L’affaire avait grand bruit (si l’on ose dire en l’occurrence) en juin 2016 lorsque, contre toute attente, la cour d’appel du tribunal de Bordeaux avait considéré les coassements des grenouilles comme du tapage nocturne dans un conflit de voisinage en Dordogne. Mais comme si ça ne suffisait pas, la cour de cassation de Paris a confirmé ce jugement, obligeant les propriétaires à combler leur mare… Alors que, dans le même temps, la police de l’eau le leur interdit pour sauver les batraciens, espèce protégée !
Peut-être vous souvenez-vous de cette affaire à Grignols, petit village de Dordogne de moins de 600 âmes, où un voisin réclamait par voie de justice à ce qu’une mare soit bouchée à cause du bruit occasionné par… le coassement des grenouilles. Très logiquement, le propriétaire de la mare avait gagné en première instance. Pour autant, le voisin s’était entêté jusqu’en appel. Et là, surprise… En juin 2016, la cour d’appel de Bordeaux décidait de demander à ce que la mare soit rebouchée. Cela, au détriment de plusieurs règles, sans respecter le droit inhérent, notamment, à l’environnement.
Ainsi, le ministère de l’Environnement lui-même (Ségolène Royal en était le ministre à ce moment-là) stipule (nous diffusons le document complet, à consulter en fin d’article) : « Sont interdit, sur le territoire métropolitain et en tout temps, la destruction ou l’enlèvement des oeufs ou des nids, la destruction, la mutilation, la capture ou l’enlèvement, la perturbation intentionnelle des animaux dans le milieu naturel. Sont interdites sur les parties du territoire métropolitain où l’espèce est présente ainsi que dans l’aire du déplacement naturel des noyaux de population existants, la destruction, l’altération ou la dégradation des sites de reproduction et des aires de repos des animaux. (…) Une mare constituant le site de reproduction de très nombreuses espèces d’amphibiens, son comblement constituerait une violation à cette interdiction. (…) Est puni de deux ans d’emprisonnement et de 150 000 € (…) le fait (…) de porter atteinte à la conservation d’habitats naturels.«
En d’autres termes, si la mare est bouchée par les propriétaires, ils devront payer 150 000 € d’amende pour atteinte à espèce protégée, et passer deux ans en prison… Alors que la cour d’appel les condamne à combler cette mare ! D’où leur pourvoi en cassation. Or, élément nouveau, la cour de cassation de Paris a confirmé le jugement de la cour d’appel ! C’est-à-dire qu’elle confirme la légitimité d’un tribunal à fonder ses décisions sur autre chose que le droit !
« Il a été répertorié dans notre mare quatre espèces protégées au niveau européen, explique son propriétaire, Michel Pecheras, aux lecteurs de WikiAgri, des grenouilles, mais aussi des salamandres, des tritons… Et lorsque la police de l’eau nous a visité, l’agent a été clair : si nous rebouchons la mare, nous aurons droit à l’amende précisée dans le courrier du ministère… » Alors que la cour de cassation, de son côté, condamne ce 14 décembre 2017 les propriétaires à 3 000 € de frais de justice (le fait d’être passé par la cour d’appel), 300 € d’amende par jour, depuis juin 2016 (date du procès en appel) pour ne pas avoir rebouché la mare (soit une somme dépassant dès à présent les 150 000 € !), plus différents frais qui leur incombent (les frais d’huissiers, venus à la demande des voisins irascibles, qui ont relevé les décibels du bruit des grenouilles, pour citer un exemple)… Et la facture devient un bien meilleur jackpot que le loto.
« Moi, je suis retraité, explique Michel Pecheras. Je perçois 800 € par mois. Mon épouse, est en semi-retraite, elle fait des remplacements à l’hôpital, elle gagne entre 1000 et 1200 € selon son nombre d’heures… Nous ne sommes pas richissimes du tout ! On nous demande une véritable fortune pour quelques malheureuses grenouilles, pour lesquelles nous n’avons aucune solution puisque nous serons condamnés quoi que nous fassions !«
Leur compte bancaire est bloqué depuis juin 2016 date du procès en appel, avec possibilité d’utilisation maximale de 530 € par mois. Le reste est devenue une épargne forcée, dans l’hypothèse où il faudra payer…
« Notre voisin doit avoir un train de vie tel qu’il a trouvé le filon. Mais ce je ne comprends pas, c’est que la justice suive…« , s’émeut Michel Pecheras, visiblement miné par cette affaire (et le serait à moins).
