enseignement agricole

La fin des lycées agricoles en 2030 ?

L’évolution sociologique et démographique dans les zones rurales pourrait reconfigurer les missions des lycées agricoles et les transformer en lycées des métiers, en mesure de répondre aux exigences du marché du travail dans les régions où ils sont implantés.

Le maillage les lycées agricoles est un point fort sur lequel les conseils régionaux s’appuieraient pour réformer l’enseignement technique et la formation professionnelle si cette compétence leur revient intégralement. Dans cette perspective, les lycées agricoles perdraient leur vocation agricole pour se fondre dans la masse des lycées techniques. Les exploitations agricoles expérimentales ou d’ateliers techniques, les outils pédagogiques grandeur nature sur lesquels s’appuie chaque lycée agricole pour dispenser ses cours avec succès, disparaitraient.

Le rapport rendu public intitulé « Prospective des métiers, qualifications et emplois liés à l’enseignement technique agricole en 2030 » élabore quatre scénarios en phase avec l’évolution de l’économie nationale avec tout ce que cela implique sociologiquement. Les Français pourraient opter pour la ruralité ou davantage s’urbaniser. L’évolution de la situation économique de notre pays et l’importance qui sera accordée à l’agro-écologie, conditionneront ces choix.

Un scénario intitulé « Métropolisations et société duale » découle de la situation actuelle de l’économie nationale caractérisée par une croissance en berne et un taux de chômage élevé de la population active. « La métropolisation à l’œuvre s’accompagne d’un développement hétérogène des territoires, les différences et même les inégalités territoriales s’amplifiant, après s’être longtemps amenuisées grâce aux politiques redistributives de l’État-providence et de l’aménagement du territoire. »

Dans ce contexte, « l’enseignement agricole (et l’enseignement technique en général) ne fait pas rêver au-delà des enfants d’agriculteurs ou issus de certaines zones rurales bénéficiant d’une vitalité préservée », écrivent les auteurs de l’étude.

Une disparition des formations générales dans ces établissements au profit des seules filières professionnelles « conduit un nombre important d’étudiants à se tourner vers les établissements d’enseignement général de l’Éducation nationale ».

Dans ce scénario, « les régions contribuent à la structuration des formations proposées, dans un objectif d’employabilité optimale des diplômés », « soucieuses de l’adéquation entre les formations et le marché de l’emploi territorial ». Le taux d’insertion professionnelle des nouveaux diplomés de l’enseignement agricole  est actuelllement de plus de 82 % à six mois.

Ces lycées reprendraient toutefois à leurs comptes les méthodes pédagogiques qui font actuellement le succès des lycées agricoles, à savoir un encadrement scolaire et périscolaire (internat, activités socioculturelles) et, des outils expérimentaux grandeur nature (exploitations, ateliers).

« En réponse au rapprochement accru entre le monde professionnel et l’enseignement, l’apprentissage devient prépondérant », expliquent encore les auteurs de l’étude ministérielle pour présenter ce premier scénario  « Métropolisations et société duale ».

Le rapport « Prospective des métiers, qualifications et emplois liés à l’enseignement technique agricole en 2030 » du ministère est en fait le fruit des réflexions d’un groupe d’une trentaine de personnes, d’horizons et de statuts divers. Outre celui décrit ci-dessus, ils ont défini ensemble trois autres scénarios en fonction des missions qui seraient allouées aux établissements concernés en plus du premier décrit précédemment. Ces scénarios s’enchevêtrent en partie.

Deux des trois scénarios présentés sont « optimistes en matière d’emploi et d’avenir des zones rurales. Ils constituent un cadre positif pour réfléchir aux transformations à conduire sur l’enseignement agricole dans les prochaines années. »

Le premier « Économie verte et territoires » prévoit la formation de  pôles d’enseignement en milieu rural, spécialisés dans les sciences et techniques du vivant en lien avec le développement d’une écologie verte axée sur la bioéconomie. Les régions en charge de l’enseignement technique soutiendraient les formations qui confortent le choix d’un grand nombre de Français d’habiter en zone rurale. Aussi, les formations dispensées doivent les aider à réaliser leur projet.

Les auteurs de l’étude décrivent ainsi l’évolution de l’enseignement agricole : « Les établissements sont désormais de véritables lycées polyvalents, majoritairement en milieu rural : élargissement des spécialités environnementales, accent mis sur les formations industrielles alimentaires et forestières, intégration des formations médico-sociales plus avancées dans les filières des services à la personne, mise en place d’une palette complète de filières et de diplômes de tous niveaux, lien renforcé avec l’enseignement supérieur court et long et avec la recherche ».

Dans ce scénario, « la transition écologique est déjà passée dans les faits, accompagnée d’une transition numérique. Le biomimétisme et les nouvelles technologies s’allient pour développer une nouvelle économie (« bioéconomie »), qui tire toute sa force du vivant. Ces filières sont créatrices d’emplois ».

« Les aspirations des jeunes en termes de métier (vivant, services en milieu rural) comptent plus que l’origine sociale et la profession des parents ».Le public estudiantin des lycées agricoles n’est plus composé d’enfants d’agriculteurs qui veulent s’installer mais des jeunes urbains et ruraux, hors du milieu agricole, qui ont fait le choix de s’orienter vers des métiers ruraux.

Le second scénario « Économie verte et territoires » s’inscrit quelque peu dans la continuité du précédent. Le retour durable de la croissance a modifié le paysage urbain. Les villes s’étalent et absorbent le périurbain. « Fermes urbaines, jardins collectifs, chantiers d’insertion agricoles : tous les moyens sont bons pour promouvoir une alimentation de proximité, pour une population en recherche de sens et de qualité de vie », décrivent les auteurs de l’étude.

Selon ces derniers, les lycées polytechniques proposent des formations spécialisées en lien avec l’évolution de la société avec un accent sur l’environnement, l’industrie alimentaire et forestière les services à la personne.

« Les spécialités agricoles, environnementales, industrielles, en lien étroit avec le territoire constituent la trame d’un projet pédagogique fort en faveur du développement durable », souligne le rapport. 

A contrario, le troisième scénario « Le moins cher, par choix ou par force » « s’inscrit dans une logique durable de faible croissance économique avec un chômage de masse qui pousse les urbains à s’installer en zone rurale en quête d’une vie bon marché. »

Le télétravail facilite cette migration de la ville vers la campagne. « Dans cette logique, les établissements agricoles en tant que tels ont disparu pour se fondre dans les « lycées des métiers » sur l’ensemble du territoire. »

Spécialisés pour ne pas être en concurrence, certains lycées ont conservé des filières agricoles et forestières (pédologie, zootechnie, dans ce scénario.

Dans ce contexte, les lycées des métiers accueilleront en grande partie des élèves en difficultés qui n’ont pu s’orienter dans l’enseignement général ou technologique.

Par ailleurs, les effectifs d’étudiants ruraux ne sont pas assez fournis pour maintenir les lycées agricoles en activité sans la venue de jeunes publics urbains.
 

En savoir plus : http://agreste.agriculture.gouv.fr/IMG/pdf/RAPPORT_Prospective_des_metiers_qualifications_et_emplois_lies_a_l_enseignement_agricole.pdf (retropuvez le rapport en entier).
 

Notre illustration ci-dessous est issue de Fotolia, lien direct : https://fr.fotolia.com/id/110024322.

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