A cause du climat, les actions de solidarité paille se sont multipliées au fil des années. Souvent d’initiative syndicale, elles ont d’abord eu pour vertu de mettre en avant la fameuse solidarité paysanne. Mais au fil du temps, celle-ci évolue, dans le sens de la responsabilisation et de l’organisation.

C’était il y a presque 10 ans. L’été 2003, sécheresse infernale. Un, puis deux convois s’organisent, dans un sens global nord-sud, nord de la Loire, sud de la Loire. Au nord, il reste de la paille, au sud, il en faut. Il n’est pas question de prix alors, mais d’aide d’urgence, de sauvetage de troupeaux. Des partenaires sont trouvés, et c’est la solidarité paysanne dans toute sa splendeur qui était mise en valeur à travers ces opérations.
Depuis, les choses ont évolué. Les caprices du climat sont devenus plus fréquents que sa normalité, et ces opérations d’abord exceptionnelles se sont franchement professionnalisées. Une opération paille, c’est toute une organisation, qui réclame de l’investissement personnel de la part de ceux qui l’entreprennent, mais aussi du pragmatisme. Il n’est plus question désormais de solidarité au sens de don et d’aide, mais au sens de stabilisation du prix. Ces convois sont désormais organisés pour éviter que des intermédiaires dotés de moyens de transport ne viennent profiter des situations difficiles pour venir prendre leur (grosse) marge en achetant au prix du marché là où il y a de la paille, pour la revendre bien plus cher là elle manque.
La première vertu d’un convoi paille aujourd’hui consiste à stabiliser les prix. Ceux qui apportent leur paille ne sont pas perdants, elle est achetée au prix du marché. Mais ceux qui l’achètent non plus, ils la récupèrent au même prix plus éventuellement celui du transport s’ils n’ont pas réussi à trouver des partenaires sur l’opération, mais pas plus. La gêne éventuelle de ceux qui pourraient avoir le sentiment de faire la manche s’envole, puisque désormais ils achètent. Simplement, à un prix qui ne remette pas en cause leur équilibre financier. Nous sommes le cadre d’un cercle vertueux, sans aucun perdant.
La stabilisation des prix
Pour autant, pour parvenir à mener à bien ce genre d’opérations, il faut toujours des volontaires, des organisateurs, qui passent du temps à collecter les informations pour savoir quels sont les besoins des uns, les possibilités de vente des autres, les transports possibles au meilleur prix, les aides éventuelles à aller glaner au passage pour baisser à l’arrivée le tarif à la tonne… Car il ne faut oublier que les acheteurs, dans la très grande majorité des cas, avaient espéré récolter eux-mêmes davantage de fourrage, et que des ballots de paille, même vendus relativement peu chers, viennent de fait s’ajouter à leurs charges. Donc, tout ce qui peut être pris pour permettre de baisser le tarif doit l’être… D’où le nécessaire volontarisme de quelques-uns, ce sont eux les vrais bénévoles, ce sont eux aussi qui pérennisent la tradition de solidarité de la profession agricole.
Les organisateurs d’aujourd’hui peuvent venir des rangs de ceux qui ont des besoins. Le cas s’est produit l’été dernier, et le bilan de l’opération était récemment rendu public, notamment dans plusieurs articles parus dans le quotidien breton Le Télégramme. La paille est venue de l’Yonne, elle est arrivée jusque dans le Finistère. Entre le démarrage et ce bilan, huit mois se sont écoulés. L’acheminement a été assuré, mais aussi le réglage de multiples petits problèmes survenus entre-temps, comme cette paille trop humide qui ne servait plus à rien pour les Bretons, mais pour laquelle il fallait bien trouver un débouché pour éviter que les participants de l’aval ne soient sanctionnés de leur bonne volonté.
Tout cela n’est pas simple, loin s’en faut. Mais à l’arrivée, après bien des efforts, on arrive au résultat espéré par tous les agriculteurs qu’ils soient victimes du climat ou non, la stabilisation des prix. Comme si, pour l’obtenir, il fallait sans cesse gérer une crise…
En savoir plus : http://www.letelegramme.com/tag/solidarit%C3%A9%20paille (les articles du Télégramme sur l’opération Yonne – Finistère).