L’interdiction des neÌonicotinoïdes, insecticides systeÌmiques utiliseÌs en enrobage de semences, demande de repenser la protection des jeunes plants de maïs. Celle-ci reposera essentiellement sur des pyreÌthreÌnoïdes en micro-granuleÌs.
Le clap de fin pour les neÌonicotinoïdes est tombeÌ le 1er septembre 2018. MeÌ‚me si, dans la loi pour la reconqueÌ‚te de la biodiversiteÌ de 2016, le gouvernement avait annonceÌ la possibiliteÌ de deÌrogations, il n’y a gueÌ€re d’espoir d’en obtenir pour le thiaclopride, moleÌcule du Sonido de Bayer. Les prochains semis de maïs devront se faire sans ces insecticides systeÌmiques, utiliseÌs en enrobage de semences, pour proteÌger les jeunes plants des ravageurs. Jusqu’aÌ€ preÌsent, sur les 3 millions d’hectares de maïs cultiveÌs en France, plus d’un tiers eÌtait proteÌgeÌ avec du Sonido.
Il faut donc trouver d’autres solutions pour lutter contre les ravageurs du maïs, dont le principal reste le taupin. Arvalis estime les pertes potentielles dues aux taupins aÌ€ 7,8% du rendement national en maïs grain, mais avec de fortes dispariteÌs reÌgionales. Par chaque pourcentage de plantes attaqueÌes, le rendement chute de 0,5% aÌ€ 1%, et encore si les plantes arrivent aÌ€ compenser (sol profond, pluviomeÌtrie suffisante…).
Pour faire face aÌ€ ces taupins, mouches et autres geÌomyzes, l’arsenal se reÌduit. « Les pyreÌthreÌnoïdes, apporteÌs au semis, ne sont pas systeÌmiques et ne proteÌ€gent que l’environnement immeÌdiat », tempeÌ€re Didier Bruxelle, responsable marketing chez Syngenta. Si les ventes de micro-granuleÌs vont augmenter, certains agriculteurs, habitueÌs aÌ€ travailler avec des semences proteÌgeÌes qui masquaient les attaques, pourraient eÌ‚tre tenteÌs de faire l’impasse sur une protection, pourtant souvent neÌcessaire. En fonction la pression locale, la protection est aÌ€ raisonner en preÌventif car, quand les insectes sont deÌtecteÌs, les deÌgaÌ‚ts sont faits. « Si on ne proteÌ€ge pas la culture deÌ€s le semis, on n’a pas de plan B en cas d’attaque », souligne Didier Bruxelle.
Cinq insecticides micro-granuleÌs aÌ€ base de pyreÌthreÌnoïdes sont homologueÌs en maïs : Force 1,5 G (teÌfluthrine), « il doit eÌ‚tre enfoui aÌ€ 3 cm sans diffuseur, cette contrainte reÌglementaire lui fait perdre de l’efficaciteÌ », analyse Jean-Baptiste Thibord, speÌcialiste ravageurs chez Arvalis. Belem 0,8 MG, il n’a pas de ZNT. Sa moleÌcule (cyperneÌthrine) doit eÌ‚tre reÌhomologueÌe prochainement. Fury Geo (zeta-cyhalothrine). KarateÌ 0,4 GR (lambda-cyhalothrine). Trika Expert + (lambda-cyhalothrine + starter 7-37 + biostimulant).
« Contre les taupins, ces pyreÌthreÌnoïdes sont efficaces dans la dureÌe quand ils sont bien appliqueÌs mais restent moins protecteurs que l’eÌtait l’enrobage des semences sur les premiers stades », reconnait Jean-Baptiste Thibord.
Leur bonne application neÌcessite un diffuseur sur le semoir. « Pour ameÌliorer la durabiliteÌ de cet eÌleÌment, nous avons conçu un diffuseur en inox plus reÌsistant pour bien positionner le Fury GeÌo, explique David Pinson, chef de produits chez FMC. Certes, il couÌ‚te de 60 aÌ€ 80 € mais c’est un investissement inteÌressant quand on a de grandes surfaces aÌ€ semer car il eÌvite la maintenance ou le remplacement en cours de saison. »
L’utilisation des pyreÌthreÌnoïdes demande de veiller aux contraintes reÌglementaires, DVP et ZNT entre autres. Ainsi, KarateÌ 0.4 GR, Fury Geo, Trika Expert + et Success GR, reÌcemment homologueÌ en biocontroÌ‚le, exigent des bandes sans traitement de 20 m, en bordure des cours d’eau.
