Les céréaliers de l’AGPB, l’Association générale des producteurs de blé, sont dépités, avec le sentiment d’être livrés à eux-mêmes pour surmonter une crise de production aggravée par une absence de moyens pour rebondir (impasses techniques, normes excessives, retraits de substances actives pour lutter contre les parasites et les adventices, etc.).
La production française de blé de 26 Mt est équivalente à celle de 1983! Les récoltes d’orges et de blé dur sont à peu près équivalentes à l’an passé mais avec des rendements plus faibles.
En fait, les producteurs de céréales sont triplement victimes:
Pressées d’écouler leurs récoltes, l’Ukraine et la Russie imposent leurs prix sur les marchés des grains. Aussi l’AGPB souhaite que la Commission européenne revienne sur les mesures commerciales autonomes renouvelées jusqu’au mois de juin 2025 (suspension des droits d’importation et des quotas sur les exportations ukrainiennes vers l’Union européenne). Pour l’AGPB, il est temps de restaurer les règles commerciales en vigueur entre l’Union européenne et l’Ukraine avant 2022.
La baisse de 27 % de la production française de blé par rapport à l’an passé s’explique par celle des rendements (-16 %) accentuée par le recul des surfaces (-11 %). « Notre pays a perdu près 1 million d’hectares de céréales en partie devenus des jachères faute de rentabilité ! », déplore Eric Thirouin, président de l’association.
Aussi, avec un coût de production estimé par Arvalis de 309 € la tonne de blé, un prix de revient de 265 €/ha (aides Pac déduites) et un prix de vente sorti ferme de 170 €, la culture de blé est en moyenne déficitaire de 550 €/ha après avoir pris en compte les aides Pac.
Depuis 2019, le coût de production d’une tonne de blé a augmenté de 140 € en moyenne!
La quasi-totalité des exploitations des Scopeurs serait déficitaire selon l’AGPB compte tenu des manques à gagner constatés en orges et en colza. « Aussi, chaque exploitation de 100 ha à 200 ha a perdu entre 50 000 € et 100 000 € », soutient le président de l’AGPB.
Même si les cours se redressent en cours de campagne, les quelques dizaines d’euros gagnés ne corrigeront qu’à la marge ces pertes.
Et comme le gouvernement n’a géré ces dernières semaines que les affaires courantes, les céréaliers de l’AGPB ont manqué d’interlocuteurs en mesure de s’engager fermement sur les mesures et les dispositifs qu’il serait nécessaire d’actionner et de mettre en place pour donner aux exploitations les moyens de financer leur prochaine campagne.
Leurs pertes réduisent à peau de chagrin leur fonds de roulement. Aussi, l’AGPB formule un certain nombre de propositions et rappelle les dispositifs, déjà en place, sur lesquels les céréaliers peuvent s’appuyer pour soulager leurs besoins en trésorerie.
TFNB :
Dès le mois d’août, le ministère de l’Agriculture a annoncé « le dégrèvement de taxe sur le foncier non bâti (TFNB) pour les zones et agriculteurs les plus impactés. Mais il appartiendra au Préfet d’activer ces dispositifs au regard des difficultés identifiées à ce jour ». Pour sa part, l’association spécialisée de la FNSEA souhaite que cette exonération bénéficie à l’ensemble des céréaliers.
Aides Pac
Le 16 octobre prochain une avance de 70% sur les aides découplées de la PAC sera versée selon le ministère de l’Agriculture.
Assurance récolte
Aussi paradoxal que cela puisse paraître, seul un nombre limité d’agriculteurs ayant souscrit une assurance récolte se verra indemnisé des pertes subies car la baisse des rendements est assez uniforme et inférieure aux taux de franchise de 20 % ou de 25 % selon les contrats.
Si les pertes sont importantes, les céréaliers pourront compter sur l’indemnité de solidarité nationale (ISN), qu’ils soient assurés ou pas.
« En effet, l’Etat compensera les pertes à hauteur de 40 % au-delà du seuil de 50 % de pertes, afin d’apporter un soutien aux agriculteurs les plus affectés. 275,5 millions d’euros de crédits de l’Etat ont été inscrits en loi de finances pour 2024 pour ces dispositifs, en plus des fonds de l’Union européenne sur les crédits de la PAC, et des contributions des assurés, explique le ministère…Très rapidement des « tours de plaine » ont été réalisés par les directions départementales des territoires (DDT), étape indispensable pour déclencher l’indemnité de solidarité nationale (ISN) ». Depuis 2023, la réforme de la gestion des risques climatiques en agriculture prévoit cette prise en charge par l’Etat au-delà d’un seuil de pertes de 50%.
