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Le revenu des agriculteurs de moins en moins agricole

Chercher de nouvelles sources de revenus devient une préoccupation récurrente pour les agriculteurs puisque les marchés agricoles rémunèrent mal et aléatoirement leurs activités de production. Elle mobilise les gouvernements, les parlementaires et les représentants professionnels.

Pas de revenu sans prix ! Cet adage a-t-il seulement encore un sens? La formation des revenus des agriculteurs repose de plus en plus sur la diversification de leurs activités (tourisme, vente directe, production d’électricité et de gaz, entre autres) et sur une multitude de dispositifs de soutiens publics (aides Pac, exonérations sociales, mesures fiscales, etc.). Ce qui réduit par contrecoup la part de leur revenu issue de leur activité de production agricole et de la vente de leurs produits. Et le développement de la couverture des risques va accentuer ce phénomène.

Aussi, en voulant sécuriser les prix et les volumes de produits agricoles, seule une généralisation de la contractualisation pourrait inverser cette tendance puisque ce dispositif s’inscrirait alors en porte à faux avec cette déconnexion. Et il serait alors le seul, depuis des années, à avoir un rapport direct avec l’activité agricole.

La France ne fait pas exception. Dans de très nombreux pays, développés ou pas, les revenus des agriculteurs ne sont pas directement liés à la vente de leurs produits. Soit parce qu’ils sont taxés (à l’export par exemple), soit parce que de nombreux soutiens publics sont versées ou les deux à fois.

En présentant le budget pour 2016 du ministère de l’Agriculture à la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale, Stéphane Le Foll a lui-même mis en évidence cette déconnexion des revenus des prix et de la production agricoles. Le ministre de l’Agriculture évalue à vingt milliards d’euros le montant de l’ensemble des soutiens publics que l’agriculture recevra l’an prochain. Ils comprennent les aides Pac, des exonérations sociales, le Cice, etc. Et ils contribuent ensemble, sous une forme ou une autre, au revenu des agriculteurs.

Ces vingt milliards d’euros équivalent à 180 % du revenu de la ferme France (base de référence 2014). Mais comme ils sont découplés du fonctionnement volatil des marchés, ils ne permettent pas de contrer efficacement leurs comportements excessifs car les mouvements de prix portent sur des montants bien plus importants. D’où les crises de l’élevage de ces derniers mois car les producteurs n’ont pas les moyens de vivre qu’avec des aides, sans revenu issu de leur élevage.

Sans aides, point de revenu !

Aussi, trouver de nouvelles sources de revenus est une priorité. C’est même le thème de recherche d’un des 30 projets du plan « Agriculture – Innovation 2025 », présenté par Stéphane Le Foll ; l’idée défendue visant à trouver des critères de compétitivité agricole et agroalimentaire « hors prix » en développant des services environnementaux par exemple.

Selon ce projet de recherche,  « il faut développer les possibilités de rémunération des nombreux services écosystémiques que peuvent offrir l’agriculture : régulation et épuration de l’eau, préservation de la biodiversité, stockage de carbone, entretien d’espaces communs et des infrastructures de collectivités territoriales, ou encore maintien de paysages ouverts et diversifiés« .

Ces services s’inscrivent en partie dans le rôle qu’aura l’agriculture pour lutter contre le réchauffement climatique.

Et comme ces nouveaux services rendus par l’agriculture dépassent le seul domaine agricole, ils seraient rémunérés par le contribuable, le consommateur, l’usager ou l’opérateur d’infrastructures, suggère le ministère de l’Agriculture. 

Mais il faudra aussi trouver, selon le ministère, des outils de gestion pertinents des aléas climatiques, sanitaires et économiques (fonds de mutualisation, assurances, caisses de péréquation, marchés à terme, outils fiscaux comme la déduction fiscale pour aléas (DPA), etc. pour sécuriser le revenu agricole en ayant, là encore, recours à des ressources financières extérieures à l’agriculture.

Au Sénat, c’est par la loi que les parlementaires LR et UDI tentent de dégager de nouvelles sources de revenu « en redonnant aux agriculteurs les moyens de produire et de créer de la valeur ajoutée« . Mais si l’angle d’attaque différe de celle du gouvernement, l’objectif recherché et les moyens auxquels ont recours les sénateurs pour y parvenir sont similaires, ces derniers reposant, là encore, sur des dispositifs fiscaux et sociaux déconnectés de la conjoncture des marchés agricoles. 

La majorité sénatoriale veut en effet « encourager  la compétitivité de l’agriculture et de l’agroalimentaire, à travers de meilleures règles du jeu entre acteurs des filières agricoles et alimentaires, en facilitant l’investissement et la gestion des risques dans les exploitations agricoles ou encore à travers l’allègement des contraintes qui pèsent sur nos producteurs« Le retour à une Pac à l’ancienne avec des prix encadrés étant bien sûr exclu!

Mais ce sont des hausses de la TVA et de la CSG qui gageront les pertes de recettes pour l’État et les organismes de sécurité sociale résultant des différentes dispositions de la proposition de loi, écrivent ainsi les rapporteurs du projet de loi.

Autrement dit, les sénateurs LR et UDI proposent de nouvelles sources de financement du secteur agricole. Et si elles sont adoptées, elles ne seront ni plus ni moins, assimilables à des transferts de fonds publics supplémentaires vers l’agriculture qui s’ajouteront à ceux déjà reçus.

Une autre approche

En fait, l’urgence de la situation impose d’apporter des réponses immédiates à la situation de crise de l’élevage français, en particulier. L’écologisation et l’environnement de l’agriculture sont encore, pour les sénateurs UDI et LR, sources de contraintes, et pas encore sources de revenu. Le projet de loi des sénateurs prévoit ainsi d’alléger les charges de toute nature, que ce soit la sur-transposition des normes (en particulier environnementales) ou les charges patronales.

De nouveaux ajustements de la Dpa font aussi partie de ces dispositifs. C’est du reste une course à l’échalote à laquelle se livrent les parlementaires et les ministres depuis que la déduction pour aléas (Dpa) est créée. Il ne se passe par 6 mois sans qu’elle ne soit retouchée pour la rendre plus efficace.

Déjà des sources de financement extérieures

Dans ce projet de loi sénatorial figure, par ailleurs, l’idée de diversifier les sources de financement de l’agriculture en créant un Livret vert pour recréer un lien avec les citoyens et drainer l’épargne populaire vers les entreprises agricoles.

Le ministère de l’Agriculture recherche aussi des mécanismes innovants de financement de l’agriculture. Tout d’abord parce que l’outil traditionnel de la bonification des taux d’intérêt perd en efficacité et en attractivité et ensuite parce que « les investissements nécessaires pour ces nouvelles activités rattachées à l’agriculture seront financées par d’autres capitaux extérieurs à l’agriculture« , explique le ministère. Le portage du foncier par des capitaux extérieur est aussi une idée qui chemine.

Mais de nombreux agriculteurs diversifient déjà, depuis des années, les sources de financement de leur activité agricole.

Les revenus des conjoints des agriculteurs sont indirectement des capitaux apportés à l’exploitation puisqu’ils ne sont pas prélevés sur ses fonds propres. D’autres exploitants n’hésitent pas à faire appel à leur épargne personnelle et familiale pour investir dans leur exploitation. Des fonds de pension sont aussi de plus en plus nombreux à investir dans le secteur agricole.

 

En savoir plus : http://www.datapressepremium.com/rmdiff/2005592/PPLAGRICULTURE.pdf (la première mouture du texte de la proposition de loi des sénateurs LR et UDI).

 

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