Traditionnellement, le salon de l’agriculture est visité par les principaux leaders politiques français, de toutes les tendances. La façon dont les uns et les autres sont accueillis, les discours qu’ils tiennent, sont autant d’indicateurs de la santé politique de notre pays…
J’ai observé personnellement depuis plusieurs années que la visite de Marine Le Pen entraine un véritable engouement. S’il existe aussi parfois des contradicteurs, globalement, depuis au moins cinq ans, elle fait mieux chaque année que l’année précédente, à l’applaudimètre des allées du salon de l’agriculture… Hé bien, pour 2018, patatra ! Elle qui a pris un maximum de voix dans les zones rurales, souvent délaissées par les politiques « traditionnels », semble beaucoup moins suivie désormais. Son cortège est apparu presque maigrelet, et elle fut bien moins sollicitée que lors des éditions précédentes. C’est important, car plusieurs enquêtes avaient montré que le vote agricole avait glissé, au fil des années, de la droite traditionnelle vers le Front national, avant de choisir Emmanuel Macron au tout dernier scrutin. La perspective d’un avenir meilleur pour l’agriculture française avec l’avènement de Marine Le Pen semble bien moins d’actualité dans les esprits paysans désormais.
Le prochain scrutin, même s’il n’aura lieu qu’en 2019, concernera les élections européennes. Elles sont particulièrement importantes pour le monde agricole puisque la Pac, politique agricole commune, reste encore aujourd’hui l’unique politique effectivement commune à tous les Etats-membres. Certes, on sait que la défense, la sécurité ou encore la recherche doivent faire l’objet de nouvelles lignes budgétaires, mais l’agriculture européenne va conserver son système de soutiens à l’agriculture, au moins ces prochaines années. Qu’a-t-on observé sur le sujet au salon ? D’abord, Emmanuel Macron a eu un discours peu compréhensible, d’une part dans sa vocation à vouloir justifier l’accord de libre-échange entre l’Europe et le Mercosur particulièrement défavorable à notre secteur bovin, et qui surtout autoriserait des importations de viandes ne présentant pas les mêmes garanties sanitaires que chez nous, avec de la nourriture où l’on regarde bien moins si les cultures sont Ogm ou s’il a fallu des pesticides pour les faire pousser. D’autre part, en voulant à tout prix arrêter le glyphosate en France deux ans avant le reste de l’Europe, créant une distorsion de concurrence interne. Visitant le même jour que le Président le salon, François Asselineau, le chantre du Frexit (sortie de la France de l’Europe) a eu beau jeu de déployer des arguments qu’en d’autres temps on aurait considéré simplistes, mais qui furent écoutés dans ce contexte…
Autre aspect, la constitution des listes pour les européennes. On attend particulièrement de savoir à qui seront données les places éligibles au sein de LR, puisque ce parti, qu’il gagne ou non en France, fait partie du groupe PPE au Parlement européen et est majoritaire en Europe. Ce sont donc ses élus qui, majoritairement, font les lois européennes. Lors des précédentes élections européennes, l’Ump (à l’époque) n’avait pas vraiment brillé en constituant des listes avec d’autres critères que les connaissances en agriculture ou les convictions (et si possible compétences) européennes. Finalement, Michel Dantin, dont la présence semblait pourtant incontournable de ces points de vue, avait été « rattrappé par les cheveux » au dernier moment, accompagné uniquement d’Angélique Delahaye. Sur l’ensemble des élus (74 députés européens aujourd’hui, dont 20 de la droite républicaine ou du centre), se retrouver juste à deux capables de suivre les débats sur l’agriculture européenne, c’est un peu limite… Hé bien, à la lumière des infos que j’ai pu glaner quant aux intentions de constitutions des listes, ce pourrait être encore pire pour les élections de 2019…
