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« Les céréaliers ukrainiens restent d’importants concurrents pour les Français »

Malgré la crise politique, l’agriculture ukrainienne reste dynamique et constitue toujours le premier secteur d’exportations du pays. Jean-Jacques Hervé, conseiller pour les questions agricoles au Crédit Agricole d’Ukraine, revient sur la situation des producteurs locaux et leurs principaux atouts sur le marché des céréales.

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Yvoir.fr : Quelles sont les conséquences de l’ouverture, fin avril, des frontières de l’UE aux denrées agricoles en provenance de l’Ukraine ?

Jean-Jacques Hervé : Cet accord court tacitement jusqu’à fin 2015. Malgré la baisse des taxes douanières, les exportations de l’Ukraine vers l’Europe sont restées globalement stables. Pour les productions végétales, cela s’explique par une faible élasticité de ces marchés. En maïs par exemple, les niveaux d’export ont atteint environ 11 millions de tonnes (Mt) en 2014, comme en 2013. Concernant les produits animaux, les règles européennes sont très strictes et la Direction générale de la santé et des consommateurs (DG Sanco) se montre réservée quant à l’aptitude de l’Ukraine à respecter ces normes.

Cet accord se veut plus une manière de marquer un rapprochement entre l’Union Européenne et l’Ukraine, sans engagement réellement financier.

Toutefois, l’agriculture reste le premier secteur d’exportations de l’Ukraine. A ce jour, elles ont lieu dans de bonnes conditions, la corruption est mieux contrôlée.

Yvoir.fr : Comment se positionne l’Ukraine aujourd’hui en termes de production ?

J.-J. H. : En 2014, la récolte de céréales a atteint 64,2 Mt, un niveau comparable à une bonne année, alors que les surfaces avaient été amputées de 10 %. Ce qui signifie que la productivité a connu une hausse. 

Pour la campagne 2014-2015, les semis de céréales d’hiver sont terminés. La surface atteint 8 millions d’hectares, soit 7 % en plus par rapport à l’année dernière, malgré les difficultés rencontrées dans les zones bombardées à l’est de l’Ukraine et en Crimée. C’est donc une augmentation non négligeable ! Les Ukrainiens cultivent essentiellement des variétés locales, très résistantes au froid, aux maladies et, surtout, avec un taux de protéines élevées, qui trouvent leur place sur les marchés à l’export.

Bien que les implantations aient été réalisées en conditions sèches, les céréales sont en majorité en bon état aujourd’hui. La fertilisation d’automne s’est déroulée normalement, et devrait se poursuivre dans les mêmes conditions. Si la situation politique reste stable, il ne devrait pas y avoir d’obstacles majeurs à atteindre les rendements habituels, (35 q/ha pour les céréales et 55 q/ha pour les maïs).

Yvoir.fr : Dans quelle mesure les producteurs ukrainiens sont-ils de potentiels concurrents pour les Français ?

J.-J. H. : Pour mesurer le potentiel de concurrence des Ukrainiens, deux éléments doivent être analysés : la qualité et la compétitivité.

En termes de qualité, les céréales d’Ukraine sont très appréciées sur les marchés du Moyen-Orient, en raison d’un bon taux de protéines, supérieur de 1,5 à 2 points à celui observé en France. Par contre, les Ukrainiens ne sont pas très forts sur les teneurs en mycotoxines, alors que les Français sont plus rigoureux.

Concernant la compétitivité, l’agriculture ukrainienne fonctionne sans subvention, contrairement aux producteurs français via les aides de l’UE, qui n’ont donc pas la même « agressivité ». Récemment, leurs coûts de production ont légèrement augmenté, mais comme ils sont indexés sur le prix du pétrole, ils devraient diminuer à nouveau. Certes, la dévaluation de la monnaie actuellement en cours rend plus chers les imports de semences et de produits agrochimiques mais il existe des génériques en provenance d’Inde ou de Chine très contrôlés sur la qualité et qui restent abordables. Malgré les difficultés économiques, les producteurs ukrainiens s’avèrent de sérieux concurrents. Pour leur faire face, il est nécessaire de mettre en place des partenariats concrets avec l’Ukraine, à l’instar des grands groupes internationaux de traders agricoles (Cargill, Louis Dreyfus…) qui n’hésitent pas à y installer usines et silos.

Audrey ALLAIN (Yvoir.fr)

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