiquement associées à des légumineuses ou à du sarrasin. Par exemple, le blé est planté avec en inter-rangs des fèves.

Le travail du sol reste superficiel. Il est labouré tous les quatre- cinq ans à 15 cm de profondeur quand cela s’avère nécessaire. Jean parvient à réduire à un passage par an l’épandage de produits phytosanitaires et fongicides sans  prendre de risques. Il décide d’intervenir, ou pas, en observant en permanence les cultures et en mesurant les taux de sucre, de chlorophylle et de pH des céréales.

« La certification HVE est un travail permanent de remise en question, explique Jean. Elle conduit  à repenser l’ensemble des pratiques agricoles, même les plus banales ».

Une eau plus acide à laquelle est adjoint un apport de sulfate d’ammoniac neutralise le calcaire de l’eau. Comme les matières actives des produits de traitements sont alors plus efficaces, moins de produit est nécessaire pour traiter les cultures. Aussi, l’IFT de l’exploitation diminue.

Des contrôles et des risques

« La certification HVE redonne du sens au métier d’agriculteur mais et en même temps elle le conduit à être davantage contrôlé et supervisé » prévient Jean. Comme elle peut être  remise  en  cause tous les trois  ans,  l’agriculteur doit en permanence veiller au respect des normes.

En matière de traitements, l’exploitant doit pouvoir justifier qu’il consomme moins de produits phytosanitaires que les  agriculteurs de sa région qui ne sont pas HVE. Or les années humides, maintenir le cap est plus difficile car traiter devient alors une nécessité.

A contrario, les années sèches, les plantes sont plus résistantes aux maladies et aux parasites alors que ces derniers sont moins agressifs.

« La certification HVE doit  prendre en compte les particularités territoriales, climatiques et pédologiques. Elle doit aussi s’adapter aux aléas climatiques ».

Prenons l’exemple de la culture de betteraves. La quantité d’engrais épandue est toujours rapportée à la production surfacique. Aussi quand les rendements sont mauvais, les indices de consommation sont les plus élevés puisqu’ils sont ramenés à la tonne produite. « C’est même  pour cette raison que j’ai été déclassé l’an passé » déplore le planteur.

La certification environnementale est un risque que l’agriculteur ne doit pas être seul à assumer. Les coûts de production à l’hectare sont un peu moins élevés mais les économies réalisées ne compensent pas les pertes de rendements.

Cette année, Jean a  produit 83 quintaux de blé par hectare alors que chez ses voisins en conventionnel, la moyenne est de 90 quintaux. Aussi, les prix de vente des produits certifiés HVE devraient être compris, selon Jean, entre les prix des produits labellisés « agriculture biologique » et les prix des produits issus de l’agriculture conventionnelle. Or il n’en est rien. « Quand la planète manque de blé, les collecteurs sont prêts à payer 250 € la tonne de blé, mais ils ne veulent pas payer ce prix lorsque des agricul- teurs sont certifiés haute valeur environnementales » déplore Jean.

Cette année, l’emballement des cours compense la perte de rendement mais lorsque la tonne de blé valait 180 €, le prix ne valorisait pas la certification HVE de la céréale vendue. 

Jean Lefèvre

Stocker du carbone

La certification environnementale ne rémunère pas le stockage de carbone organique. Aussi Jean prévoit de s’associer avec quatre agriculteurs, pour produire du biogaz dont la vente valorisera le carbone organique contenu dans les plantes. En épandant le digestat, les charges d’engrais des quatre associés diminueront aussi fortement, surtout cette année puisque les prix flambent ! Mille hectares seront mobilisés pour cette activité à partir de la fin de 2022. Les Cipan seront alors remplacées par des cultures intermédiaires à vocation énergétique (Cive). Depuis l’été dernier, la méthode label bas carbone rémunère le carbone organique, issu de digestat notamment, épandu et stocké dans le sol. Jean et ses associés pourraient alors rejoindre l’initiative et bénéficier des fonds versés par des entreprises ou des collectivités engagées dans des démarches de compensation carbone.

Auteur: Frédéric Hénin

1 Commentaire(s)

  1. la norme HVE est un bricolage environnemental imposé par des « extra-terrestres parisiens » ! à coté de ça les villes polluent massivement l’environnement sans aucune sanction ou contrôle … 80% des assainissements collectifs français ne sont pas aux normes et polluent massivement les rivières jusqu’à la mer en passant par les bassins ostréicoles ! https://www.instagram.com/p/CVzYuhko5Ic/

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