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Phosphates, qu’attend-on pour utiliser davantage d’engrais issus de résidus d’élevage ?

Le recyclage des résidus organiques issus d’effluents d’élevage mais aussi des déchets agro-industriels et des déchets verts, affranchirait la ferme France d’engrais phosphatés issus de minéraux importés.

En France, les quantités de phosphore (P) présentes dans les matières fertilisantes d’origine résiduaire (Mafor) pourraient couvrir l’ensemble des prélèvements annuels de phosphore par la production agricole. Une étude du ministère de l’Agriculture intitulée « Vers une gestion durable du phosphore, ressource critique pour l’agriculture » montre que les agriculteurs ont, à leur niveau, les moyens de s’affranchir de l’utilisation du phosphate minéral pour leurs cultures sans compromettre le potentiel agronomique de leurs sols.

Cette stratégie d’autonomie conduirait à la création d’une filière de production d’engrais phosphatés d’origine organique assimilables par les plantes.

Un procédé séparant le phosphore de la matière organique et permettant de l’épandre comme un fertilisant minéral vient justement d’être mis au point. Les boues de stations d’épuration mais aussi les déchets verts et issus des industries agroalimentaires constituent un gisement de phosphore organique recyclable. En revanche, les boues des industries lourdes sont exclues du processus. 

« D’autres pistes existent en dehors des systèmes agricoles, comme l’extraction de phosphore de l’urine ou des eaux usées urbaines sous forme de struvite », expliquent aussi Elise Delgoulet, Noémie Schaller, auteures de l’étude. 

La polyculture-élevage devrait être promue au niveau des territoires. Toutefois, « il demeure des incertitudes quant à la capacité du phosphore organique à répondre aux besoins des plantes en début de cycle (période critique), et la teneur exacte des effluents en phosphore doit être mieux connue, teneur qui pourrait d’ailleurs être réduite à travers une meilleure efficience d’utilisation du phosphore par les animaux », rapportent les auteures.

Une consommation divisée par quatre

Une autre stratégie à exploiter pour réduire les exportations de phosphore sous forme organique prioriserait la consommation humaine de protéines végétales du fait d’une faible efficience de la digestion du phosphore, en particulier des monogastriques. Mais que deviendraient alors nos prairies sans animaux pour les pâturer ?

A ce jour, l’utilisation d’engrais phosphatés minéraux est inférieure de moitié à son niveau des années 1960. Elle est même quatre fois plus faible qu’au début des années 1970. Chaque année, les agriculteurs français épandent, sous forme d’engrais, environ 500.000 tonnes contre plus de 2 millions de tonnes juste avant la première crise pétrolière en 1973. Or dans le même temps les rendements céréaliers n’ont pas cessé de croître.

Cette baisse de la consommation « s’explique par un meilleur pilotage de la fertilisation (analyses de terres), par la réforme de la PAC (ex : mise en place des jachères au début des années 1990), par la volatilité des prix des céréales mais aussi par la hausse du prix des engrais avec une sensibilité plus importante aux variations de prix pour le phosphore », expliquent Élise Delgoulet et Noémie Schaller.

L’ensemble des pays développés a suivi, peu ou prou, ce mouvement de baisse. Au niveau mondial, ils en consomment deux fois moins qu’au milieu des années 1970, soit 10 millions de tonnes sur un total de 40 millions de tonnes au niveau mondial. Mais les quantités de phosphates épandues sont mal réparties sur le territoire. Certaines régions françaises affichent un bilan déficitaire tandis que d’autres, où la pratique de l’élevage domine, sont excédentaires.

C’est en fait l’épandage de lisier et de fumier, calé par rapport aux unités d’azote à apporter, qui explique cette fertilisation phosphatée déséquilibrée excédentaire, rapportent Elise Delgoulet et Noémie Schaller. Alors que les apports minéraux sont évidemment concentrés dans les zones de grandes cultures.

Outre les questions environnementales, l’organisation oligopolistique du marché des phosphates d’origine minérale et les crises d’approvisionnement qu’elle génère, devraient pousser les agriculteurs français et des pays développés à opter pour des stratégies d’autonomie en phosphore.

« La production mondiale de roches phosphatées est de l’ordre 218 Mt en 2014 mais seuls trois pays seulement ont extrait plus de 70 % de ce total, à savoir la Chine (46 %), les États-Unis (14 %) et le Maroc (12 %). »

Les grands pays producteurs, comme le Maroc, premier exportateur de roches phosphatées en 2013 (environ 30 % des exportations mondiales) et d’acide phosphorique (49 %) ont une faible demande interne.

Aussi, les décisions commerciales de ces Etats producteurs sont attentivement suivies. Elles génèrent des tensions sur le marché des roches phosphatées, qui se traduisent par flambées des cours, dont les agriculteurs souhaiteraient bien se passer.

 

En savoir plus : http://www.agreste.agriculture.gouv.fr/IMG/pdf/analyse931611.pdf (l’étude « vers une gestion durable du phosphore, ressource critique pour l’agriculture »).

 

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