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« L’assurance climatique, l’assurance coup dur » (Gwénaël Simon, directeur assurances des particuliers, professionnels et agricoles de Groupama)

En dressant le bilan de l’année 2024 de ses activités assurantielles, les dirigeants de Groupama n’ont pas manqué de promouvoir les vertus des contrats d’assurance multirisque climatique proposés aux agriculteurs. Mais le seuil de couverture de 60% de la ferme France, nécessaire pour rendre la couverture assurantielle pérenne et financièrement indépendante est encore loin d’être atteint.

Depuis 2023, le nouveau régime d’assurance récolte à trois étages motive davantage d’agriculteurs à assurer leurs productions de céréales, arboricoles, viticoles et même leurs prairies. A ce jour, près d’un un quart de la surface de la ferme France est couverte pas un contrat Multirisque risque climatique (MRC). En 2023, le taux de couverture n’était que de 17%.

Selon Gwénaël Simon, directeur assurances des particuliers, professionnels et agricoles de Groupama, le groupe protège, à lui-seul 2,2 millions d’hectares toutes filières confondues, une superficie en hausse de 31 % depuis le mois de janvier 2023.

Le 12 février dernier, il dressait le bilan 2024 des activités assurancielles de l’Organisation professionnelle agricole qu’il préside entouré par  Laurent Poupart, le président du groupe, par Stéphane Cools, président de Groupama Centre-Atlantique  et par Pascal Viné, directeur des relations institutionnelles.

« Pour que le modèle d’assurance MRC soit stabilisé, pérenne et pour qu’il puisse s’autofinancer, un taux de couverture de 60 % de la Ferme France serait nécessaire, soutient Pascal Viné. Il permettrait de diversifier le risque et il serait suffisamment étendu pour absorber le fonds de solidarité nationale de 680 millions d’euros par an actuellement financé par l’Etat ».

L’assurance récolte avec ses options doivent être assimilés à un facteur de production comme n’importe quel intrant. Aussi, elles imposent des arbitrages en fonction du rapport bénéfice/perte qu’elles représentent…en sachant que le coût des primes des contrats proposés, qui reste à la charge des agriculteurs, « est équivalent, par hectare, au prix d’un quintal de blé », soutient Stéphane Cools.

Un cas d’école

Mais pour inciter les agriculteurs à souscrire un contrat MRC et pour montrer les bénéfices qu’ils en tireraient, l’exemple proposé par Groupama vaut mieux que mille mots :

Un agriculteur exploite 50 ha de blé avec une production moyenne de 8 tonnes par hectare à 200 euros l’unité. Le chiffre d’affaires est alors estimé à 80 000 €. Il souscrit un contrat d’assurance avec une franchise à 25%. 

Si cet agriculteur perd 40 % de sa récolte, il perdra alors 20 000 €, c’est-à-dire le montant de la franchise (0,25 x 80 000 €) puisqu’il aura perçu entre temps une indemnité équivalente à 15 % de ses pertes (80 000 € x 0,15), soit 12 000 €.

Sans assurance, le manque à gagner est de 32 000 € (la franchise de 20 000 € + 12 000 €).

Avec des rendements en chute de 60 %, générant  48 000 € de perte, le même agriculteur assuré percevra 20 000 € d’indemnité au titre de la MRC et 8 000 € d’indemnité de solidarité nationale. Sa perte sèche reste de 20 000 €.   

« L’assurance climatique est l’assurance coup dur. Ce n’est pas une assurance revenu », commente Gwénaël Simon, directeur assurances des particuliers, professionnels et agricole de Groupama. L’indemnisation versée finance une grande partie des mises en cultures de la prochaine campagne.

Sans assurance, le céréalier confronté à une chute de sa production de 60 000 €, subit un manque à gagner de plus de 45 000 €. Seules les 35 % des pertes au-delà du seuil de 50 % sont alors prises en charges par le Fonds de solidarité nationale en versant une indemnité de solidarité nationale de 2 800 €. 

Toutefois, les rendements pris en référence pour calculer le seuil de déclenchement de l’assurance MRC diminuent au fil des années déplorent de nombreux agriculteurs et leurs syndicats. « Mais ils traduisent ni plus ni moins une perte du potentiel agricole de la ferme France », défend Gwénaël Simon. Et la MRC n’a pas vocation à assurer cette perte ».

ISN peu sollicitée

Quoi qu’il en soit, de nombreux céréaliers déplorent que les seuils retenus sur leur exploitation rendent leur couverture MRC de moins en moins efficace.

L’été dernier, la production française de blé a diminué de 26 % par rapport à 2023. Pourtant Groupama « enregistre un rapport un rapport sinistres/primes 2 fois supérieur à 2023, avec la moitié de nos assurés indemnisés (hors prairies) ».

En fait, quasiment aucun territoire n’a été épargné par des baisses de rendement mais les pertes n’excédaient pas systématiquement les seuils de déclenchement des indemnisations climatiques des contrats souscrits. L’an passé, le taux S/C, le montant des indemnisations rapporté aux montants des cotisations était de 80%.

De même, Groupama a peu sollicité le Fonds de solidarité nationale pour verser des ISN, des indemnités de solidarité nationale (25 millions d’euros) car les pertes ont rarement dépassé les seuils de 50 %, fréquemment constatés par exemple en 2021 dans les bassins qui avaient alors été affectés par épisodes de sécheresse très intenses.

Par ailleurs, les pertes subies par les céréaliers l’été dernier sont aussi économiques puisque les prix de vente des grains ne couvraient pas les coûts de production. Dans ces conditions, les agriculteurs n’ont la trésorerie pour avancer les fonds nécessaires pour régler les contrats d’assurance. Les primes Pac des contrats conclus sont réglées 10-12 mois après leur souscription.

L’assurance paramétrique mise doute

Dans les régions d’élevage et de pâturage, l’assurance paramétrique évalue correctement les pertes de fourrages constatées après une période caniculaire intense mais rarement celles inhérentes à des pluies intenses, selon certains responsables professionnels agricoles. Or les prairies sont souvent impraticables et l’herbe de piètre qualité n’est plus fauchable. 

Mais selon Groupama, la souscription d’un contrat MRC pour protéger des prairies est utile en cas de coups durs.

« A date, près de 1 000 éleveurs non assurés ayant désigné Groupama comme interlocuteur agréé …ont bénéficié de l’ISN à hauteur de 40% de leurs pertes », rapporte encore Pascal Viné. Et comme le seuil de déclenchement de l’ISN est de 30 %, l’indemnité reçue équivaut à 40 % de la perte au dessus de ce seuil.

Mais « ils auraient touché une indemnité 3 fois supérieure s’ils avaient eu un contrat d’assurance avec franchise 25% », ajoute-il.

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