[Exclusif] Ce vendredi 27 septembre 2019, au tribunal de grande instance de Saintes (Charente-Maritime), se tenait l’un des tout premiers procès de notre histoire concernant des faits d’agribashing. Le 15 mai dernier, un agriculteur faisant un passage de phytosanitaires avait été agressé par un inconnu pendant que l’épouse filmait. Depuis, il a porté plainte, et l’agresseur vient d’être condamné, révèle l’avocat de la victime Me Arash Derambarsh.
Les faits datent du 15 mai dernier (lire cet article de WikiAgri pour le détail).
Pascal Garnier, agriculteur de 56 ans, attend 21 h 30 pour faire un passage de phytosanitaires sans vent (sans risque de propagation) et après le coucher des abeilles, tout en respectant les horaires du tapage nocturne, soit avant 22 heures. Difficile de faire mieux. Pourtant, il est agressé, gratuitement. Ayant vu deux personnes sur le bord du champ, il est descendu de son pulvérisateur, et a été de suite roué de coups (notamment au visage, lire l’article précédent sur les faits avec le témoignage fourni à ce moment-là par Pascal Garnier).
Sur le moment, les gendarmes ont pris sa plainte, et lui conseillent de ne pas prendre d’avocat. Mais l’agriculteur ne souhaite pas exercer sa profession dans la terreur. Il prend donc malgré tout un avocat.
La suite, c’est Maître Arash Derambarsh qui la raconte en exclusivité pour WikiAgri : « Ce qui s’est passé avec M. Garnier est incroyable. Clairement, cet agriculteur a d’une part été agressé, et d’autre part a été menacé de ne plus pouvoir exercer sa profession. J’ai pensé à tous les agriculteurs qui subissent aujourd’hui des agressions, ils sont nombreux. Ce procès avait valeur de jurisprudence pour tous. Non seulement les faits par eux-mêmes valaient réparation, mais il fallait aussi adresser un message clair aux agresseurs potentiels : la loi française n’autorise pas à se faire justice soi-même si l’on s’estime victime d’un préjudice, d’autant que ce dernier reste à démontrer. J’ai plaidé dans ce sens, également par conviction, pour défendre les agriculteurs.«
Les deux agresseurs ont donc été poursuivis, selon les termes de la plainte, pour « Violence volontaire commise en réunion n’ayant pas entraîné une incapacité totale de travail supérieure à huit jours (3 jours en l’espèce) ».
Le juge du TGI a tranché en condamnant finalement l’époux pour « violences volontaires ». Dans le détail, le prévenu doit s’acquitter de 500 € au titre du préjudice physique, de 500 € au titre du préjudice moral, de 500 € de peine contraventionnelle, et de 1500 € de frais d’avocat. Soit un total de 3000 €, la condamnation étant bien sûr inscrite sur le casier judiciaire. « Une peine lourde« , commente Me Arash Derambarsh.
Il s’agit d’une grande première avec une peine lourde. L’agribashing a une histoire récente. Les agressions contre les agriculteurs en train de travailler en toute légalité se sont multipliées depuis relativement peu de temps. Des images de visages commotionnés un peu partout sur le territoire français désormais circulent avec de plus en plus de fréquence sur les réseaux sociaux.
Jusqu’à présent, les efforts « officiels » (le ministère de l’Agriculture a notamment déployé une banderole « stop à l’agribashing » sur son stand au dernier Salon de l’agriculture) n’ont pas mené à grand-chose. Et si la voie de la justice, avec au passage un rappel des règles minimales de la vie en société et du respect d’autrui, était la solution ?
Note : l’agriculteur qui avait été tabassé dans l’Ain a eu une partie de son procès avant celui dont nous vous parlons ici, fin août, et a vu l’agresseur condamné à 6 mois de prison avec sursis dans une procédure de « plaider coupable ». Mais il reste une deuxième partie à venir sur les indemnisations.
Notre photo : le palais de justice de Saintes où s’est déroulé le tout procès de l’agribashing.