Après le scandale de la viande de cheval trouvée dans des lasagnes au boeuf, une mission commune d’information du Sénat sur la filière viande en France et en Europe a été créée pour déterminer les conditions nécessaires pour restaurer la confiance du consommateur. Voici ses conclusions.
WikiAgri vous a déjà parlé de cette initiative à travers l’interview de Sylvie Goy-Chavent (lien en fin d’article), rapporteur de la mission. Ce mercredi 17 juillet, le rapport officiel a été remis, et dévoilé à la presse le lendemain, par le rapporteur, mais aussi la présidente de la mission, Bernadette Bourzai. Il consiste en un état des lieux, qui repose sur 62 auditions et 4 déplacements sur le terrain, et des conclusions sur les dysfonctionnements de la filière viande, qui mènent à 40 propositions.
Le rapport estime d’abord que « la sécurité sanitaire des produits de la filière est globalement assurée« , et insiste sur le fait que « l’affaire de la viande de cheval (est) une fraude à grande échelle et non pas un scandale sanitaire« . Pour autant, il est constaté que le secteur viande vit selon « un modèle économique dans l’impasse appelant un plan de relance sans précédent« . Ainsi, le « déclin de la filière viande » est jugé « préoccupant« , notamment en raison de « chiffres inquiétants » pour chaque filière, à savoir « 2 millions de porcs produits en moins depuis le début des années 2000 ; 44 % des poulets consommés sont importés, contre 8 % en 1990 ; 20 % de baisse des effectifs du troupeau bovin et 31 % de baisse du troupeau ovin en 20 ans« . Avec une remarque qui cite sa source : « L’Observatoire des prix et des marges montre qu’aucun des maillons de la chaîne n’est prospère« .
En première conclusion, « la mission commune d’information constate que ces difficultés proviennent principalement : d’un déficit de compétitivité à tous les maillons des filières et d’une course au prix bas encouragée par la grande distribution qui comprime les marges de l’ensemble des acteurs de la filière. Ces difficultés sont renforcées par des distorsions de concurrence avec certains de nos partenaires européens, notamment l’Allemagne, qui ne peuvent plus durer, et par des excès de réglementation, tant au niveau européen qu’au niveau national. » Et elle préconise « un vaste plan de relance de la filière viande« . Lequel doit prendre en compte une « impérieuse nécessité« , l' »allègement des normes imposées à la filière« .
A noter qu’un point qui a soulevé la polémique en vertu de son caractère religieux, l’abattage rituel, ne fait finalement l’objet que d’une proposition, sous la forme de contrôles sanitaires accrus (proposition n°39).
Sylvie Goy-Chavent a répondu aux questions de WikiAgri quant au devenir de ce rapport sénatorial : « Il n’est évidemment pas question de le mettre immédiatement dans un tiroir. Je vais assurer le service après-vente, faire du lobbying auprès de tous les ministères concernés (Ndlr : Europe, Agriculture, Consommation…). Et je vais communiquer auprès des agriculteurs en allant les voir aux salons du Space et au Sommet de l’élevage. Maintenant, il va falloir que les ministres s’emparent de ce rapport, car on ne peut pas laisser les éleveurs dans la détresse qu’ils connaissent aujourd’hui. D’autant que ce rapport a été adopté à l’unanimité des 27 membres de la mission d’information, soit des sénateurs représentants toutes les sensibilités politiques.«
Sylvie Goy-Chavent insiste sur un point : l’étiquetage obligatoire des produits, voulu là aussi à l’unanimité des 27 membres de la mission. « Lors du débat au Sénat de la loi sur la consommation, nous insisterons sur ce point« , assure-t-elle. Elle précise encore qu’il y aura, avec l’ensemble des sénateurs, une discussion en séance sur le rapport d’ici à la fin de l’année.
Voici les 40 propositions :
Proposition n° 1 : Créer au niveau européen un dispositif d’agrément pour les activités de négoce dans la filière viande.
Proposition n° 2 : Renforcer les contrôles des établissements de 4e transformation, en particulier dans le secteur des plats préparés.
Proposition n° 3 : Approfondir la coopération entre services de contrôle des États membres de l’Union européenne chargés de la lutte contre les fraudes alimentaires.
Proposition n° 4 : Durcir les sanctions en cas de tromperie du consommateur sur les denrées alimentaires.
Proposition n° 5 : Intensifier les contrôles sanitaires effectués auprès des établissements de remise directe et de restauration collective.
Proposition n° 6 : Systématiser les visites sanitaires en élevage, notamment pour les élevages hors sol de porcs et volailles.
Proposition n° 7 : Maintenir un dispositif public indépendant de contrôle des abattoirs qui assure un niveau d’exigence sanitaire élevé et égal sur l’ensemble du territoire national.
Proposition n° 8 : Renforcer les effectifs des services de contrôle relevant de la DGAL et de la DGCCRF.
