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J’implante mon maïs au strip-till dans l’argile

Sur son exploitation charentaise, Félicien Prudhomme a franchi le pas du strip-till après cinq années de test et de réflexion. Il implante aujourd’hui un tiers de sa surface de maïs avec cette technique.

Installé sur la commune de Saint Fraigne en Charentes, Félicien Prudhomme cultive chaque année 300 ha, dont 100 ha de maïs irrigué. Depuis que son père et son grand-père ont réalisé un forage sur l’exploitation en 1978, la culture est la base de la rotation. Pour autant, les pratiques ont bien changé en près de quarante ans. « À l’époque, les terres étaient soit cultivées en monoculture de maïs, soit en rotation sur six ans avec 4 ou 5 maïs, un pois et un blé » se souvient le charentais. Comme un symbole, en 2023, il a cassé la dernière parcelle en monoculture où était implantée chaque année un maïs depuis 46 ans. « C’est la première fois que je vois la parcelle nue en été » s’amuse l’agriculteur. Aujourd’hui, sa rotation s’est largement diversifiée. Elle comprend toujours du maïs, du blé et du pois d’hiver, auxquels se sont ajoutés du colza, du tournesol, de la féverole, du pois-chiche et dernièrement du soja. Une culture que le producteur aimerait voir monter en puissance dans les années à venir.

Un vrai intérêt pour le soja
Le soja pourrait prendre une place de plus en plus importante dans la rotation. « Sur le plan agronomique, j’imagine un double soja intercalé avec un seigle forestier, suivi d’un maïs. L’idée est de couper le cycle des graminées estivales panic, sétaire et digitaire sur lesquelles nous commençons à avoir des résistances. Sous les pivots, je peux également envisager un soja derrière un blé. Pourquoi pas ? » interroge l’agriculteur.
Côté pile, le volet agronomique donc, et côté face le volet économique. La culture est rémunératrice, car sécurisée par le système d’irrigation de l’exploitation. Elle permet par ailleurs d’aller chercher d’autres sources de revenu. Grâce à son engagement sur les crédits carbones avec Soil Capital, le soja qui ne nécessite pas d’azote rapporte 100 €/ha/an à Félicien Prudhomme. Un montant qui s’additionne aux aides de la Pac pour les protéagineux. « Si la surface augmente encore, il faudra faire les calculs vis-à-vis de l’investissement dans un outil de récolte adapté » évoque-t-il.

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Félicien Prudhomme voit le soja comme une culture d’avenir dans son système © DR

Le recul du labour

La rotation n’a pas été la seule pratique à être remise en question. La charrue systématique entre deux maïs n’est, elle aussi, plus la bienvenue sur l’exploitation. Difficile à croire à la vue des nombreuses coupes et médailles remportées par Félicien Prudhomme lors des concours de labour départementaux. Toujours exposées dans son bureau, ces breloques argentées font office de témoins d’une autre époque. « Avant de m’installer, je m’apercevais déjà que le sol se dégradait. Avec mon père, nous étions passés d’un tracteur 130 ch avec une charrue 5 socs, à un 250 ch pour le même nombre de socs » se souvient-il. Sur les surfaces de la ferme familiale, composées d’un tiers d’argilo-calcaire superficiel et deux tiers pour lesquels l’argile dépasse 40 % de la composition du sol, il constate une dégradation de la structure générale. Pour autant, en 2013, il reprend le flambeau de maïsiculteur et laboureur de l’histoire familiale.

Un saut vers l’ACS

Le déclic de Félicien Prudhomme a lieu en 2017. « J’ai eu un incendie de paille qui a conduit à une grosse remise en question. J’ai intégré le GIEE* de ma coopérative avec lequel nous avons visité l’exploitation d’un voisin. J’y ai vu des belles cultures, des couverts et des vaches occupées à les brouter. Je me suis dit, c’est ça que je veux sur ma ferme » se souvient le charentais. S’ensuit une multitude de formations, notamment avec le Civam, sur l’agriculture de conservation des sols, le non-labour, les couverts et la nutrition des sols. 

En parallèle, pendant trois ans, il essaye un travail du sol réduit sur des petites surfaces. La diminution de l’activité d’achat/vente de paille lui permet de restituer la matière organique des céréales au sol. Un premier pas. Le suivant sera la création d’une plateforme sur la ferme qui reçoit chaque année 900 t de déchets verts ensuite épandus sur les parcelles.

Côté travail du sol, il avance par petit pas. « La première année, j’ai gardé 60 ares que j’ai grattés à la herse rotative pour détruire la féverole avant le semis de maïs. Et la culture est bien sortie. J’ai voulu recommencer sur une plus grande surface l’année suivante en ayant investi dans un semoir à terrage hydraulique. Et là, bien sûr, ça n’a pas aussi bien marché » sourit-il.

