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Le fromage salers tradition, une valorisation qui se mérite

Charlotte Salat fait partie de ces éleveurs de plus en plus rares qui perpétuent la tradition de la salers traite. A l’arrivée, un fromage reconnu pour sa saveur, le salers tradition. Mais pour y parvenir, pas le choix, elle doit reprendre à son compte le travail confié à d’autres jadis, comme l’affinage. La vie de famille passera après…

Les amateurs de fromages sortant des goûts standardisés ne peuvent qu’apprécier le salers tradition, fait uniquement avec du lait de vaches salers, et avec un cahier des charges scrupuleux. Un fromage à classer, même si la région n’est pas la même, proche du beaufort (qui lui est savoyard), pour son originalité et son terroir authentique.

Charlotte Salat a bientôt 30 ans. Avec son père (Michel, 65 ans) et son oncle (Jean, 67 ans), plus un salarié à plein temps, elle tient une exploitation à Cussac, dans le Cantal, à une dizaine de kilomètres de Saint-Flour. 120 vaches salers traite, une soixantaine d’allaitantes, sur 260 hectares de pâturage et 80 hectares de montagne (pour les allaitantes l’été, salon la tradition qui existe aussi sur les monts du Cantal de la transhumance). « Cela fait 10 ans maintenant que je travaille dans l’exploitation familiale. Depuis que j’ai mon bac pro CGEA (Ndlr : conduite et gestion de l’exploitation agricole) en poche.« 

Et en 10 ans, elle a appris le goût de l’authenticité qui sied si bien à son environnemental naturel. Et la défend avec ardeur. Jusque dans les productions de la ferme. Aujourd’hui, la commercialisation va en direction de Ugalait, un grossiste fromager reconnu sur Rungis, plus « un peu de vente directe, avec certains clients qui préfèrent ne travailler que directement avec des producteurs« . Nous parlons ici des fromages, des salers tradition, si recherchés par de belles enseignes, comme par exemple le célèbre Plaza Athénée avenu Montaigne à Paris, dont le restaurant est tenu par le chef Alain Ducasse. Une belle reconnaissance !

« J’ai sorti l’affineur pour vendre en direct »

Mais une reconnaissance qui ne vient pas toute seule, loin s’en faut. Pour obtenir une telle vente directe, il faut tout faire soi-même. « Nous avions un affineur, explique Charlotte Salat. Mes parents travaillaient avec, depuis toujours, par habitude. Moi, j’ai regardé les prix à la vente, et ceux auxquels nous vendions le lait au bout de quelques jours à l’affineur pour qu’il le transforme en fromage. L’affineur prenait clairement une marge largement supérieure à la nôtre. Alors j’ai sorti l’affineur pour vendre en direct.« 

En fait, il n’y avait pas le choix, il fallait reprendre cette marge pour poursuivre l’activité. Ce qui signifie, aussi, un travail supplémentaire. En tant qu’éleveur, il y a deux traites par jour, la première très tôt le matin, la seconde en fin d’après-midi. Il faut s’occuper des vaches, les sortir, les rentrer, les soigner si besoin… En soi, c’est déjà plus qu’un travail à plein temps. Là-dessus vient donc se greffer la confection des fromages. Charlotte Salat résume : « La traite, c’est de 6 à 8 heures le matin. De 8 heures à midi, c’est la fabrication. On ne garde pas le lait, de suite on en fait le salers tradition. Pas de cuve en inox, mais de grands tonneaux en bois. Ce premier travail donne de la tome. Le soir, je la sors de la presse, je l’émiette, j’ajoute du sel, le tout va dans un bac, et le lendemain matin on ressort le fromage de la presse. Ensuite, il faut le tourner toutes les 48 heures, et cela pendant 5 à 8 mois. C’est seulement à ce moment-là qu’il est propre à être commercialisé.« 

Pour ces mois de vieillissement, le Gaec Salat dispose de caves naturelles. « Cela signifie que nous n’utilisons pas de réfrigérateurs, ni n’additionnons quoi que ce soit…« 

Très fière du résultat, Charlotte Salat n’en mesure pas moins ses propos : « Attention, précise-t-elle, n’écrivez pas que nous sommes devenus affineurs, nous ne le sommes pas encore. Il nous manque une mise aux normes pour cela, le matériel coûte 22 000 €, nous espérons pouvoir nous le procurer dans le courant de l’année prochaine. Mais en attendant, les consommateurs peuvent être rassurés, nous sommes déjà contrôlés trois fois : pour le lait, pour la tome, et pour le fromage fini. A chaque fois, les analyses portent sur toutes les maladies que l’on peut rencontrer…« 

Un choix de vie

Evidemment, avoir repris à domicile le travail de l’affineur constitue un choix qui dépasse le cadre professionnel, c’est aussi un choix de vie. Des heures de travail en plus pour la fabrication du fromage, sans parler d’efforts à consentir pour la commercialisation… La jeune femme se donne à fond dans ce job, et du coup fait passer une partie de sa vie privée au second plan. « J’ai tout de même un ami, dit-elle. Mais c’est vrai que nous n’avons pas prévu d’avoir d’enfants dans un avenir proche. Je ne vois pas comment je pourrais m’en tirer aujourd’hui en étant enceinte. Alors ce sera pour plus tard…« 

Sa soeur unique s’intéresse à la coiffure (comme sa mère), son ami, bien que fils d’agriculteur, a d’autres pôles d’intérêt que la reprise d’une partie de l’exploitation du Gaec Salat… Du coup, il faut bien penser à l’avenir. « C’est vrai que mon père et mon oncle ont atteint l’âge de la retraite. Ils ne veulent pas en entendre parler aujourd’hui. Mais le jour arrivera. Il faudrait que je trouve quelqu’un avec qui m’associer, avec qui je serais en confiance…« 

En attendant, les amateurs de fromages ayant un réel goût de terroir, eux, se régalent. Mais connaissent-ils tous les sacrifices (même si ce mot n’est jamais utilisé par Charlotte Salat) cachés derrière la pâte jaune et ferme qu’ils dégustent avec appétit ?

 

En savoir plus : https://www.facebook.com/Gaec-salat-salers-traites-755198654542292 (page Facebook tenue par Charlotte Salat qui montre son élevage et ses fromages, avec de magnifiques photos !) ; https://wikiagri.fr/articles/il-etait-une-fois-une-agricultrice-aux-cheveux-couleur-salers/1025 (le portrait d’une autre femme impliquée dans la salers traite, avec certaines problématiques voisines même si elle ne transforme pas son lait en fromage, Patricia Freyssac) ; http://www.alain-ducasse.com/fr/restaurant/alain-ducasse-au-plaza-ath%C3%A9n%C3%A9e (le célèbre restaurant du Plaza Athénée, tenu par le chef Alain Ducasse, à Paris) ; https://ugalait.wordpress.com (site de Ugalait, fromager grossiste implanté à Rungis).

Photos issues de la page Facebook du Gaec de Charlotte Salat. La première photo la montre avec son père Michel Salat.

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