Proposition n° 9 : Harmoniser les contrôles réalisés à l’entrée des produits alimentaires aux frontières extérieures de l’Union européenne
Proposition n° 10 : Instaurer un étiquetage obligatoire de l’origine nationale pour les viandes brutes et transformées.
Proposition n° 11 : Procéder à une application nationale de la PAC 2014-2020 qui amplifie la redistribution des aides vers l’élevage, en utilisant tous les leviers disponibles.
Proposition n° 12 : Mettre en place un volet spécifique à l’élevage au sein de la politique nationale de l’installation des jeunes agriculteurs.
Proposition n° 13 : Créer une nouvelle prime couplée destinée à encourager l’engraissement des jeunes bovins.
Proposition n° 14 : Subordonner l’adoption de toute norme nationale plus sévère que les normes européennes à une étude d’impact.
Proposition n° 15 : Aligner la réglementation française sur la réglementation européenne concernant la gestion des matériels à risques spécifiés (MRS).
Proposition n° 16 : Mettre fin à l’obligation d’une nouvelle étude de sol préalable à l’approbation du plan d’épandage, lorsqu’une étude a déjà été faite.
Proposition n° 17 : Mettre en place une procédure allégée d’enregistrement des élevages porcins jusqu’au seuil de 2 000 porcs.
Proposition n° 18 : Renforcer le plan de modernisation des bâtiments d’élevage (PMBE) et le plan de performance énergétique (PPE).
Proposition n° 19 : Lancer un plan sectoriel de modernisation des élevages avicoles et des entreprises de l’aviculture.
Proposition n° 20 : Créer un schéma national des abattoirs (SNA) décliné par région, destiné à orienter la politique de l’État et des collectivités territoriales en direction de l’industrie de la viande.
Proposition n° 21 : Développer la contractualisation dans le secteur de la viande bovine.
Proposition n° 22 : Assurer aux éleveurs des évolutions de prix de vente qui prennent en compte les variations de leurs coûts de production.
Proposition n° 23 : Interdire la pratique de promotions « à prix cassés » qui constituent une forme de vente à perte.
Proposition n° 24 : Favoriser le développement des circuits courts et des filières de qualité, à côté des filières industrielles.
Proposition n° 25 : Conforter le rôle de l’observatoire des prix et des marges en donnant une force officielle aux indices qu’il publie.
Proposition n° 26 : Indiquer obligatoirement l’origine nationale de la viande servie sur les cartes des restaurants et en restauration collective scolaire.
Proposition n° 27 : Sanctionner l’abus de la mention « viande fraiche » pour la viande ovine réfrigérée conservée durant une longue durée.
Proposition n° 28 : Expérimenter le double étiquetage des prix, pour faire figurer les prix payés au producteur, sur une liste de produits phares.
Proposition n° 29 : Mettre en place un dispositif d’affichage dans les surfaces de vente des pratiques abusives constatées dans leurs relations avec leurs fournisseurs de viande.
Proposition n° 30 : Mettre en cohérence le dispositif français de soutien à l’export agroalimentaire.
Proposition n° 31 : Inscrire la viande dans le plan export agroalimentaire.
Proposition n° 32 : Préserver les restitutions aux exportations pour le grand export de poulet pendant une période transitoire.
Proposition n° 33 : Obtenir une révision des conditions d’application de la directive européenne sur le détachement de travailleurs.
Proposition n° 34 : Soutenir les filières de qualité à haute valeur ajoutée par le développement des signes de qualité et marques collectives à forte notoriété.
Proposition n° 35 : Exonérer l’élevage à l’herbe de la taxe carbone.
Proposition n° 36 : Aménager l’étiquetage environnemental pour prendre en compte les bénéfices de l’élevage.
Proposition n° 37 : Aménager l’écotaxe poids lourds afin d’en exonérer le secteur de l’élevage.
Proposition n° 38 : Instaurer un étiquetage obligatoire du mode d’abattage, selon des modalités non stigmatisantes.
Proposition n° 39 : Imposer des contrôles physiques des vétérinaires au poste d’abattage, pour toutes les espèces et suivre les incidents d’étourdissement ou d’égorgement.
Proposition n° 40 : Développer les formations initiales et continues au sein de la filière viande.
Qu’en pensez-vous ? Pour en débattre, rendez-vous ci-dessous dans l’espace « Ecrire un commentaire ». N’hésitez pas à commenter chacune les propositions : vont-elles selon vous dans le bon sens ?
En savoir plus : https://wikiagri.fr/articles/on-ne-peut-pas-continuer-a-mentir-au-consommateur/654 (l’interview de Sylvie Goy-Chavent, sénatrice de l’Ain, rapporteur de la mission viande du Sénat).
Notre photo ci-dessous, fournie par le service de presse du Sénat, montre les sénatrices Sylvie Goy-Chavent (UDI) et Bernadette Bourzai (PS), rapporteur et présidente de la mission viande, lors d’une visite d’entreprise.