Puisque nous parlons de la droite, coup de projecteur sur les ses leaders visiteurs du salon. Valérie Pécresse est passée le lundi soir, s’arrêtant principalement sur les stands de sa région, l’Ile de France. Elle y a prononcé un discours vantant sa politique agricole régionale, avec notamment un budget en hausse de 40 % pour ce secteur. Laurent Wauquiez, au-delà des quelques petites phrases dont la presse a fait ses choux gras, a paru détendu dans sa parka rouge, la même les mardi et mercredi. Pour autant, il en fut au salon comme ailleurs : il avait ses partisans, et les autres… Mais celui qui a semblé peut-être le mieux tirer son épingle du jeu fut Xavier Bertrand. Disponible, tant sur sa région qu’en visite globale (lui aussi est resté les mardi et mercredi), il avait visiblement bien étudié la problématique agricole avant son passage. Sur la constitution des prix, il a demandé à ce que ceux qui sont entre le producteur et le consommateur fassent un effort dans leurs marges pour préserver un revenu agricole décent sans pour autant en faire payer le prix au consommateur. Il a même imaginé un processus d’aide aux agriculteurs pour qu’ils améliorent la constitution de leurs filières pour mieux peser dans les négociations avec les autres acteurs, aides soumises à un résultat en la matière. À ce niveau, son propos a paru plutôt national que régional. Il s’est d’ailleurs affiché avec Renaud Muselier, président de la région Provence Alpes Côte-d’Azur, sur son stand des Hauts-de-France, montrant un axe nord-sud finalement très politique…
Semblant jouer parfois son propre rôle tout dans l’amplitude du geste et de la voix, Jean Lassalle, seul homme politique à placer la défense de la ruralité au premier rang de ses préoccupations et à ce titre plutôt vu d’un bon oeil par les agriculteurs, a aussi avancé sérieusement d’un point de vue strictement politique. C’est ainsi qu’il va lancer son parti fraichement constitué, Résistons !, dans la bataille des élections européennes. Il souhaite que la France rayonne en Europe « comme au temps de De Gaulle », et surtout il veut redonner à l’Europe « le goût de l’être humain », comprenez lui faire quitter ses aspects technocratiques au profit de politiques prenant davantage en compte les êtres humains.
Alors que la bataille a fait rage sur ce sujet en tout début de salon, on apprenait finalement en début de semaine que pour des raisons qui appartiennent aux pays de l’Amérique latine, l’accord de libre-échange souhaitée par l’Europe avait, pour le moins, du retard. D’où un grand ouf de soulagement, tant pour les éleveurs ou autres producteurs de bioéthanol, que finalement pour bon nombre de politiques pas forcément très à l’aise sur le sujet et heureux de pouvoir parler d’autre chose…
Ci-dessous, Haute et son veau, le charme absolu ! Haute, l’aubrac égérie du salon 2018, a d’autant plus séduit les visiteurs lorsque son veau était présent avec elle.
Ci-dessous, la visite d’Emmanuel Macron telle que la plupart des visiteurs du premier samedi l’ont vécue : de loin, du fait d’un imposant cordon de sécurité, d’autant que sur les 12 h 30 de visite du Président de la République, plus de 9 heures ont été passées dans des salons privatifs. Il a même évité le hall 3, celui des régions… Un record de présence finalement resté très… statistique.
Ci-dessous, venu le même jour qu’Emmanuel Macron, François Asselineau, chantre du Frexit, eut beau jeu de développer ses arguments séparatistes face aux prises de position du Président de la République, sur le Mercosur notamment.
Ci-dessous, présente le lundi presque exclusivement sur les stands de sa région, l’Ile de France, Valérie Pécresse a rappelé son engagement par rapport à l’agriculture.
Ci-dessous, à l’aise et disponible, Xavier Bertrand a montré dans son discours qu’il réfléchissait à un véritable programme agricole dépassant le cadre de sa région des Hauts-de-France. Sur notre photo, il accueille justement sur le stand de la grande région nordiste Renaud Muselier, président de Provence Alpes Côte d’Azur.
Ci-dessous, Laurent Wauquiez a eu ses soutiens, et ses détracteurs, au salon un peu de la même façon qu’en dehors. Résolument souriant, il a volontiers répondu à la presse (ici Public Sénat, sous les yeux de Christian Jacob) et à ceux qui l’accostaient. Presse qui a aussi repris quelques petites phrases…
Ci-dessous, il ne s’est attiré que des sourires ! Jean Lassalle, finalement le seul homme politique actuel qui place les problématiques de la ruralité en première position de son discours, n’a cessé d’être sollicité pour une poignée de main, un selfie, un refrain de chant pyrénéen… Au-delà du personnage, il y a aussi l’homme politique, qui pense aux européennes…
Ci-dessous, une autre façon de faire de la politique, profiter d’une tribune pour faire avancer ses dossiers. Dans un débat public sur le stand de la Commission européenne, Arash Derambarsh a sommé le commissaire européen à la sécurité alimentaire Vytenis Andriukaitis de prendre l’initiative d’une directive européenne sur le gaspillage alimentaire avant les élections de mai 2019 (qui en reculeraient d’autant la mise en place effective).