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La mécanique du désherbage

Les ETA ont aujourd’hui de nombreux atouts pour tirer parti de la valeur ajoutée du désherbage mécanique et la partager avec leurs clients. Décryptage.   

Débit de chantier, efficacité et valeur ajoutée à partager avec le client. Tels sont généralement les critères qu’il convient de réunir pour assurer le succès d’une prestation dans une entreprise de travaux agricoles. Aujourd’hui, ces trois critères semblent bénéficier d’un alignement favorable sous l’effet de différents facteurs.
D’une part, le potentiel d’efficacité du désherbage mécanique s’est considérablement accru ces dernières années. Les gains de précisions rendus possibles par les technologies d’autoguidage et de guidage satellitaire se sont concrétisés. Cela autorise des vitesses de binage plus élevées avec un niveau d’efficacité également supérieur et une approche toujours plus efficace de la ligne de semis. Parallèlement, les tailles des outils et le semis en grande largeur favorisent des débits de chantiers plus importants pour le binage qui doit respecter les largeurs de semis.
Enfin et surtout, la demande s’est matérialisée sous l’effet de différents leviers :
  • nécessité de réduction des indices de fréquence de traitement (IFT),
  • haute valeur environnementale,
  • rémanence de certains herbicides,
  • cahiers des charges de l’aval,
  • problématique de résistances aux herbicides,
  • zones de non-traitements,
  • agriculture biologique,
  • intervention sur adventices à fort développement,
  • diminution des familles de molécules actives d’herbicide…

Les agriculteurs sont ainsi de plus en plus en demande de solutions alternatives au désherbage chimique en complément ou en remplacement. Les pratiques de désherbage mécanique pourraient même devenir incontournable dans les itinéraires techniques dans les années à venir. Dans ce contexte, répondre à cette demande est une opportunité pour fidéliser les clients et même en attirer de nouveaux. Ceci d’autant plus que cette prestation est génératrice de synergies fortes avec les travaux de semis, et plus largement au niveau de l’agriculture de précision avec les techniques d’autoguidage.

 

De la pédagogie dès le semis

La stratégie de désherbage mécanique démarre si possible dès la mise en place du semis. Les entrepreneurs et entrepreneuses qui développent ces prestations peuvent dès lors avoir besoin de réaliser un travail de pédagogie auprès des agriculteurs autour de ces questions.
Le nivellement du terrain est de première importance. Il assure une levée homogène, ce qui facilitera le réglage des outils de binage au bon stade de la culture en place. Par ailleurs, le travail de n’importe lesquels des outils de désherbage mécanique en sera d’autant plus homogène. Dans une stratégie de désherbage mécanique, le semis est souvent réalisé un peu plus profondément avec une attention particulière au plombage de la graine.
Plus l’enracinement sera profond et fort, et moins l’agressivité du désherbage mécanique sur la culture sera importante, et plus le désherbage pourra être efficace avec une meilleure proximité de travail au rang. La vitesse de travail pourra également être accrue derrière un semis bien réalisé.
L’enjeu pour l’entrepreneur est en effet également de préserver sa capacité à assurer des débits de chantier. Outre la qualité du semis et de sa préparation, la largeur de semis a son importance en vue d’un binage ultérieur, sachant qu’on bine toujours comme on sème, avec une largeur de travail identique.

Le bon outil

Bineuse, houe rotative, herse étrille, roto étrille, désherbineuse, désherbeuse à pneus, écimeuse… De nombreux matériels sont commercialisés qui peuvent s’adapter à presque chaque situation d’enherbement, depuis la prélevée jusqu’à des interventions en végétation recouvrante via un guidage de la bineuse par palpeurs.
Parmi ce foisonnement de matériels, les entrepreneurs et entrepreneuses cherchent à investir là où ils peuvent créer le plus de valeur pour leurs clients.
Ainsi, il se dessine en ETA, une tendance à l’investissement dans des bineuses assez fortement équipées d’options.
La construction de valeur se fait ici entre autres autour de la précision et la technicité pour s’adapter aux différentes cultures, stades, types de sols et conditions météorologiques. Selon les zones et leur clientèle, les ETA chercheront également de la polyvalence, pour pouvoir amortir le matériel toute l’année. Une bineuse réglable à de faibles écartements de 15 cm par exemple peut permettre de biner les céréales et le colza en plus des cultures semées au monograine avec un écartement de 45, 50, 75 ou 80 cm.
L’investissement dans des interfaces de guidage est fréquent en ETA, puisque l’interface permet de s’adapter aux disparités du terrain et de se coupler sur plusieurs matériels différents. Lors de l’investissement, les entrepreneurs peuvent aussi chercher à se positionner sur des prestations de binage « agronomiques » destinées à réveiller des sols et à aider l’infiltration en eau. Cela influera notamment sur les choix des socs de bineuse par exemple. Sur sols battants, les outils de désherbage mécanique ont également une fonction secondaire évidente de décroûtage qui peut être mise en avant.