Tous les producteurs de pois conventionnels et les céréaliers biologiques seraient éligibles à l’ISN car les rendements de leurs cultures ont chuté de plus d’au moins 50 %, selon l’AGPM.
Mais la succession de crises climatiques appelle une nouvelle fois une réflexion de fond. L’assurance récolte est assise sur des moyennes olympiques. Or comme celles-ci baissent chaque année, elle réduit d’emblée le champ d’indemnisation.
L’AGPB déplore que l’assurance récolte ne couvre pas la perte de chiffre d’affaires des céréaliers. Or aux Etats Unis, les farmers perçoivent des aides contracycliques qui leur garantissent un revenu.
Pour limiter l’avance de trésorerie, l’AGPB souhaite les agriculteurs souscrivant un contrat d’assurance récolte, n’aient à régler que le reste à charges de la prime, une fois l’aide Pac déduite. Actuellement, ils financent la totalité de leur contrat et perçoivent l’aide Pac sur présentation de facture, plusieurs mois après.
Charges sociales :
Pour alléger le montant des prélèvements sociaux à régler, les agriculteurs en base triennale ont la possibilité, sous certaines conditions, de passer en base annuelle.
« Les caisses locales de la Mutualité sociale agricole (MSA) peuvent octroyer des reports de paiements de cotisations sociales, souligne le ministère. Elles peuvent également mettre en œuvre dès à présent les dispositifs de prise en charge de cotisations (PEC), dans le cadre des enveloppes déjà attribuées dans chaque département ».
Fonds d’allègement des charges :
Selon l’AGPB, les céréaliers les plus en difficultés pourront bénéficier du fonds d’allègement des charges mais les aides perçues ne devront pas excéder le plafond des aides de minimis. Pour rappel, il correspond au seuil d’aides d’État qu’une entreprise peut recevoir sur 3 exercices fiscaux glissants. La section spécialisée de la FNSEA souhaite que le plafond soit porté à 50 000 €.
Dès qu’un nouveau ministre de l’Agriculture sera nommé, l’AGPB lui soumettra la dizaine de mesures qu’elle revendique pour redonner aux céréaliers les moyens et la motivation de produire des blés et des orges.
Elle souhaite notamment que les céréaliers aient la possibilité de bénéficier de prêts garantis par l’état (PGE) à taux zéro, sur le modèle des prêts alloués aux entreprises durant la période Covid. Leur remboursement serait établé et en cas de nouveau coup dur, un nouvel échelonnement serait accordé.
Dans leur ensemble, les mesures proposées par l’AGPB donneraient aux céréaliers les moyens de mieux gérer les crises auxquelles ils sont confrontés.
La section spécialisée de la FNSEA insiste. « Cette nouvelle crise climatiques n’explique pas à elle-seule le désarroi des céréaliers. Elle met en lumière le manque de vision politique et les impasses techniques et agronomiques auxquelles sont confrontées les céréaliers », affirme Eric Thirouin, le président de l’association spécialisée. Il cite en exemple les faux semis dorénavant interdits et les nombreux produits de traitement interdits pour détruire les adventices.
« Après les mobilisations massives de l’hiver dernier, les promesses faites sont restées des annonces », déplore encore le leader de l’AGPB.
Selon lui, la céréaliculture française est sur le déclin. Or notre pays est un des huit pays exportateurs majeurs de la planète. Et son blé lui permet d’avoir de l’influence dans le concert des Nations.
exonérer de TFNB ne sert strictement à rien, si ve n’est exonérer les gros propriétaires paysans. Sur les terres en location celà revient à augmenter le revenu du propriétaire étant donné que trop peu de paysans la récupère chez leur bailleur.
Bonjour,
Je ne suis pas agriculteur et je suis perdu:
1. Les mauvais rendements, sont dus à réchauffement climatique, or les fermiers se battent contre les mesures prônées par Bruxelles pour lutter contre ce réchauffement.
2. Les aspects financiers et les aides sont d’une complexité telle que je n’y comprends rien. J’ai l’impression que l’agriculteur d’aujourd’hui passe plus de temps dans son bureau avec ces chiffres et ces contrats que dans son champs.