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Chef d’orchestre, la Chine mène les marchés à la baguette

La demande mondiale de produits agricoles ne tarit pas. L’Empire du milieu a un pouvoir d’influence important sur la plupart des marchés de commodités, analysent les contributeurs du 35e Cyclope « Les marchés mondiaux » coordonné par Philippe Chalmin et Yves Jégourel.

La Chine est le premier pays importateur de céréales au monde. L’empire du milieu a acheté 51 millions de tonnes (Mt) de grains (blé, maïs, orges, sorgho, etc.) durant la campagne 2020-2021. Et d’après le Conseil international des céréales (CIC), elle s’apprête à en acheter au moins 43 Mt durant la prochaine campagne.

Pour la suite, Philippe Chalmin, coordinateur de l’édition du cyclope  2021 « les marchés mondiaux », « il est impossible de savoir, à l’heure actuelle, la hausse vertigineuse des importations chinoises vise seulement à reconstituer ses stocks de céréales et le cheptel porcin victime de la peste où si elle est l’amorce un mouvement de fond ».

Dans ce dernier cas, les millions de tonnes de céréales importées en plus s’ajouteraient aux 100 Mt de graines de soja et aux quantités d’oléagineux achetées chaque année.

Pour 2021-2022, la question de l’approvisionnement des marchés agricoles ne se pose pas. On se dirige de nouveau vers une production record de grains estimée à  2 164 Mt, selon le CIC, en hausse de 50 Mt sur un an. Mais si la Chine accroît ses importations les années suivantes, elle ne manquera pas d’influencer les déroulements des prochaines campagnes commerciales en faisant davantage pression sur les prix.

Mais aussi surprenante soit-elle, l’inflation des cours des céréales et de l’ensemble des matières premières observée ces derniers mois n’augure pas l’amorce d’un « super cycle » des marchés avec de prix stabilisés à des niveaux élevés pendant plus de dix ans, a déclaré Yves Jégourel, coordinateur du Cyclope 2021.

En 2021, l’Empire du milieu « qui représente désormais le quart de la consommation mondiale de viandes, est déterminant dans les équilibres futurs du marché mondial des viandes », analyse Jean-Paul Simier contributeur du Cyclope 2021.

Or l’empire du milieu n’en a pas fini avec la peste porcine qui a décimé ses élevages porcins. « Il se prépare à combler un déficit en viande porcine colossal équivalent à 20 % de ses besoins. Si bien que les importations chinoises seront encore très élevées en 2021, presque équivalentes à 2020 (environ 5 millions de tonnes) », affirme Jean Paul Simier.

Le continent américain indemne de peste porcine pourra approvisionner le marché chinois en viande porcine. Mais si l’épidémie de peste se répand en Europe, la Chine se détournera du marché des Vingt-sept et les cours du porc d’effondreront.

C’est sur l’ensemble des marchés de la viande bovine, ovine et de volailles que l’empire du milieu cherchera à  combler ses déficits en produits animaux.

Or la production mondiale de viande bovine reculera car l’Australie, l’Inde et les Etats-Unis notamment.

Sur le marché mondial de la viande ovine, piloté par la demande chinoise, l’Union européenne n’aura pas à craindre cette année encore la concurrence néozélandaise.

La hausse des céréales et des oléo-protéagineux pourrait freiner l’expansion de la production mondiale de volailles. Toutefois, « portée par la nouvelle demande asiatique et surtout chinoise, elle continuerait à croître », défend Jean-Paul Simier.

539 Mt (+ 7 Mt sur un an) de lait seraient produites dans le monde en 2021. La moitié de la croissance de la production de lait sera réalisée dans 5 pays exportateurs et dans l’Union européenne à Vingt-sept (158,1 Mt ; +0,6 Mt).

La crise sanitaire devrait continuer à peser sur les filières laitières en 2021 et ralentir la demande en produits laitiers.

Or la conjoncture des prix en 2020 a été favorable. Les effectifs des troupeaux croissent et les rendements en lait progressent continument. En Argentine et en Océanie, le retour des précipitations a stimulé la production de fourrages.

Dans l’Union européenne, l’Irlande est le moteur de la croissance européenne de lait. Or elle ne représente que 5,4 % de la collecte. Depuis 2015 et la fin des quotas, la production de lait a progressé de 30 %. La faiblesse des coûts de production la rend toujours compétitive même si les prix des produits laitiers à l’export s’effondrent. Mais en France, la contractualisation de la production laitière entrave l’essor de la filière. De plus en plus de producteurs cessent leur activité sans trouver de successeur.

L’ensemble des filières animales apprennent à vivre avec les épizooties récurrentes. La crise de la Covid 19 n’en est qu’une parmi d’autres. « La mondialisation et le transport plus rapide d’un nombre croissant de marchandises et de passagers accompagnent la propagation des maladies à travers le monde, explique Jean Paul Simier. L’Office International des Épizooties basé à Paris estime que le monde est face aujourd’hui à un impact et une extension des zoonoses, sans précédent dans l’histoire de l’humanité. Il recense 117 maladies animales faisant l’objet d’un suivi international (maladies ayant des conséquences sanitaires et socio-économiques graves) ».

Dans l’Union européenne, le sujet d’actualité est de savoir si les agriculteurs seront bonnement incités dans les toutes prochaines années à produire pour exporter vers des pays tiers. « Une étude – peut-être un peu orientée puisqu’elle émane de l’USDA – estime que la mise ne place de la Pac et de la stratégie de la fourche à la fourchette de la Commission européenne entraînerait une baisse de 12 % de la production agricole européenne avec 48 % de diminution pour la production céréalière, 60 % pour les oléagineux, 20 % pour le sucre… », rapporte Philippe Chalmin.

Autrement dit, les Vingt-sept sont à la veille d’adopter une réforme de la Pac pour 2023-2027 qui pourrait l’isoler commercialement.
 

Ci-dessous, illustration Adobe.

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