Gérer la problématique du rang

La gestion du désherbage sur le rang est une problématique maintes fois évoquée comme le chaînon manquant du désherbage mécanique. Des possibilités se sont développées pour gérer cette question. Nous pouvons évoquer la herse étrille et la roto-étrille efficaces aux stades les plus jeunes des adventices et des cultures. Le binage en double sens des parcelles semées en « diamant » ne semble cependant pas encore entré dans les mœurs du fait de la complexité de réaliser le semis. Les moulinets à doigt Kress représentent une option pour intervenir sur le rang lors du binage. Certains préfèrent simplement disposer d’une rangée de herse étrille à l’arrière de la bineuse.
Le désherbinage est une autre solution pour désherber sur le rang et compléter le travail du binage. La technique permet de diviser par 7 ou 8 la dose de désherbant en comparaison à un passage d’herbicide en plein. Cette technique s’est peu développée car les conditions d’application du désherbant, et les conditions optimales du binage, sont antagonistes avec besoin d’humidité pour la première et de sec pour la deuxième.
Pour gérer les adventices ayant un fort développement, un système de désherbage à pneus a été développé ces dernières années par le constructeur allemand Klünder pour des cultures les plus basses comme la betterave, le soja, pommes de terre, carottes, chicorée, oignons… Les adventices se trouvent piégées entre deux pneus et sont arrachées par le mouvement d’avancement.

Organisation des chantiers 

« On bine comme on sème » est une règle de base généralement bien établie en matière de binage mécanique. Cette règle implique de biner si possible dans le même sens que le semis  et d’utiliser la même largeur de binage que celle du semoir. En effet, les écarts du semoir entre deux passages peuvent être importants, y compris lorsqu’on a recours à l’autoguidage  RTK. Cela est lié au fait que le semoir peut légèrement se déporter de l’axe d’avancement du tracteur sous l’effet des différentes contraintes auxquelles il est soumis. Certaines ETA contournent cette difficulté, en binant sur la largeur de travail de deux semoirs. Cela se fait au prix d’une attention extrême lors du semis. D’ailleurs, de nombreuses ETA encouragent les agriculteurs à combiner la prestation de binage avec le semis. Cela garantit une meilleure gestion ultérieure des chantiers, une bonne adaptation des profondeurs de semis avec une bonne anticipation, une meilleure adaptation des largeurs de travail des machines etc…
Les chantiers nécessitent une bonne réactivité pour profiter des conditions météorologiques optimales qui doivent inclure au minimum deux jours de temps sec après le passage de la machine. A l’entrée dans la parcelle, les écartements des éléments bineurs doivent être ajustés aux inter-rangs. De la même manière que pour la pulvérisation, la charge mentale des chauffeurs et chauffeuses est souvent très importante pour ces chantiers où l’erreur n’est pas permise. Les systèmes de guidage assurent un confort indéniable, mais ne dispensent pas toujours d’une vigilance importante, selon la nature du terrain, le type de culture et son stade, la qualité du semis. Dans le cas de chantiers particulièrement stressants, certaines ETA pourront ainsi s’organiser pour faire des rotations avec plusieurs chauffeurs. L’expérience acquise par un chauffeur dans les travaux de semis peut aussi être avantageusement valorisée pour le binage.

La chambre forme les chauffeurs

La chambre régionale d’agriculture de Bretagne (Crab) a lancé un programme de formation des agriculteurs, mais aussi des chauffeurs de Cuma et d’ETA aux techniques de désherbage mécanique. Baptisée DeshMéca, cette opération s’appuie sur 33 conseillers en agronomie eux-mêmes formés à ces techniques. Une prise en charge financière de l’accompagnement est possible à différents degrés avec, dans certains cas particuliers, le financement des chantiers. La Crab met par ailleurs à jour une carte qui géolocalise plus de 135 outils de désherbage mécanique potentiellement mo
bilisables en ETA et Cuma. Cette initiative pourrait s’étendre à d’autres régions si la demande du terrain se fait sentir.
Alexis Dufumier
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