Les couverts, une première porte vers l’ACS
Si l’arrêt du labour et la diversification de la rotation sont récents, les couverts avaient eux pris leur marque dans les parcelles depuis quelque temps. « Il y a une vingtaine d’années, dès qu’il y a eu les premières mesures agro-environnementales, mon père a commencé à en mettre. Tout de suite, nous avons vu un effet positif sur le sol » se souvient-il. Aujourd’hui Félicien Prudhomme implante un mélange de féverole, pois et vesce en couvert. Malheureusement cette année, il n’a pas pu le semer du fait des conditions climatiques. « J’avais quand même pu mettre un couvert d’été, composé de radis chinois, gesse, tournesol, trèfle, phacélie et niger que j’ai roulé en février lors d’une période de gel » décrit-il.

L’arrivée du strip-till

Face à ce premier échec, Félicien Prudhomme ne se décourage pas. « Un voisin m’a proposé de me prêter son strip-till » se souvient-il. Après plusieurs essais concluants, le producteur décide d’investir dans ce matériel. L’an dernier, il a récolté son premier maïs sur une parcelle de 13 ha avec préparation du sol au strip-till en septembre après l’implantation d’un couvert féverole, pois, vesse. « J’ai obtenu un rendement de 116 qtx. Sur la moitié de la parcelle, le couvert a été détruit chimiquement et le rendement a été un peu meilleur. Sur l’autre moitié, j’ai voulu semer dans le couvert, mais ça n’a pas bien fonctionné. Il y avait trop d’humidité et je n’ai pas réussi à refermer le sillon. J’ai perdu une dizaine de quintaux par hectare » se souvient-il. Pour autant, il ne désespère pas de semer dans le couvert. « À l’avenir, je vais fermer un rang tous les 75 cm lorsque j’implanterai le couvert. Ça me laissera des bandes de 50 cm dans lesquelles j’interviendrai plus tôt au printemps avec le strip-till  ».

Le maïs semait en 2024 a l’air prometteur, mais n’a pas encore été récolté. Un tiers de la surface a été travaillé au strip-till puis roulé à la suite et semé le lendemain. Un premier passage de strip-till avait été réalisé en septembre 2023. « Au-delà de 30 % d’argile, il est nécessaire de réaliser un strip-till d’hiver. Pour ma part, il est réalisé entre le 1ᵉʳ et le 15 septembre » témoigne le céréalier. La surface restante de maïs a été semée pour moitié après un léger travail du sol avec une herse rotative et pour moitié labourée.

S’il a pu tester différentes modalités, le maïsiculteur l’assure, c’est grâce à son système d’irrigation. « Ça me sécurise sur le rendement. Si je vois qu’une culture démarre mal après un test, je mets un tour d’eau pour la booster » commente-t-il.

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Le strip-till travaille le sol avec 4 éléments © TL

L’importance du billon créé par le strip-till

Lorsqu’il s’est équipé d’un strip-till, Félicien Prudhomme a jeté son dévolu sur le StripCat d’Agrisem. Cet outil se compose d’un disque ouvreur encadré de deux roues de jauge. Il est suivi de deux chasses débris pour écarter les mottes et éviter d’introduire des pailles dans le sillon. Le troisième élément est la dent centrale d’une largeur de 45 mm, qui travaille entre 15 et 20 cm. La dent est encadrée de chaque côté par un disque pour maintenir le flux de terre sur le rang et crée un billon. « Ce billon est primordial pour assurer un réchauffement plus rapide de la ligne de semis, mais il confère également plus de stabilité lors du passage du semoir et garantit une homogénéité de la profondeur de semis. 

Le StripCat est équipé de deux têtes de distribution. Une première de 8 sorties descend derrière la dent. Une seconde de 16 sorties va être installée avec des descentes sur les disques de chaque côté de la dent. « L’idée serait de s’en servir pour mettre des cultures compagnes de chaque côté du rang de colza par exemple » espère le charentais.

Côté semis, Félicien Prudhomme a investi dans un semoir Condor Amazone. 

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Au sol, les pailles de la campagne précédente sont presque entièrement dégradées © TL

Une transition pas toujours simple

Cette transition vers l’agriculture de conservation des sols a été un vrai renouveau pour l’agriculteur charentais. « J’ai retrouvé la passion du métier. Je ne serais peut-être plus agriculteur aujourd’hui si je n’avais pas découvert cette approche » souffle-t-il. Pour autant, il met en garde sur les difficultés rencontrées. « Concernant les limaces, vous aurez beau être prévenu, vous ne serez pas prêt… » avertit-il. Félicien Prudhomme met également en garde contre le temps de travail. « Le temps passé au labour est remplacé par la formation et les moments d’observation des parcelles. La diversification des cultures est aussi très chronophage à surface égale ». 

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