couverture eta 06 semaine 22

LE SHREDLAGE FAIT RUMINER… ET SALIVER

Développé aux États-Unis, le principe du déchiquetage du maïs débarque en Europe sous l’impulsion de Claas, propriétaire du concept Shredlage. Si les brins de 26 mn font ruminer les bovins américains, la technique commence à faire saliver les européens, et pas que les bovins.

 
Un supplément de production de 2 kg de lait par vache et par jour : c’est le bénéfice lié au
déchiquetage généré par les éclateurs d’ensileuses Shredlage selon une étude publiée en 2012 par l’université du Wisconsin aux Etats-Unis. Les américains n’étant pas du genre à tergiverser, 60 % des exploitations laitières de l’Ouest et 35 % à l’Est auraient adopté les rouleaux éclateurs Shredlage, selon leurs deux inventeurs qui, après avoir conclu un contrat de licence avec Claas en 2015, ont revendu leur technologie brevetée au constructeur en 2016.

Des rouleaux qui déchirent

L’éclateur Shredlage, contraction de Shredded Silage ou ensilage déchiqueté, est composé de deux rouleaux de 250 mm de diamètre, des rouleaux à profil en dents de scie et rainurés en croix, comptant 110 pour l’un et 145 dents pour l’autre. Les rouleaux tourment en sens inverse et sont animés par un différentiel de vitesse de 50 %. Cette conception a pour effet de déstructurer intégralement les tiges et les rafles qui sont broyées dans le sens de la longueur. Les éclateurs Shredlage génèrent des brins d’une longueur comprise entre 26 mm et 30 mm mais il est possible de ramener la longueur à 21 mm lorsque le taux de matière sèche est élevé. Au niveau des grains, l’effet pulvérisateur a pour objectif d’atteindre un taux d’éclatement égal ou supérieur à 70 %, un taux qui n’atteint pas les 60 % lorsque la longueur des brins tombe en-deçà de 18 mm. Chez Claas, le Shredlage complète la palette d’éclateurs Multi Crop Cracker (MCC), qui comptait jusqu’à présent le MCC Classic (différentiel de vitesse de 30 % pour une longueur de brin comprise entre 3,5 mm et 12 mm) et le MCC Max (différentiel de vitesse de 30 % pour une longueur de brin comprise entre 3,5 mm et 22 mm). Le Shredlage est disponible en Europe sur les Jaguar 870 et Jaguar 950 à 980.

Rumination et amidon

Selon les études américaines, le Shredlage engendre une augmentation de la rumination de 8 à 20 %, une augmentation légère du pH, une augmentation de la disponibilité de l’amidon à plus de 70 % et des effets positifs sur la santé des animaux, aboutissant, au final, à un gain de production de 2 kg de lait par vache et par jour. À ces effets positifs sur la santé des animaux, et sur l’activité de la panse des ruminants, s’ajoute une réduction des coûts du fourrage, du fait d’une quantité supérieure de fibres brutes digestibles dans l’ensilage. Du reste, aux États-Unis, le maïs déchiqueté, outre sa valeur alimentaire, fait office d’apport de fibres, au détriment de la paille ou d’un autre fourrage vert. Cet argument trouvera peut-être moins d’échos en France où les systèmes fourragers misent sur l’herbe sous toutes ses formes ou encore sur la luzerne sinon sur la paille pour compléter des maïs ensilages.

Études contradictoires

les études et l’adoption du Shredlage par les éleveurs américains sont un fait, il n’est pas sûr que les européens les adoptent spontanément sans procéder à leurs propres expertises. Le mouvement s’est d’ores et déjà opéré en Allemagne à l’initiative de plusieurs stations expérimentales, telles que celles de la Chambre d’agriculture du Rhénanie du Nord et de l’Institut agricole de Bavière. Elles ont comparé un ensilage Shredlage à 26 mm avec une coupe de 7 mm avec ou sans paille dans les deux cas pour la première et avec paille pour la seconde sur des lots de vaches laitières (Holstein et Brown Swiss) recevant du maïs ensilage à hauteur respectivement de 45 % et 38,7 % dans la ration. Résultats : les tests d’alimentation n’ont pas démontré de différence ni au niveau de la production laitière ni au niveau de la composition du lait. Les pertes au silo, imputables à une moindre compaction (moindre densité respective de – 10 % et – 9 % dans les deux essais) étaient en revanche plus élevées ( + 2,3 % et + 8,5 %).

Vitesse différentielle et écartement

La déchiquetage associé à la pulvérisation des grains a démontré aux États-Unis une augmentation de la production laitière
 
Une autre étude émanant de cinq organismes allemands (Chambre d’agriculture de Schleswig-= Holstein, Centre d’enseignement et d ’e x p é r i m e n t a t i on de Futterkamp, Institut de recherche Lufa Lichtenwalde, Institut technique agricole de l’université de Bonn, Chambre d’agriculture de Rhénanie du Nord-Westphalie) s’est quant à elle attachée à vérifier si l’effet de déchiquetage des tiges et rafles et de pulvérisation des grains ne pouvait pas être obtenu au moyen d’éclateurs autres que le Shredlage. Une étude diligentée par John Deere fournissant une 8500i équipée d’un rotor 64 couteaux, de cueilleurs Kemper 475Plus et comparant deux types d’éclateurs, à savoir les Rouleaux intensifs USA de la marque et les éclateurs Scherer TC, du nom du constructeur américain avec qui John Deere a conclu à l’automne 2016 un accord portant sur le développement et la commercialisation de ces éclateurs ayant un effet de type Shredlage. Le test avait pour indicateur le CSPS (Corn sillage processing score), autrement dit le taux d’éclatement des grains, considéré comme excellent au-delà de 70 %. L’essai intégrait un facteur matière sèche à quatre gradients (27-31 %, 31-35 %, 35-39 %, 39-43 %) et pas moins de 10 longueurs de coupe (3 à 29 mm). Les enseignements ont été les suivants. Quel que soit l’éclateur, le CSPS a été supérieur ou égal à 70 % dans tous les cas, même si l’augmentation de longueur de coupe entraine une baisse de l’éclatement tandis que l’augmentation du taux de matière sèche l’augmente. Autrement dit, d’après cet essai, il est
possible de produire de l’ensilage déchiqueté et pulvérisé sans forcément recourir à des éclateurs de type Shredlage. Plus que le profil des rouleaux, les auteurs de l’étude deux facteurs déterminants que sont le différentiel de vitesse entre les deux rouleaux (40 % ) et le serrage de l’éclateur (1 mm). L’étude fait d’une moindre compaction des silos avec les éclateurs Scherer mais d’un effet physiologique bénéfique des ensilages coupe longue pour les rations à forte teneur en maïs.
 
Texte: Raphaël Lecocq
 
 

 

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