Le seul insecticide par traitement de semences qui reste, le Force 20 CS, est aÌ€ base de teÌfluthrine. Il est homologueÌ sur taupins, scutigeÌrelles et chrysomeÌ€les. Les tests d’Arvalis eÌvaluent son efficaciteÌ aÌ€ 11 % contre 60 aÌ€ 70 % pour les micro-granuleÌs. Il est recommandeÌ en cas d’attaque faible ou en double protection avec des micro-granuleÌs dans les zones aÌ€ plus forte pression.
Si les taupins peuvent eÌ‚tre contenus graÌ‚ce aux pyreÌthreÌnoïdes, on est dans une impasse technique contre les mouches (geÌomyzes et oscinies). « Les deÌgaÌ‚ts des oscinies sont moins nuisibles. Si les geÌomyzes, n’apparaissent pas tous les ans, leurs deÌgaÌ‚ts peuvent eÌ‚tre graves, jusqu’aÌ€ des parcelles aÌ€ re-semer, preÌvient Jean Baptiste Thibord. Ces insectes sont treÌ€s preÌsents dans l’Ouest. Il faut espeÌrer un hiver froid pour reÌduire la pression ». « Et choisir des produits aÌ€ large spectre », compleÌ€te Didier Bruxelle. Une bonne vigueur de deÌmarrage aide aussi aÌ€ raccourcir la peÌriode ouÌ€ les plants sont sensibles.
Les scutigeÌrelles se font surtout remarquer dans le sud-ouest mais ont tendance aÌ€ remonter vers Poitou-Charentes. Contre ces insectes, KarateÌ 0.4 GR, Trika Expert + sont efficaces quand les maïs ont une bonne vigueur de deÌpart et que des mesures agronomiques, comme le rappuyage des sols, sont mises en place.
Face aÌ€ cet arsenal insecticide reÌduit et aÌ€ des risques treÌ€s lieÌes aux conditions meÌteÌo, il faut eÌ‚tre d’autant plus vigilant sur ses pratiques agronomiques. Notamment en attendant que le sol soit suffisamment reÌchauffeÌ (10°C dans les premiers centimeÌ€tres) pour semer. « Avec un semis pas trop profond dans un sol reÌchauffeÌ, le maïs a une croissance plus rapide, les ravageurs ont moins le temps d’attaquer de jeunes plants fragiles », rappelle Jean-Baptiste Thibord.
Dans le meÌ‚me but, il est recommandeÌ de privileÌgier des varieÌteÌs avec une bonne vigueur de deÌpart et d’apporter de l’engrais starter. « Avec un apport d’engrais type 18-46, le maïs arrive plus vite au stade 8/10 feuilles auquel la plante devient moins sensible », compleÌ€te Didier Bruxelle.
Par exemple, Trika expert + combine insecticide, engrais starter et biostimulant aÌ€ base d’acides humique et fulvique « pour cumuler l’effet protection de la culture et leveÌe rapide et homogeÌ€ne. C’est un plus en terme de simplification des chantiers avec un seul produit aÌ€ mettre dans le micro-granulateur », preÌsente Nathan Gaborieau, chargeÌ des grandes cultures chez Sumi-Agro.
La socieÌteÌ veut, d’ailleurs, eÌtendre sa gamme avec deux versions de Trika Expert +, qui seraient homologueÌes aÌ€ 25 et 40 kg/ha, contre 15 pour l’actuelle « afin de renforcer l’effet starter et avoir des plantes qui deÌpassent les stades sensibles rapidement ».
La lutte contre les ravageurs demande aussi de diversifier la rotation. Les preÌceÌdents « prairie », les sols riches en matieÌ€re organiques sont favorables aux ravageurs.
Pour renforcer les moyens de lutte contre les taupins, le biocontroÌ‚le est encore aÌ€ ses preÌmices, notamment contre les taupins. Des solutions sont aÌ€ trouver face aux impasses : geÌomyzes dans l’Ouest, neÌmatodes pour les zones sableuses.
Pour limiter les probleÌ€mes de taupins, Arvalis poursuit des recherches autour de techniques assainissantes, par exemple du travail du sol en eÌteÌ pour deÌtruire œufs et larves ou des associations de plantes pour diminuer les attaques.
rédaction : CeÌcile Julien