De nombreux médias ont repris l’information du projet d’un éleveur de l’installation d’une ferme avec 1750 vaches dans la Somme. « L’usine à vaches« , « l’usine aux mille vaches« , les surnoms n’ont pas manqué pour qualifier une initiative qui effectivement surprend dans le contexte français. Parallèlement, la question qui est posée devient : quel est le modèle agricole français aujourd’hui ?
Petit rappel des faits pour commencer. Dans la Somme, Michel Welter, un agriculteur, a l’idée de rassembler plusieurs élevages en un seul, tout simplement pour mutualiser les moyens d’élevage, permettre à chacun d’avoir plus de temps libre, à passer en famille notamment. C’est ainsi qu’il est à l’origine d’un projet prévoyant de rassembler 1750 vaches (sachant que les plus grands élevages en France totalisent dans les 250 têtes) sous un gigantesque bâtiment, grand, selon le responsable d’une ONG environnementale locale cité par TF1, « comme trois terrains de football« . Bien que privée, l’entreprise est gênante, car « l’usine à vaches » est telle qu’il faudra notamment épandre les bouses sur 25 communes (sources citées en fin d’article). Les riverains sont effrayés pour leur environnement, craignent également l’arrivée de nouveaux virus dans une région déjà peu épargnée en la matière. Quant aux agriculteurs autres que le porteur du projet, ceux qui se sont exprimés (les images télévisées montrent essentiellement des syndicalistes de la Confédération paysanne) craignent l’évolution du modèle agricole français ainsi proposée.
Bien sûr, il s’agit là d’une initiative individuelle, pas d’une vocation, ni d’un nouveau courant d’idées venu d’un endroit ou d’un autre. Mais il y a de quoi se poser de nombreuses questions. Le projet de Michel Welter est-il compatible avec la vision française de l’agriculture ? Peut-on à la fois être éleveur et penser à son bien-être personnel ? Ou pour préciser : quelles sont les moyens pour un éleveur d’avoir une vie de famille ? (puisqu’il s’agit là de l’argument avancé à l’origine de l’idée du projet). Faut-il observer cette initiative comme arrivant trop tard, ou trop tôt dans notre histoire agricole ?
Une telle ferme, dans les années « productivisme », eut ainsi été dans le ton. Aujourd’hui, elle tranche avec le mode de pensée général. Si l’on regarde l’histoire de la production en France, il y a eu le productivisme, puis l’anti productivisme dans une réaction environnementale forte que je qualifierai de jusqu’au-boutiste (et souvent avec des effets tout aussi discutables que la phase précédente). L’équilibre espéré entre le droit à produire et les attentes sociétales tend seulement à arriver aujourd’hui, avec des concepts tels que l’agriculture écologiquement intensive (entre autres). L' »usine à vaches » et sa démesure, dans ce contexte, nuisent à l’espoir de reconnaissance des agriculteurs dans leur intention environnementale justement mesurée par rapport à leur obligation de production. Elles donnent l’impression d’un retour en arrière, aux années « productivisme », et sont donc susceptibles d’entraîner de nouvelles réactions toutes aussi abusives dans l’autre sens.
La succession des crises a fortement impacté les éleveurs, notamment laitiers. Qu’ils cherchent des réponses pour améliorer leur quotidien, c’est humain, et normal. Que l’un d’entre eux se trompe sur le choix des moyens pour y parvenir, cela me paraît avant tout malheureux. Je ne pense pas qu’il faille accabler l’homme à l’origine du projet, un professionnel agriculteur comme la majorité d’entre vous, chers lecteurs. Mais en revanche lui rappeler le devoir de responsabilité que tous vous assumez en produisant, en quantité, qualité, sur un mode durable.
Sans doute aussi convient-il de poser la question de l’amélioration du quotidien de l’éleveur. Laisser chacun trouver sa propre réponse peut conduire à des erreurs d’interprétation, la preuve. L’éleveur laitier, comme tout autre agriculteur, a le droit de prétendre développer aussi un temps de loisirs, une vie de famille. Où se situe la réponse ? Faut-il développer davantage, ou différemment, l’accès au services de remplacement ? La mutualisation des moyens peut-elle être obtenue autrement que dans une concentration géographique ?
Au-delà d’être opposé au projet de l’éleveur de la Somme, il existe de nombreux chantiers de réflexion à ouvrir sur notre agriculture.
En savoir plus : http://blog.lefigaro.fr/agriculture/2012/06/pourquoi-la-ferme-des-1000-vac.html (l’article et la vidéo remplie de témoignagnes édités sur le blog agricole du Figaro sur la « ferme aux 1000 vaches ») ; http://videos.tf1.fr/jt-we/somme-ils-ont-defile-contre-l-elevage-intensif-7381779.html (le sujet diffusé sur le 20 heures de TF1).
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Notre photo montre des vaches à l’air libre, en liberté. Plus proche du modèle français tel qu’on l’imagine ?