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Il agresse un agriculteur pendant que son épouse filme

En Charente-Maritime, sur la commune de Champdolent, un agriculteur a été attaqué sans dialogue préalable par le voisin d’une parcelle dont il s’occupait avec lequel il ne s’était jamais entretenu auparavant. A 21h30, sans vent (et donc sans risque de dissémination) et après le coucher des abeilles, il faisait un passage de phytosanitaires. Fait troublant, l’épouse de l’agresseur a filmé la scène. Une attaque qui semble avoir été préméditée en vue de piéger l’agriculteur, si d’aventure il avait riposté devant la caméra… Ce qu’il n’a pas fait.

Pascal Garnier est ulcéré. « J’ai 56 ans, jamais une telle chose ne m’était arrivé… » Il est agriculteur, et tient également une entreprise de travaux agricoles et forestiers à Saint-Savinien, commune de Charente-Maritime située au coeur d’un triangle Rochefort – Saintes – Saint-Jean-d’Angély. Il travaille pour lui, mais aussi à façon pour différents propriétaires agricoles qui ne veulent ou ne peuvent plus faire eux-mêmes leurs semis, épandages, moissons…

C’est donc sur la parcelle de l’un des clients de son ETA (entreprise de travaux agricoles) qu’il se trouvait ce mercredi 15 mai 2019. Il était 21h30, sa commande consistait en un passage de phytosanitaires du côté de la commune proche de Champdolent. Tout son matériel est agréé, contrôlé régulièrement. « Avec l’ETA, je suis obligé d’être sensible à toutes les normes, car je suis particulièrement contrôlé« , précise-t-il. Il avait choisi ce créneau horaire « parce qu’il n’y avait pas de vent, donc pas de risque de dissémination au-delà du champ ». « Légalement, reprend-il, on n’a pas le droit d’épandre des phytosanitaires si le vent dépasse 19 km/h. Mais la plupart des agriculteurs, c’est mon cas en tout cas, préfèrent se donner de la marge et ne traiter qu’avec un vent inférieur à 10 km/h. » Egalement en respectant les horaires du tapage nocturne, en évitant donc d’aller au-delà de 22 heures.

Les faits

Pascal Garnier (« vous pouvez citer mon nom, moi je n’ai rien à cacher« ) explique ce qu’il a vécu. Il était donc à bord de son automoteur avec pulvérisateur quand… « je vois cet homme sur le bord du champ. Je me suis donc arrêté, je voulais savoir ce qu’il faisait là. Sa propriété était derrière, mais non visible depuis le champ, avec des ronces entre les deux. J’ai arrêté ma machine, et j’ai commencé à descendre. Pour quitter la cabine d’un automoteur comme le mien, il faut descendre trois marches en étant face à cette cabine, donc en faisant dos à ce qui se trouve derrière. Je n’ai donc pas vu quand il m’a mis directement un coup au visage, sans même m’adresser un mot au préalable. Moi, je me suis protégé, sans riposter. Je suppose que c’est ce qu’il voulait, que je riposte, car son épouse était là aussi, et elle filmait. Il lui demandait de ne pas arrêter de filmer. J’ai compris que c’était un piège, que c’était prémédité, que si je ripostais les images vidéos m’accuseraient. Je me suis protégé pour ne pas recevoir d’autres coups, j’ai appelé mon client (Ndlr : le propriétaire de la parcelle sur laquelle Pascal Garnier travaillait en tant que prestataire), qui est venu, puis les gendarmes sont arrivés également. Ils ont pris ma plainte en me disant qu’il était inutile que je prenne un avocat et que le procureur de la République déciderait si cette plainte serait recevable…« 

Résultat, un gros hématome sur le visage, photographié par les gendarmes.

Quatre menaces de mort ou agressions physiques en un an

Ce n’est pas la première fois que des faits de cet ordre arrivent. En moins d’un an, WikiAgri en a déjà rapporté trois à ses lecteurs, dans les Bouches-du-Rhône (mai 2018), en Loire-Atlantique (octobre 2018), et dans l’Ain (février 2019). Celui-ci, en Charente-Maritime, est donc le quatrième. A chaque fois, des menaces ou des agressions liées à l’usage des phytosanitaires. Et, évidemment, les « simples engueulades », si l’on peut les appeler ainsi, n’ont pas fait l’objet d’articles. Ni les actions non violentes, anecdotiques, du style avoir quelques militants qui s’enchainent à la roue d’un pulvérisateur pour empêcher son usage, ces dernières actions étant non violentes.

Ce qui devient grave, c’est la violence. Elle n’est plus l’exception, elle se reproduit. Et selon les impressions de la dernière victime, Pascal Garnier, nous sommes encore montés d’un cran avec une action qui serait préméditée, doublée d’un piège avec l’espoir d’obtenir une vidéo « croustillante ».

Agribashing et produits phytosanitaires

L’usage des phytosanitaires est scrupuleusement encadré. La très grande majorité de nos agriculteurs en sont aujourd’hui dépendants. Si une décision politique devait intervenir pour leur arrêt, alors elle devrait s’accompagner d’autres mesures de cohérence : aider les agriculteurs à se convertir à une agriculture sans oublier de verser ces aides, interdire toute introduction dans le pays de produit quel qu’il soit fabriqué à base de cultures ayant « bénéficié » de phytosanitaires, veiller à éviter des déséquilibres tels que l’autonomie alimentaire dont nous bénéficions soit mise en danger… Pour l’instant, on n’en est pas là. Loin s’en faut ! En revanche, les normes d’usage deviennent sans cesse plus drastiques, et si certains agriculteurs grognent face à ces contraintes, la majorité sait qu’elles sont aussi obligatoires pour améliorer leurs pratiques.

Des dangers, il en existe, bien sûr. La récente victoire judiciaire de Paul François face à Monsanto le rappelle, il serait stupide de les nier. Mais en Europe en général et plus particulièrement dans notre pays, compte-tenu des normes évoquées plus haut, ils sont sans rapport avec ceux courus dans d’autres parties du monde. Au fur et à mesure que ces dangers sont identifiés, les règlements sont adaptés, les précautions sont multipliées. Et les investissements matériels, tant de la part des fournisseurs que de ceux qui les achètent, vont dans le sens de « la juste dose au bon endroit et nulle part ailleurs ».

Pour autant, ce débat sur l’usage des phytosanitaires reste en cours, il est loin d’être terminé. Il est politique, il est sociétal, il est scientifique… La grande question est : doit-il être réglé en dehors de tout cadre légal par des actions de violence gratuite sur des individus pris au hasard ?


Ci-dessous : dessin de Michel Cambon pour illustrer ce nouvel épisode d’agribashing.

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