Ce qui était au démarrage une histoire de voisinage façon clochemerle, presque rigolote tant elle était invraisemblable, est devenue un véritable cauchemar pour ceux qui la vivent, qui se retrouvent sans issue, puisque la cour de cassation est le dernier recours en France… « Nous allons voir quelle instance mobiliser au niveau européen« , souffle encore Michel Pecheras. Car il n’a même plus la possibilité de « laisser tomber », vues les sommes en jeu. Obligés d’aller au bout du bout, soudés lui et son épouse face à l’adversité.
Au niveau local, l’affaire ne laisse pas indifférent. Certains souhaiteraient une réunion avec tous les protagonistes, les deux voisins, les associations écologistes, le maire de la commune… Qui pourrait avoir lieu sous l’égide la préfète de Dordogne. Mais au niveau de la préfecture, on dément, pour le moment en tout cas, toute intervention dans l’affaire.
Quid du ministère de l’environnement ? En son temps, Ségolène Royal n’avait pas été indifférente à cette affaire très médiatisée. On n’imagine mal que Nicolas Hulot le soit. Et il doit être, très probablement, alerté de la situation. Reste à savoir quel est son rayon d’action face à des décisions de justice, et sa volonté de parvenir à trouver une solution à un problème insoluble.
Et puis il y a les associations écologistes. Cistude Nature est une association de protection de la nature. Elle est intervenue après le jugement de la cour d’appel de juin 2016 en allant sur place et en dénombrant « pas moins de 6 espèces protégées en France, dont certaines au niveau européen« , rapporte son directeur Christophe Coïc, et en rédigeant un rapport, dont n’a donc pas tenu compte la cour de cassation. Il enchaine : « Notre association compte 11 salariés et intervient régulièrement dans des conflits de voisinage où trop souvent, les rurbains méconnaissent les réalités de la vie en zone rurale. Mais là, on est encore sur autre chose que le chant du coq qui dérange. Nous sommes dans un cas où la justice ne prend pas en compte le droit de l’environnement. Des lois ont été votées pour préserver la biodiversité en France. Elles doivent s’appliquer à tout le monde, et la justice se doit de les faire respecter. Aujourd’hui, la question se pose : quelle instance peut, en France ou en Europe, « casser » le jugement d’une cour de cassation ? Le Conseil d’Etat ? L’Europe ? Mais même les cours européennes de justice, cela prend plusieurs années ! En attendant, les Pecheras sont condamnés à payer, quoiqu’ils fassent, et leurs grenouilles avec eux.«
Il insiste : « Il faut absolument aller au bout de cette affaire. Il en va de l’avenir de la biodiversité dans notre pays. Ça ne sert à rien de faire des lois si derrière notre justice n’en tient pas compte dans ses décisions. » Et, de fait, à l’heure où cet article est publié, Christophe Coïc est en train de se renseigner pour essayer de trouver par quelle voie passer pour parvenir à surseoir à la décision de la cour de cassation.
Victimes collatérales de ces errements juridiques, les Pecheras ne sont certes pas les premiers à devoir faire face à des voisins de la sorte, mais la question est : pourquoi notre justice ne respecte-t-elle pas ses propres textes de loi ?
En savoir plus : https://wikiagri.fr/articles/jurisprudence-les-coassements-des-grenouilles-sont-du-tapage-nocturne/9783 (le début de l’affaire, en juin 2016) ; http://www.cistude.org (site internet de l’association de protection de la nature Cistude Nature).
La photo ci-dessous est une photo d’illustration issue de Fotolia, qui na pas été prise dans la mare concernée. Lien direct : https://fr.fotolia.com/id/182486563.
Ci-dessous, le courrier envoyé par le ministère de l’Environnement aux propriétaires de la mare aux grenouilles (recto / verso).
moi ce que je vois c est la lenteur administrative
C’est dément peut être la communauté agricole qui a déjà pas mal de soucis pourrai faire pression car au point où on en est pourquoi ne pas se voir condamné pour le pet des vaches qui réchauffe la planète pour en revenir à cette affaire ma l’eure use ne pourrai ton pas en informer le président de la république après tous les lois et la justice il en est garant cette situation est vraiment burlesque
C’est dément peut être la communauté agricole qui a déjà pas mal de soucis pourrai faire pression car au point où on en est pourquoi ne pas se voir condamné pour le pet des vaches qui réchauffe la planète pour en revenir à cette affaire ma l’eure use ne pourrai ton pas en informer le président de la république après tous les lois et la justice il en est garant cette situation est vraiment burlesque
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J’habite un petit village à une trentaine de mètres d’un étang, les grenouilles coassent à gorge déployée tout l’été. Ça ne me dérange pas du tout, au contraire, c’est la nature et les invites qui me rendent visite sont surpris par le boucan de mes voisines. Mais ils s’habituent vite.
Le voisin ferait mieux d’aller habiter en ville au calme……
Bon courage Mr Pécheras
PS. Installez une basse-cour à côté de la mare